Le Vent de la Chine Numéro 5
Dans sa pyramide des âges, la Chine socialiste doit affronter une redoutable faille: l’accession au marché des charges publiques, de la génération des hongweibing, ex-Gardes Rouges aujourd’hui haut gradés mais d’un niveau scolaire du certificat d’études. Si le régime veut -et il le veut!- gagner le pari de réforme dont dépend sa survie, il n’a d’autre choix que de faire l’impasse sur cette classe, et placer aux affaires les 1ers à être retournés aux universités, après 10 ans de Révolution Culturelle. Ce qui cause chez ces quinquagénaires sacrifiés, une forte amertume.
C’est ce qu’est en train de faire Zhu Rongji, 1er min. virtuel, avec son cabinet déjà -presque- en place: rien que des quadragénaires inconnus, diplômés, linguistes, formés à l’informatique et à l’occidentale.
Parmi ces futurs ministres, 2 exceptions :
– deux gaoganzidi fils du gratin du régime), Chen Yuan et Wang Qishan, fils et gendre de feux M. Chen Yun et Yao Yilin, les fils s’avérant aussi ardents réformateurs que leurs pères étaient marxistes orthodoxes.
Leur promotion est habile: elle rassurera les rescapés, toujours influents, du baitoubang («gang aux cheveux blancs») sur la pérennité de leurs dynasties.
– Wang Zhongyu, seul apparatchik repêché par Zhu Rongji, fera charnière avec l’administration existante.
Cette équipe a déjà son mot d’ordre: «le socialisme, c’est l’économie de marché, plus la justice sociale», nul doute forgé pour devenir celui du Parti à l’avenir. Le clan conservateur ne s’y trompe pas, qui remarque, non sans pertinence, que le socialisme serait mieux défini par la propriété publique – laquelle justement est en mauvaise passe.
L’enjeu de cette polémique interne, est de susciter maintenant un débat sur l’avenir du socialisme en Chine. C’est ce que l’aile gauche veut, et que Zhu veut éviter, pour garder sa liberté d’action.
Tout ceci illustrant ce slogan emprunté à Tiannu, roman évoqué ci-dessous:
1. demander puis agir,
2. agir puis demander,
3. agir sans demander
Publié légalement à Hohhot (Mongolie Intérieure) en 1996, ce roman de 500 pages sous-titré le bureau anti-corruption en action, fut rapidement interdit -mais se trouve toujours sous le manteau. Pour quelle raison? Il décrit presque exactement, selon les connaisseurs, l’ascension et la chute de Chen Xitong (alias Jiao Pengyuan), Secrétaire du Parti pour Pékin récemment condamné à 15 ans de prison pour corruption.
Et si le roman se termine bien (Chen Hu, le vertueux policier, fait condamner les principaux coupables), ce livre en sait trop sur les techniques de la corruption administrative, et son «inscription dans les gênes du système».
Comme le dit dans le roman un fonctionnaire (corrompu) de la mairie de la capitale, «Si nous brisons la corruption, le Parti chute… Si nous ne la brisons pas, c’est l’État qui chute. C’est pourquoi nous devons la combattre, et la laisser tranquille, par alternance».
Assez de vérités impertinentes pour retirer l’imprimatur à un texte au demeurant stimulant et d’une qualité littéraire indiscutable.
Beijing Jeep, la JV auto de Pékin (contrôlée par Chrysler à 42%) vient de tourner la page sur la pire année de ses 14 ans d’existence.
Production en chute de 19% et profits, de 91%.Sur les 50 000 véhicules produits en 1997, 2000 invendus. Hormis une trop forte consommation, Beijing Jeep a du mal à suivre un marché de moins en moins danwei (unité de travail), de plus en plus privé – en quête de confort!
A défaut de missiles, désormais «interdits» par l’amitié sino-américaine, ce sont 5 cimenteries shanghaïennes qui partent vers l’Iran, produites par 10 entreprises d’Etat, d’une capacité journalière de 700t, d’un coût unitaire de 11M USD. La première usine, à cette heure, single vers Bandar Abbas.
JV croquante entre Kunming Angel, l’américain Prime Bank advisers invest Ltd et la néo-zélandaise Horticulture development: une usine alimentaire de 14,5MUSD, qui produira 6000t de chips par an, d’une valeur de 24MUSD.
Crise ou non, Shanghai et Canton, lancent les travaux pour leur seconde ligne de métro.
A Shanghai, la ligne reliant Pudong à la ville, 13,6km, coûtera 1,2MMUSD, en partie couverts par les États des groupes constructeurs (RFA, France, USA). Fin des travaux pour ‘2000.
A Canton, on lance l’appel d’offres. 26km, 22 stations. Malgré le financement incomplet pour les 1,8MMUSD de la ligne n°1. Canton croit pouvoir entamer les travaux dans l’année.
