A la loupe : La Chine – ÉTAT DE SANTE

Bref, terne et réaliste: trois mots pour définir le discours d’ouverture de Li Peng sur l’état de la Chine. Pour un 1er Ministre sortant, après 10 ans de mandat, on eût pu attendre un exposé plus flamboyant, en forme de “chant du cygne”. Pas en Chine, où la discrétion est gage de sécurité et où l’effet de manche rend vulnérable. Après tout, Li Peng, “jeune” encore (69 ans), garde l’espoir de poursuivre sa carrière politique, au delà de sa très probable prise de commande de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP).

Zhu Rongji fait preuve de la même cautèle: pressenti d’abord pour tenir le discours d’ouverture de la session, puis celui sur la restructuration de l’administration, pièces maîtresses de son programme, Zhu finalement gardera un silence total : le futur chef du Conseil d’État doit se protéger de toute critique, et pour les politiques qu’on apprête, la responsabilité (risques, comme bénéfices) est partagée : collégialité!

Bref : une quarantaine de pages, lues en 2 heures aux 2944 députés présents – un tiers de moins que les années précédentes. Terne: rien que de déjà connu, et presque aucun détail neuf sur les politiques nouvelles. Réaliste : l’idéologie est absente, Deng cité 4 fois, Mao aucune, l’auto-glorification du régime est minimale: ce sont les outils de réforme économique nouveaux qui doivent occuper les feux de la rampe de l’Assemblée Nationale populaire (ANP).

QUELQUES CHIFFRES

• PIB 1997=7477 MMY soit 900MM USD

• Epargne bancaire = 4628 MMY soit 557,6MM USD

• Croissance 93-97= 11%/an (’97=8,8%).

• Revenu/habitant urbain= 5160Y soit 623USD (soit +6%/an)

• Revenu /habitant rural= 2090Y soit 252USD (+5,4%)

• Production agricole en ’97: +4,5% (492,5Mt grain)

• Production industrielle urbaine sur 5 ans: +15,3%

• Production d’acier, en 1997: a «dépassé 100Mt»

• Énergie (puissance installée) =250MKw.

• En 5 ans, chemins de fer nouveaux = 11300km, autoroutes nouvelles = 4100km

• En 5 ans, imports-exports doublés à 325 MM USD, investissements étrangers=186MMUSD • Scolarité obligatoire jusqu’à 9 ans sur 65% du territoire (72% prévus en 1998).

• En 5 ans, 6,9M d’étudiants diplômés, dont 175000 en 3ème cycle.

• 35,5M d’emplois urbains créés en 5 ans

• Espérance de vie actuelle: 70,8 ans.

LES PROBLEMES

L’ordre dans lequel sont classées les faiblesses du pays, est insolite. Si le problème n°1 cité, est logiquement la mauvaise santé des Entreprises d’Etat bien sûr, on s’étonne de voir citer en 8ième position, après agriculture (“faible”), immobilier (“invests inconsidérés”),  finance (“désordonnée”), et pauvreté, les problèmes liés à l’administration (abus de pouvoirs et corruption) : si le problème des fonctionnaires était si léger, pourquoi y consacrer une des réformes nouvelles, majeures des prochaines années? Li Peng conclut sa liste des point s noirs du pays, avec l’épuisement des ressources, la pollution, et cette autocritique énigmatique: “les citoyens sont mécontents… des moeurs sociales et de l’ordre public”.

NOUVEAU CREDO

Il ne manque plus que le mot pour le dire, mais l’État, face à ses entreprises, se veut libéral : a priori, il renonce désormais à toute intervention directe dans la gestion des firmes, et remplace par un cadre d’incitations/interdictions, et de contrôles “macro-économiques”.

De toutes les mesures proposées, qui portent la griffe de Zhu Rongji, on retient

1. l’harmonisation du droit de la faillite, pour réduire les fraudes aux dettes bancaires et la dilapidation du patrimoine public,

2. la réforme des finances, “macro-contrôle par la Banque centrale (BPdC), permettant de renforcer la gestion centralisée des banques commerciales d’État, et d’assurer la création de banques commerciales urbaines et régionales,

3. le contrôle de la dette extérieure: toute demande de crédit interbancaire hors de Chine est soumise au feu vert de Pékin.

4. le frein aux investissements « à tout va »: l’approbation de nouveaux projets (en 1998) devra être très sélective, les projets industriels ordinaires ne devant en principe pas recevoir de feu vert: sur le marché de l’épargne privée, la construction d’usines devra céder le pas au projet géant d’infrastructures en tous genres, communications/énergie/écologie.

NB: la Chine compte 33M d’employés administratifs, dont 8M d’«officiels»: de ce nombre, jusqu’à la moitié devrait perdre leur fonction dans les 3 ans à venir, ce qui ne veut pas dire leur emploi: ils seront réaffectés, avec leurs salaires voire leurs avantages. C’est ce qu’on appelle, en chinois, «abattre le monastère, et garder les moines». Membres du Parti pour la plupart, et influents, ces cadres appartiennent à l’élite du régime, et ont un pouvoir de nuisance : ils doivent être bien traités si cette réforme veut avoir une chance d’aboutir. Le but visé étant une masse salariale plus conforme aux réalités, un personnel mieux formé, et moins arrogant. Ce qui sera, en cas de succès, une révolution absolue dans l’histoire- bien plus que du régime – du pays.

LES VOIX DISSIDENTES

Comme chaque année, la session de l’ANP a été l’occasion pour un certain nombre de dissidents, souvent inconnus, d’exprimer leur désaccord. Nombre de distributeurs de pamphlets, Place Tian An Men, ont été arrêtés – parfois sous les yeux des journalistes. Même sort réservé aux auteurs de lettres ouvertes à travers le pays.

Tradition: le rendez-vous de l’ANP a repris la fonction antique des audiences de l’empereur, où convergeaient les doléances du petit peuple. Les pétitions actuelles réclament justice sociale et démocratie, et « creusent » l’idée en l’air depuis quelques années, d’une réforme politique, avec Président élu, pluralisme et séparation entre armée et pouvoir. L’originalité, cette année, tient au soutien de cette dissidence, par des personnalités modérées et de renom, peut-être « encouragés » par le style «bonhomme» et l’image de tolérance cultivée par le Président Jiang . Parmi ces personnalités: l’économiste Dong Fureng, qui déclare: "la démocratie va naturellement de pair avec l’économie de marché, dans laquelle les membres du gouvernement ne doivent pas tout décider".

Enfin, cette dissidence est nourrie, cette année, par un thème d’actualité : la nomination (« parachutage »), de Li Peng à la tête de l’ANP. Décision mal vécue par beaucoup : Li Peng conserve en 1998 l’image d’un des leaders responsable des événements de la nuit du 3-4 juin 1989.

 

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