Le Vent de la Chine Numéro 24
En mai, les ventes au détail en Chine chutaient à – 5,3% – pire score en 5 ans. L’indice des prix s’étranglait (-3,5% /an, 19. mois de baisse), et la courbe des investissements publics s’érodait, de +28% (janvier – février.) à +17,6% (janvier – mai).Un chiffre était plus menaçant encore. Avec 5900MMY, l’épargne privée avait progressé de 18,6% sur 12 mois, bien plus que les salaires: clairement, les chinois «votaient» la méfiance, avec leur argent !
Cette dérive a incité Pékin à appliquer deux mesures énoncées par Zhu Rongji dès 1998, repoussées par crainte de déstabilisation. Voyons, ici, le parallélisme historique:en 1988, Zhao Ziyang imposait le principe d’une croissance à deux vitesses, pariant que l’enrichissement de la Chine bleue côtière, rejaillirait sur celle jaune, de l’intérieur. En 1999, Zhu vient de faire admettre une relance favorisant la bourgeoisie nouvelle, et dont les vagues ne lécheront les chômeurs et bas salaires qu’ultérieurement. Ces deux mesures consistent à :
[1] augmenter (50%) les fonctionnaires. « On ne prête qu’aux riche s»: sûrs de leurs arrières, ils consommeront (contrairement aux pauvres qui, si augmentés, thésauriseraient en banque). Idem, le crédit à la consommation gagne du terrain, gratuit, d’un an, aux procédures allégées, pour acheter voiture, logis, études ou congés à l’étranger…
[2] semi privatiser les Entreprises d’Etat (EE) moyennes, par le biais de la Bourse, et de la conversion des dettes en capital transféré. Cette mesure, qui reste à adopter lors d’un Comité Central en septembre (procédure exceptionnelle, style « arbitrage par le peuple ») serait une solution réaliste au refinancement d’une partie du secteur public, notamment à hte technologie.
En même temps, le pouvoir a pris des mesures précises pour relancer la bourse, en léthargie depuis 2 ans (cf Vdlc 22 et 23). Le succès a été immédiat : en 30 jours, les arrivages de nouveaux boursiers (+5 à 6000 /j) ont gonflé de 50%, atteignant 40M. En valeur, les parts « A » (pour chinois) montaient de 40%, tandis que les parts « B » (pour étrangers) faisaient «la culbute». Et mardi 15, Shanghai + Shenzhen échangeaient pour 50MMY de titres – soit 8 fois plus que Hong Kong !
Voir enfin cette condition pour réussir ce pari : le redressement des exports, investissements étrangers, et … l’entrée à l’OMC, ce qui explique la décision implicite de Pékin, de pardonner à Washington (cf p.2) la destruction de son ambassade à Belgrade : Pékin a fait ses comptes !
Avec les silos pleins de 4 « bonnes » récoltes (une 5ème en vue !) et une charge financière énorme pour l’État et ses offices des grains incompétents (ayant perdu, entre ’92 et ’98 pour 65,4 MMUSD), l’Etat affrontait un dilemme impossible. Au printemps encore, Zhu Rongji se refusait à mettre le doigt dans l’engrenage de la réforme de cette plus gigantesque des «machines» maoïste. Aujourd’hui, la barre est franchie!
L’Etat annonce en effet, dès cette saison une baisse du prix garanti. Dans le Hubei, il est de 1,1Y/kg, soit 0,2Y de moins qu’en 1998. Sur le marché libre, il est encore plus bas.
A cette baisse, deux exceptions. Les espèces de haute qualité (Durum, etc), importées pour les industries. Alimentaires et pharmaceutiques, conserveront un bon prix plancher. Et l’Etat gardera cette année un prix mini, pour ne pas acculer le paysan au désespoir, en changeant les règles du jeu après les semailles. Seront donc «punies» les espèces médiocres : blés de printemps du Nord – Est, du sud du Yangtzé, riz long méridional. Quant à l’avenir des offices des grains, passé 1999, il semble inscrit dans ces 2 promesses de la : les prix seront conditionnés par la seule demande, et les gros utilisateurs pourront -légalement- acheter leur grain directement au paysan!