Ravi, le premier ministre taiwanais Vincent Siew retourne de Jakarta, où il aurait rencontré le Président Suharto.
Le coût d’une telle visite (impensable il y a 3 mois et à laquelle Pékin est par principe très hostile) est connu: 1 à 2MMUSD, sous la forme d’un fonds d’investissement «privé», dont le but serait d’améliorer les conditions d’échanges entre Indonésie, Thaïlande, Philippines et Malaisie.
Taiwan se montre soudain très active, avec un projet de fonds monétaire régional de 50MMUSD géré par l’ADB, la banque asiatique de développement, la création d’une holding privée destinée à racheter des parts des meilleures compagnies du marché du Sud-Est asiatique, voire même des restes de Peregrine, qui lui donneraient le contrôle du 1er instrument de placement en bourse de Hong Kong, des red chips et H-Shares chinois. Mais, la BNP, sur les rangs serait mieux placée!
Campagne taiwanaise ambitieuse, où se discernent 2 buts:
une autonomie régionale monétaire (à terme, un réseau de devises, du type du «serpent européen»);
et, par des moyens financiers, le bris de la tentative d’enclavement de Taiwan, tentée par Pékin.
Depuis quelques semaines, la Bourse de Shanghai franchit le fleuve Pu et passe sur Liu Jia Zui, district financier de Pudong, dans ses locaux futuristes en forme d’arche (coût 120MUSD).
Gain en esthétique, mais aussi en utilité: le nouveau réseau informatique permet une accélération des échanges, de 1800 à 2800 opérations par seconde. Des dizaines d’institutions financières ont précédé ou suivi la Bourse sur Liu Jia Zui, tels (Crédit suisse, Banque Internationale de Paris et Shanghai, Banque Royale du Canada, et Paribas (depuis avril 1997).
Installation en cours, de boîtes noires à bord des navires éboueurs de déchets industriels, afin de contraindre les équipages à déverser leur cargaison dans les périmètres réservés. Première étape vers une protection des eaux de la mer de Chine, qui reçoit 50Mm 3 par an de déchets solides.
Avec la restructuration à marche forcée des Entreprises d’Etat, le climat social s’épaissit.
A Chaoyang (Pékin), depuis mi-décembre, le dégraissage des 1000 ouvriers de l’usine 3501, filiale textile du groupe militaire Xinxing, donne lieu à des tensions maîtrisées à grand peine par le service d’ordre et le syndicat officiel. En même temps dans le Jiangsu, 400 ouvriers de 4 usines manifestent pour six mois d’arriérés de salaires. Dispersés pacifiquement, ils ont obtenu 200Y pour les hommes d’une usine, 100Y pour ceux des autres, mais seulement au bénéfice de ceux ayant «fait la manifestation»: indice d’une inexpérience de l’encadrement local, face aux tensions ouvrières.
Effet de la tempête boursière: Cathay Pacific annonce le report d’1 à 2 ans de ses commandes nouvelles (25 options Airbus et Boeing)et la mise en vente anticipée du segment les moins récent de sa flotte -7 Boeing 747-200. Les commandes fermes pour 1998 seront honorées: 4 Boeing 777-400, 5 Airbus 340-300, un Airbus 330-300, pour 11,5 MM USD.
Le titre Cathay, fin décembre, était à 6.05 USD, niveau le plus bas depuis 1988, et ses profits pour 1997, devaient atteindre 1,6 MM USD, moins de la moitié de l’an précédent.
Toujours pour alléger ses coûts de fonctionnement, (40 à 50MUSD par an), Cathay va éliminer 760 jobs de «rampants» (5% de son personnel dans le monde), et réduire les fréquences de certains vols.
Enjeu: conserver ses espaces réservés sur le nouvel aéroport de Chek Lap Kok, en juillet 1998 !
OMC oblige, Hong Kong Telecom vient de recevoir 800MUSD de royalties pour renoncer avant l’heure (fin 1998, au lieu de 2006) à son monopole téléphonique international sur la RAS (région administrative spéciale).
La concurrence fonctionnera d’abord à partir de lignes rachetées à HK-Telecom (prix imposé), voire sur leurs propres réseaux en ‘2000. Economie de cette libéralisation pour le consommateur : 2MMUSD.
L’heure est-elle venue, pour condamner à mort un citoyen occidental?
La justice chinoise s’interroge, sur le cas de ce routard helvétique ayant étranglé une écolière de minorité Dai, dans la ville de Jinghong au Xishuangbanna (Yunnan). Crime navrant: ni alcool, ni drogue, ni viol, ni romance -juste l’aliénation d’un trop long voyage. La confédération helvétique a pris en charge les frais du procès.
Selon un accord vieux de 12 mois, Pyongyang devait recevoir 60000 barils, puis à terme 200 000t, de déchets nucléaires à faible radiation, en provenance des centrales nucléaires de Taiwan.
