A Davos, devant le Gotha de la finance mondiale, le Vice 1er ministre Li Lanqing avait jeté une bombe, en citant un futur programme d’infrastructures, doté de 750 milliards de dollars sur 3 ans. Ce n’était pas une erreur de virgule. Par la suite, des fuites (calculées afin de maintenir l’effet de mystère) ont commencé à circuler, évoquant un new deal, destiné à permettre au pays de faire face aux ans de vaches maigres promises au reste de l’Asie.
Programme tous azimuts, à long terme, incluant routes et canaux, mais aussi centrales thermiques et nucléaires, projet antipollution, et recherche scientifique (idée chère au Président Jiang), avec des « douzaines de pôles de recherche de 3ème cycle » à travers le pays, dans les universités et parcs industriels high-technologie… Assez, croit le régime, pour faire de la Chine d’ici 20 ans, la première puissance technologique au monde!
La composante nationaliste est claire dans ce projet, huile indispensable aux rouages de la vieille machine socialiste, une fois privée de son idéologie (voir notre page «politique»).
Faiblesses de ce plan :
[1] Les instruments financiers (boursiers et obligataires) n’existant pas encore, comment, en 3 ans, attirer une telle masse de crédits? D’autant que la 1ère « loi boursière » du pays, n’est pas prête et ne passera pas lors de cette session du Parlement. Il y aurait des divisions, querelles de compétences, sur le contrôle de cette activité, l’une des plus rémunératrices du pays à l’avenir.
[2] Cette injection massive de capitaux profitera aux Entreprises d’Etat non rentables, dont elle freinera la disparition (en exacerbant leurs mauvaises habitudes de budgétivores assistés);
[3] Les grands projets concernés, arrivant trop vite sur un marché déjà déficitaire en cadres (gestionnaires, ingénieurs etc.), auront des problèmes d’entretien et de rentabilité;
[4] Un décuplement des capacités industrielles et de recherche, est-il compatible avec le maintien d’un système politique rigide, compartimenté, vivant de la censure et de l’absence de responsabilités individuelles?
L’or noir aussi, se restructure …
La Compagnie Nationale Pétrolière (CNPC), première corporation nationale pétrolière, se lance dans une cure d’amaigrissement. 250000 employés seront remerciés avant la fin du siècle, ou affectés aux filiales hors secteur -construction, agriculture, services. Le chiffre pourrait paraître gros, mais il n’affectera qu’un sixième de l’effectif de cette colossale Entreprise d’Etat, qui croit pouvoir entrer d’ici 12 ans dans le sélect club des 10 « major » pétrolières mondiales.
Pour ce faire, la Compagnie Nationale Pétrolière (CNPC) refond son organigramme. D’ici fin 1998, tous ses champs exploités devront séparer leurs compagnies « pétrolières » de leurs autres activités commerciales, afin d’opérer des intégrations verticales en série. Pour cette année, sont prévues les fusions de quatre divisions: équipements pétroliers, ingénierie I (construction), et II (technologie), et transport par oléoduc.
Tous ses gisements devraient être restructurés en SARL ou en Entreprise d’Etat à 100%, tandis que leur cotation en bourse nationale ou étrangère devrait être systématiquement poussée. Enfin ses filiales faibles ou petites seront vendues/converties en coopératives.
Toutes ces mesures permettant de dégager économies d’échelle et réserves d’investissements, nécessaires pour l’expansion du groupe en Chine et ailleurs: en 1997, la Compagnie Nationale Pétrolière (CNPC) a signé 14 Joint-ventures d’exploration/ exploitation pétrolière, pour 288MUSD, portant à 1,1 MMUSD le total des fonds étrangers dans le pétrole en Chine. A l’extérieur, elle a également 14 projets, entre Pérou, Soudan, Venezuela et Kazakhstan. Projets qui lui ont permis d’importer 1Mt de pétrole en 1997. Ils seront 12M en 2000, et 50M dix ans plus tard!
Une armée de 10M chômeurs!
Dernier chiffre du ministre du travail : 10 M d’emplois publics seront supprimés d’ici décembre 1999, sans préjuger des pertes d’emplois ailleurs (secteur privé, entreprises rurales, coopératives etc.).
Les règlements récents prévoient, pour tout licencié, une assistance minimale/ chômage. Toutes les provinces ont l’obligation d’instituer des fonds de réemploi, dont une partie affectée à l’information informatisée sur les vacances de postes, ainsi que des centres de formation continue.
Un nouveau poste apparaîtra au budget public 1998 : celui de subsides aux travailleurs urbains licenciés. A tout hasard, les peines les plus lourdes sont promises au fonctionnaire qui détournera les fonds de formation.
A Pékin, pour faire de la place, la mairie ordonne à ses patrons de congédier sous 20 jours leurs travailleurs migrants, même ceux occupant les fonctions humbles de balayeurs, jardiniers, nettoyeurs des toilettes publiques et maçons, afin de laisser la priorité aux pékinois. Le taux de chômage officiel, moins de 1%, ne justifie pas des mesures si draconiennes. Mais d’autres sources placent ce taux à plus de 15%.
Le Bureau du travail avertit que tout employé migrant, pris la main dans le sac dans un emploi interdit, tel que vendeur en magasin ou chauffeur de bus, perdrait sur le champ travail et permis de résidence.
Racket légal: la cession des Entreprises d’Etat au personnel
La Presse chinoise cite plusieurs cas récents d’une pratique apparemment courante dans les Entreprises d’Etat: les achats forcés de parts de l’entreprise par le personnel.
A Shangrao (Jiangxi), les employés ont eu 10 jours pour faire leur choix dans une peu appétissante alternative: payer 3000Y (en cash) leur part de l’entreprise ou toucher leur enveloppe et disparaître, abandonnant emploi, pension et sécurité sociale.
D’autres Entreprises d’Etat vont jusqu’à convertir en parts les salaires impayés ou menacent d’amendes les mauvais payeurs. Derrière ces opérations peu honnêtes : les mairies, qui interprètent à leur manière le mot d’ordre de Pékin, « garder les bonnes usines et vendre les mauvaises »: l’acheteur le plus simple étant l’employé. Quant au patron, une des causes du mauvais état de la firme, il demeure souvent à la barre, comme actionnaire majoritaire.
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