Dans l’inconscient chinois, le Yangtzé est une divinité mythique, et sa colère répond à 40 ans d’oubli. Le Chinois de la rue croit payer deux erreurs du passé.
[1] Celle de Mao, qui avait certes doté le pays (par la contrainte) d’un réseau hors pair de contrôle fluvial, mais qui avait aussi brisé les digues de la natalité, abolissant le planning familial et encourageant un baby-boom aux conséquences incalculables.
[2] Celle de Deng, à partir de 1980, en octroyant aux villages de larges libertés, avec pour slogan, l’enrichissement privé: 200M d’enfants de Mao devenus adultes, occupaient en culture les bassins, « tampons » (qui devaient absorber le trop-plein des crues), les digues, déboisaient à tout va…
Pendant ce temps, Pékin, dans sa course à la croissance, plaçait ses crédits fluviaux dans des méga barrages comme Ertan (dont la 1ère turbine vient d’entrer en fonction) ou les Trois Gorges, projets contestés et qui en tout état de cause ne palliaient pas les lacunes du réseau existant.
Arrive, là-dessus, la vague d’air doux d’el niño, déneigeant 2 mois à l’avance le massif du Kunlun, source de tous les grands fleuves: dès fin mars, Pékin savait à quoi s’en tenir, sur la catastrophe en route. Toutes les instances locales étaient immédiatement averties, y compris (fait inouï!) par voie de presse. La préparation portait moins sur la réfection des ouvrages (impossible de réparer en 2 mois, 20 ans de laisser aller) que sur les exercices d’évacuation, le stockage de matériel, les plans de secours médical etc. Ceci, avec une priorité (pour cause politique évidente) aux villes, vis-à-vis des campagnes. Cette mobilisation, à elle seule, peut rendre compte du nombre bas des victimes (3004, sans doute sous évalué, mais d’une échelle plausible), par rapport aux crues de 1954 qui avaient causé 30 000 décès.
Sommaire N° 27