Suite à l’opposition intérieure et internationale (USA, Chine, Corée du Sud), Taiwan a fini par conclure que le centre de stockage pressenti en Corée du Nd (une ex mine de charbon) ne présentait pas des conditions de sécurité suffisantes – et a enterré le projet, à défaut des déchets!
la drogue a connu en 1997 en Chine, une avancée de 30 : 106000 cas de crimes de drogue dans la période, 10000 actions en justice,16000 condamnations dont la moitié entre 5 ans et la peine capitale.
Sur les 530000 cas de toxicoma-nes recensés en ’97, 180000 (soit 50000 de plus par rapport à 1996) sont en centres de traitement.
Avec l’affaire Chu Shijian, le nouveau pouvoir (Jiang Zemin et Zhu Rongji) veulent sans doute maintenir la crédibilité de leur campagne anti-corruption: ce «roi du tabac» déchu, du Yunnan (patron des cigarettes Hong Ta, parmi les plus célèbres), est accusé d’avoir exporté plus d’1MMY ainsi que 25MUSD.
Détenu depuis un an, Chu est au coeur d’un réseau comprenant sa famille, des cadres du Parti et de la police du Yunnan, de Canton, de Hainan. Il risque la peine de mort.
Pourquoi ne pas investir à Yanqing, à 70km au nord de Pékin?
2000 km², 270 000 habitants, montagne aride mais bientôt reliée par l’autoroute et dotée d’un atout-maître: Badaling, la Grande Muraille, pompe à billets avec ses 7 à 8 M visiteurs par an. Yanqing serait idéale, selon son vice-maire, pour les industries non polluantes du type électronique, et recherche des usines de transformation pour ses 700000t de fruits et légumes, le lait de ses 100000 vaches, ou le vignoble «français» de ses rêves.
Tout cela, aux portes d’un marché urbain de 30M d’hts, entre Pékin et Tianjin…
Cela dit, attention! Yanqing n’est peut être pas si «écolo» qu’elle l’affirme. On a vu des cas, en décembre, de sections de la Muraille abattues dans la région. Quant à son dernier Secrétaire du Parti, il vient d’en prendre pour douze ans, pour détournement de fonds.
Autres attractions locales: un projet de ranch Far West au pied de la vénérable Muraille, et dans les Gorges de Longqing xia se côtoient, bon enfants, une expo de statues de glace psychédéliques (rose bonbon, vert-anis) et un étonnant «dragon» tunnel, abritant dans ses boyaux une forêt tropicale sur fonds sonore d’oiseaux, avec lianes, milliers de fleurs et arbustes en toc.
Preuve de la débordante imagination des gens de Yanqing (pas différents en cela du reste de la Chine), quand il s’agit de s’enrichir.
Une des deux seules fêtes traditionnelles permises par le régime, le chunjie (jour de l’an lunaire) a été cette année à Pékin le cadre d’un charivari, exutoire des frustrations populaires: nombre de jeunes défiant l’interdiction, passé minuit, ont allumé des pétards (achetés en province), ainsi que la police à leurs trousses. Tarif pour les perdants : 15 jours de prison ferme.
La Chine, en matière de sport international, est généralement fair-play.
A l’exception de m. Liang, une des stars de la presse du football, qui a cru découvrir la raison de l’échec de l’équipe rouge, à arracher sa qualification en Coupe du monde (mortification nationale): à Dalian (Liaoning), l’équipe aurait perdu sa chance de gagner, à cause de mme Yu Ming, vice-manager de leur hôtel, qui les avait accompagnés jusqu’au stade dans leur bus –présence impure, et « poisse », un peu comme celle que les marins redoutent d’un lapin à leur bord… Mme Yu Ming réclame 549000Y de dommages!
Li Yang, étudiant, échouait à ses examens d’anglais.
Jusqu’au jour où, de désespoir, il inventa une méthode révolutionnaire: l’anglais frénétique (sic), consistant à hurler des phrases dans la langue d’Hemingway, des mois durant, dans le désert. A présent capable de parler un passable anglais-US, Li a édité sa méthode vendues 200Y pièce, et jure ses grands dieux qu’il peut aider 300M de Chinois à apprendre l’anglais -si toutefois il existe, en Chine, assez de déserts.
Les experts font remarquer que cette méthode non licenciée, ne fait que pirater différentes méthodes déjà existantes, y compris l’américaine TOEFL. Jalousie, peut-être?
mi-février.: dernier voyage « 1er-ministériel » pour Li Peng : Pays-Bas et Luxembourg
19-20 mars, Pékin : rendez-vous annuel du Comité France-Chine/ Présidence Raymond Barre
sam. 7 fevrier :J.O. d’hiver de Nagano
31 jan-1er février, Davos : Forum économique mondial, en présence du vice 1er Li Lanqing, précédant sa visite de 5 jours au Danemark– «dégel» après des mois de brouille