Quelques modèles pas vraiment nouveaux apparaissent, au Salon automobile 1999 de Shanghai.
Chez Volskwagen (VW), la 3ème Santana, sortira en décembre (230000Y); la Honda Accord (298000 Y), outre sa Buick, (318000 Y), General Motors (GM) peaufine, d’ici 2000, son W-Wagon, compact de 7 places (400000Y), qui partagera les chaînes de montage et la plupart des pièces de la Buick.
Depuis Changchun, la JV FAW-Ford sort d’ici décembre, sa nouvelle Hongqi (drapeau rouge), future « plus luxueuse de Chine ». Avec l’aide de GM, le Pan Asia Technical Automotive Center (PATAC) présente sa Qilin («Licorne»), 5 portes, haute sur roues, ville et campagne, « faite par les Chinois pour les Chinois ». ZF Friedrichshafen présente son usine détenue à 100% (investissement= 5,4 MUSD) à Suzhou (Jiangsu), futur 1er fournisseur d’ensembles mécaniques (cardans, suspensions, boîtes de vitesse) pour bus.
OMC ou pas, la Chine comme l’Europe se jouent la guéguerre des obstacles protectionnistes. Au 1er Juin, les exportateurs chinois vers l’Union Européenne (UE) ont eu 10 jours pour se conformer à l’interdiction des emballages en bois non fumigé
-des scarabées longicornes (mange bois) ayant été découverts à l’arrivée. Le marché menacé, pour la Chine, porterait sur 7MMUSD. La Chine s’en prend aux cosmétiques importés: le marché d’1MMUSD ou plus, pourrait brûler au feu de deux règlements:
[1] réclamant, pour l’octroi de la licence, la fourniture du procédé de fabrication et non plus la seule liste des ingrédients (clause intenable, faisant fi du secret d’entreprise);
[2] exigeant un test chinois de tout produit importé (et non plus des lignes de produits, jusqu’à 10 par ligne)… à suivre!
British Telecom et China Telecom vont offrir ensemble, dès fin 1999, de la Chine vers 42 pays un réseau à maille tramée (réseau de lignes privées à large bande, avec compression de données): chacun gardant son autonomie de gestion -CT en Chine, BT depuis l’extérieur.
Face à ces «Goliath», Unicom (5% du marché) s’allie à VIP Calling (né en 1996), leader mondial des communications via Internet, par téléphone normal: ils viennent de mettre en vente 800000 cartes prépayées.
1999, année de toutes les audaces : tandis que Zhu tente de relancer la croissance en misant sur les classes moyennes, Jiang Zemin lui, veut moderniser les campagnes (il revient juste d’une inspection à l’Ouest, remake de celle faite au Sud en ’92 par Deng Xiaoping), et renforcer le paysan …par la loi !
Le concept n’est pas compliqué : il s’agit d’apporter la pratique démocratique dans les campagnes, modifier la vie de 900M de citoyens, sans rien toucher là où se trouve 90% du pouvoir réel, la ville. A ce prix, le monde rural connaîtra moins de manifs (comme celle de cet-te semaine, à Nanping, Fujian, d’une centaine de paysans contre des cadres corrompus).
A priori, le programme en quatre points apparaît insipide:
[1] reconnaissance par tous les cadres du rôle du paysan,
[2] renforcement d’un cadre juridique pour le monde rural, « aux co-leurs de la Chine » (occidentalisme, s’abstenir) ;
[3] apprendre aux leaders de base à agir selon la loi ;
[4] renforcer les tribunaux de campagne.
