Ni Bill Clinton, ni Jiang Zemin n’ont obtenu un seul de leurs souhaits exprimés avant la visite : le bilan matériel du Sommet apparaît mince.
Pour Jiang, rien sur l’entrée à l’OMC, ni sur une fin des ventes d’armes à Taiwan, ni sur celle des dernières sanctions économiques contre la Chine.
Pour Clinton, rien pour enrayer le déficit commercial, et rien sur les droits de l’homme.
Et pourtant, les deux Présidents se targuent, à l’issue de la visite, d’un succès total:
1. rapports personnels renforcés (c’était leur 5ème rencontre), à un niveau peut- être jamais atteint entre dirigeants de l’Est et de l’Ouest;
2. Jiang et Clinton ont déplacé le terrain, sur chaque thème, pour accéder en terre vierge, où ils ont pu se faire de grandes concessions.
Bill Clinton, par la durée de son séjour et ses compliments incessants, a donné une reconnaissance du poids politique de la Chine et de son Président. Jiang n’est peut- être pas la plus grande figure du socialisme chinois, mais il est devenu la première, aussi intégrée au club des nations. Bill Clinton a aussi fait un immense cadeau en déclarant les USA opposés à l’indépendance de Taiwan, ce qu’aucun leader occidental n’avait fait jusqu’alors –même si cette thèse était endossée par les USA, ses Présidents, jusqu’alors, ne parlaient que du principe d’une seule Chine, comme Taiwan elle même.
Jiang Zemin lui, a offert à Bill Clinton une ouverture au Dalai Lama. Si Lhassa dispose demain d’un meilleur statut et retrouve son chef spirituel, ce sera à Bill Clinton qu’elle le devra. Clinton a aussi pu fournir quatre fois, à la TV/radio, un vibrant plaidoyer pour la démocratie, l’écologie, et les fondements de l’American way of life. On comprend mieux ce que Clinton entendait, à Xi’an, en prétendant «mieux expliquer à la Chine le fonctionnement de (son) pays».
Tout ceci nous ramène à la question des objectifs réels, au-delà des souhaits apparents des deux acteurs du sommet. Jiang peut avoir laissé passer, à la TV socialiste, un message contraire aux traditions du régime, et qui aura immanquablement une influence considérable, à titre de ballon d’essai.
Lancer une réforme politique, en Chine, comporte le danger pour son auteur, de se retrouver en minorité. Mais si cette réforme est promue par un étranger, comme un phénomène style «Coca Cola» (= déplacement du terrain politique, vers celui onirique ou de la mode), les repères sont perdus.
En cas de succès, Jiang est le père novateur; en cas d’échec, il est hors critique, ayant été contraint par les lois de la courtoisie et de la réciprocité (il avait eu droit au même traitement, aux USA, en novembre 1997). Quant à Clinton, selon ses diplomates à Pékin (en privé), ses risques étaient bien plus grands que ceux de Jiang -ne serait-ce que parce que les questions des «étudiants», à Beida, qui ont frappé la presse par leur tonalité «cocardière» voire agressive, étaient manipulées.
La raison: Clinton n’est pas rééligible, sa carrière s’achève, et ce qu’il recherche à présent, une place dans l’Histoire, se trouve plus facilement dans l’arène internationale que sur la scène intérieure : nul n’est prophète en son pays!
Sommaire N° 25