Editorial : Elections à Taiwan – scrutin exemplaire, tournant de l’histoire !

Avec 123 sièges sur 176 au Yuan Législatif (Assemblée Nationale), et 4% de plus sur 1996, c’est une belle victoire que reçoit le   Kuo Min Tang aux élections de samedi 5 décembre à Taiwan. Campagne marquée (suivant la jeune et vivace tradition électorale insulaire) par un folklore d’un baroquisme tropical (le Président Lee Teng Hui lui-même, n’a t-il pas osé s’y montrer vêtu, pour le haut, en légionnaire romain, et en kilt à partir de la taille?), mais aussi par une maîtrise technique, avec dialogues TV en direct, affrontement non-violent de dizaines de milliers de militants et chute de près de 50% des fraudes aux achats de votes.

Le résultat-phare de ce scrutin, concerne la mairie de Taibei. Deux ténors s’y affrontaient, jeunes, capables et populaires: pour le  Parti Démocratique du Progrès (DPP), séparatiste, Chen Shuibian, le maire sortant, et Ma Yingjeou pour le Parti du Kuo Min Tang (KMT), dit « sunny boy » parce que bel homme, ex-ministre de la justice (à 43 ans), qui avait traduit au tribunal les membres de son parti coupables de corruption. Défiant tous les pronostics, dans ce combat de géants, c’est Ma qui a gagné, avec 80000 voix d’avance: le référendum indépendantiste au programme du Parti Démocratique du Progrès (DPP) (cauchemar de Pékin), est enterré sine die par la volonté du peuple. L’idée étant : « résister à la pression continentale, mais sans provocation ». Et tendre la main: Ma, veut bien aller à Pékin, « si invité avec son nouveau titre ». Cet électorat, décidément, apprend vite : en 1996, il exerçait la liberté, y compris celle de déplaire. Aujourd’hui, il en apprend les limites, et l’art de la responsabilité.

Ce succès aura été aidé par la prudence de Pékin qui contrairement aux présidentielles de mars 1996, a gardé ses frégates et ses missiles au râtelier. Autre sens de ce scrutin : La majorité indigène min-an et haka  de l’île, « pardonne » aux Continentaux pour leur violente prise de pouvoir des années 1950 (sous les ordres de Chiang Kaichek) : Ma est continental, tandis que Chen, l’enfant du pays, dénonçait en lui l’étranger. C’est symboliquement la fin d’une guerre civile larvée.

[1] Pour le DPP, c’est une saine leçon de démocratie (l’empêchant de se prendre pour « le peuple élu »). Et sans en avoir l’air, c’est aussi un pas en avant : Chen Shuibian, désor-mais libre, a 18 mois pour se préparer aux présidentielles de ‘2000 (il risque bien d’y retrouver Ma Yingjeou, pour « la revanche »). Le DPP progresse aussi en sièges à l’Assemblée : 70, soit +3% (31%). Surtout, il coiffe au poteau, à la mairie de Kaohsiung, 2ème  ville du pays, le maire sortant, KMT. Ce scrutin n’a donc rien d’un désastre.

[2] Pour le KMT, c’est la meilleure nouvelle depuis des lustres : celle qu’il n’est pas un dinosaure condamné à disparaître, et que son investissement (en rendant au public la liberté de s’autodéterminer) paie 10 ans après.

Ce message-là sera étudié, de l’autre côté du détroit, au plus haut niveau et avec la plus haute attention. Si cette vérité taïwanaise était extensible à la Chine, elle offrirait au PCC la garantie qui lui manque pour se lancer dans la réforme politique, vécue jusqu’à présent comme le fantôme de la mort – vêtue des traits de Gorbatchev, l’homme qui présidait à la réforme, et aux derniers jours de l’URSS!

 

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