Est-ce à dire qu’hors des mots d’ordres, rien ne change? Rien n’est moins sûr! Au moins 50% des villages ont déjà leur maire élu, et depuis novembre 1998, peuvent le limoger. Liaodong, (Zhejiang), Jile (Heilongjiang) viennent de le faire, et l’on attend une multiplication des cas. Ceci donne aux paysans droit de regard sur la gestion des villages: c’est peut-être la fin des taxes illégales qui, estime le Conseil d’Etat, coûteraient au paysan officiellement 5,6MMUSD/an et dans la pratique, trois fois plus!Si tel était le cas, ce serait la 1ère chance, pour beaucoup de villages, de prendre en main leur croissance!
Percluse de surproduction et de coûts non compétitifs (cf vdlc n°13), la sidérurgie chinoise tente en ’99 une cure d’amaigrissement. Toutefois, l’effort d’autodiscipline semble mal suivi : de janvier à mai, le secteur a déjà rempli 48% du quota de 104 Mt (contre 114MT en ’98). Aussi le State Metallurgical Industry Bureau (SMIB) vient d’exiger une réduction de 60000t/j (22%) de l’activité des 46 principaux hauts fourneaux. En même temps, se maintient une vive importation : +41% depuis janvier, et 5,1 Mt (=10% de la production nationale).
Se partageant la tâche avec quatre autres Entreprises d’Etat (EE), l’usine ferroviaire de Changchun (Ji-lin) vient de sortir le 1er « xinshisu » (TGV) du pays, d’une vitesse de 200km /h (notre illustration). Il roulera sur la ligne Canton – Shenzhen, déjà occupée par deux autres rames « rapides » : celle d’ABB-Daimler (leasée pour deux ans, Canton – HongKong) et le KTT (HK). Un petit frère est déjà annoncé, capable de 300km/h.
Avant de se présenter sur les places boursières mondiales, le géant pétrochimique Compagnie Nationale Pétrolière (CNPC) assainit ses caisses : 5,4 MMY de passif (contracté en ’98) de 5 filiales (Jilin, Daqing, Fushun, Liaoyang, Lanzhou) sont en cours d’échange, auprès des créanciers, par des parts de capital. Au programme également, un fort dégraissage du personnel. Les fonds mondiaux financeront la construction d’un réseau de gazoducs, depuis l’Ouest (Sichuan, Shaanxi, puis Xinjiang – Tarim), vers Shanghai. A maturité en 2010, ce réseau aura une capacité de 19MMm3.
La State Environmental Protection Administration (SEPA) présente son bilan, mitigé mais réaliste, pour ’98 : à 1% du Produit National Brut (PNB), l’effort national de guerre à la pollution est le plus lourd de tous les PVD, mais (dit l’OMS) 5 des 10 villes les plus insalubres au monde restent en Chine. Depuis 1997, la qualité de quelque cours d’eau s’est améliorée (Yangtzé, Rivière des Perles, Huaihe), mais pas de tous (Fleuve Jaune, Songhua), et a parfois empiré (Liao). Vicié par le charbon, l’air chinois « arrose » 1/3 du territoire aux pluies acides. Responsables n°1 de la lenteur des progrès : les fraudeurs (10% des pollueurs, qui, avertis, font la sourde oreille), et la minceur des amendes : la plus haute citée, l’an dernier (contre une usine du Sichuan) plafonnait à 6000 USD!
Avec cartes d’état-major et diapositives, Th. Pickering, sous-Secrétaire d’Etat américain, a tenté du 14 au 16 juin de vendre à Pékin la thèse de l’« erreur tragique », quant au bombardement de son ambassade à Belgrade.
A 1ère vue, c’est l’échec: Pékin reste persuadée de la volonté de nuire, et rétorque: « à ceux qui ont accroché la clochette au dos du tigre, d’aller à présent la retirer ». Avant la rencontre pourtant, plusieurs dirigeants, dont Jiang Zemin, avaient suggéré leur désir d’enterrer l’affaire. La vérité est sans doute entre les deux: au sein du Parti, rhétoriquement, pour satisfaire les plus ulcérés, on reste fâché!
NB : en filigrane de cette affaire, se trouve celle de l’entrée à l’OMC. Un sondage vient de révéler que 58% des Chinois soutiennent la candidature du pays, contre 19% seulement d’inquiets, et 72% sont prêts à davantage de concessions, vu les grands avantages à en retirer pour le pays. Chiffres, et publication, signifient qu’en haut comme en bas, le choix est fait.
Le hasard (?) ordonne 2 événements simultanés, favorables au rapprochement de deux géants rivaux : Chine et Inde.
[1] le conflit indopakistanais au Cachemire. Par cette guerre d’altitude, il grève insupportablement les maigres budgets des deux pays. Les deux ministres des affaires étrangères sont montés, presque ensemble, à Pékin, chercher un médiateur, ou sonder les intentions du voisin, traditionnellement, depuis toujours, ami d’Islamabad (tandis que New Delhi avait pour allié Moscou).
[2] les frappes de l’OTAN sur la Yougoslavie. Elles ont choqué tant l’Inde que la Chine, qui n’y voient rien de plus qu’un renfort fourni par les « naïfs » européens, du « gendarme du monde yankee ». Il fallait cela, à Pékin, pour oublier les propos de George Fernandes, ministre indien de la défense, qui décrivait Pékin l en 1998 comme un « ennemi potentiel ». L‘indien Jaswant Singh et Zhu Rongji se sont efforcés de normaliser, et de tout faire pour améliorer les « ridicules » (sic) 2Million USD de leur commerce bilatéral. Tout en remarquant qu’en tant que « les deux plus grands PVD du monde », Chine et Inde avaient « forcément des expériences à partager ». L’idée étant que si ces deux géants parvenaient à s’entendre, le sort de l’Asie en serait changé.
La délation reste en Chine une des activités à plus haut risque-surtout lorsque son motif est l’altruisme. Bien malgré lui, Shen Baihu ex-ingénieur hydraulique, en donne une bonne illustration.
En décembre 1997, sur un chantier à Hangzhou (Zhejiang), de renfort des digues de la rivière Qiantang, il avait surpris des cadres de Huaxia (Entreprise d’Etat municipale, titulaire du contrat) en train de remplir un coffrage de sable au lieu de ciment. Conscient du danger, il s’empressa de dénoncer la fraude, auprès de 6 instances: une seule répondit, le bureau des Eaux et Forêts, le priant de laisser tomber. Shen insista, fit jouer ses relations: le chantier fut inspecté, les indélicats punis… Et l’ingénieur avec! Il a perdu son emploi. Séparé des siens, il a dû prendre le maquis, avec le monde entier à ses trousses -sauf le « journal des travailleurs », qui a osé dire la sulfureuse histoire!
L’eugénisme est dans la tradition chinoise.
La recherche se débat dans une misère de subsides: raisons qui expliquent, ensemble, l’ouverture par l’Institut du Planning Familial (Chengdu), d’une Banque du sperme de célébrités. S’y rendent en nombre, les couples infertiles (toujours plus nombreux, rançon du stress), en quête d’enfants « attractifs et intelligents » (sic). On leur y propose les semences sélectionnées d’acteurs, d’hommes d’affaires, d’écrivains, d’athlètes. Les couples composeront leur enfant à la carte, en votant pour telle ou telle qualité, mais sans connaître l’identité du donneur. Après 5 essais réussis, le sperme du donneur sera détruit -pour éviter les clones. Hélas pour l’égalitarisme, l’opération en coûtera « beaucoup plus cher » que les 30000Y de rigueur pour l’insémination «simple». Hélas pour la science: l’on s’accorde à penser, à l’Ouest, que la qualité du sperme, fait moins pour l’intelligence d’un enfant, que l’éveil qu’on lui dispense après sa naissance!
22- 28 juin Pékin: Session /Bureau du Parlement (ANP)
22 juin -1er juillet Pékin: Salon des Instruments électroniques de défense
30 juin – 3 juillet Pékin: Exposition traitement des déchets industriels