Le Vent de la Chine Numéro 2

du 13 au 19 janvier 1997

Editorial : Défi N°1: la réforme des Entreprises d’Etat (EE)

Après 10 ans d’introduction massive d’usines étrangères, la Chine s’attelle en 1997 à ce qui sera peut- être sa véritable révolution industrielle et en tout cas son défi n°1, au plan économique : la réforme des Entreprises d’Etat (EE).

Bouleversement de mentalité, avec plus de participation attendue de la base ouvrière (plus de stress, aussi). La Chine a fait le choix (assez prévisible, de la part d’un Etat socialiste et à instinct centralisateur) de gérer le problème des Entreprises d’Etat par filière, plutôt que par région ou au cas par cas.

En ce moment, démarre la 2de phase de la réforme de l’industrie mécanique. La 1ère concernait les structures (dégraissage, contractualisation). Il s’agit à présent de «doper» la capacité technologique du secteur avant, en dernière étape, de peaufiner la qualité des produits. Le plan pour cette année est d’imposer 200 marques, 80 à 100 «entreprises de qualité» et 33 «pôles techniques en entreprise».

Sur cinq ans, Pékin espère combler son retard sur ses voisins, obtenir un maximum de certifications internationales ISO, ainsi qu’une réputation de fiabilité et de service.

L’objectif avoué étant de regagner le terrain perdu sur les firmes étrangères actives en Chine : sur le marché mécanique, la Chine ne contrôle plus que 60% : en l’an 2000, elle veut en avoir récupéré 80%! Le pari sera tenu ou non. Mais le plan, et ses «cousins» en cours de réalisation dans chaque filière, annoncent une évolution inéluctable : la phase présente d’implantation des groupes étrangers sur le sol chinois, ne sera pas éternelle!

 


A la loupe : UNICOM, OU DES DIFFICULTES A FONCTIONNER EN CHINE!

Le Far Eastern Economic Review propose cette semaine un bon exemple des difficultés de toute télécom, prétendait avaler 10% du marché du téléphone normal et 30% du téléphone mobile, moyennant un invest.de près de 35 MM USD.

Trois ans après, on est loin du compte : son chiffre d’affaires plafonne en-dessous de 100 MUSD. Raison N°1 : le ministère des PTT, à la fois son «régulateur» et son rival, n’aime pas la concurrence. C’est pourquoi, en téléphone cellulaire, jusqu’à très tard, les abonnés d’Unicom n’ont pu parler qu’entre eux, jusqu’au moment où le réseau public leur a été ouvert : les PTT avaient dès lors empoché la quasi totalité du marché (à Canton, 400 000, contre 15000 à Unicom).

D’autres effets ont aussi joué: avidité (exigences déraisonnables) d’Unicom face aux partenaires étrangers «vaches à lait», règles «politiques» économiquement absurdes, forçant Unicom à «saucissonner» ses contrats par tranches de 30M USD; et crainte des étrangers de déplaire au Ministère.

Avis donc aux groupes pensant que les relations, en Chine, viennent à bout de tout : Unicom était parrainé dès le départ par Zou Jiahua, vice 1er Ministre : une des meilleures adresses, pourtant!

 


Joint-venture : Ouverture du marché des services télécom

Ø Un mois d’opération «coup de poing» contre le piratage audiovisuel a causé 250 arrestations, 60 000 disques et cassettes saisis, 3 réseaux de passeurs démantelés (dans le train Canton-Pékin), et un total de 20 usines clandestines fermées (toutes dans le Guangdong).

Bilan rendu possible par la délation rémunérée : primes de 10 à 100 000 Y. Cette reprise en main intervient, alors que les CD en vente sous le manteau, grouillent comme jamais avant, dans les rues de la capitale, y compris de CD saisis et «détruits» d’un trait de scie, mais encore audibles!

Ø36 MUSD : montant qu’économiseront en 1997 les JV françaises, japonaises, helvétiques etc. dans le Liaoning, suite à l’abolition de 118 taxes illégales locales: résultat d’une enquête l’an passé par la province, sur les «tripotages» de ses sous-préfectures, et du coup de balai en résultant.

Ø Le géant sud-coréen Lucky Goldstar ouvre à Tianjin une J.V. d’électroménager. 1ère phase = 75 MUSD; total futur = 240MUSD, et la plus grande usine du type en Chine du Nord.

Ø La Chine prépare l’entrée de l’étranger en JV dans le secteur des télécom à valeur ajoutée (e-mail, voice-mail, bases de données, services de fax etc.). Feu vert assorti de règles strictes (capital chinois majoritaire, 2/3 d’employés locaux, etc.)

Ø Sous le Mc Donald de Pékin-Wang Fu-jing en démolition (chassé par un projet immobilier ayant fait scandale en 1996), découverte d’outils préhistoriques de 20000 ans. Les promoteurs du nouveau site (la mairie, et le magnat hongkongais Li Kashing) ne font pas preuve d’une joie excessive.

 


A la loupe : TAIWAN S’ENRICHIT, ELLE AUSSI

Les incertitudes politiques, les menaces militaires à peine voilées de la Chine continentale et les revers diplomatiques n’ont pas empêché Taiwan, en 1996, d’augmenter ses parts du marché mondial – ils l’ont peut-être poussée au contraire à le faire, par l’exacerbation du mot d’ordre«exporter ou mourir»!

En 1996, son surplus commercial a crû de 81%, atteignant 14,7MM USD, dont près de 7MM aux USA. Cet excédent ne croît «que» de 22%: manifestement, Taiwan s’est «retenue» dans ses exports vis-à-vis du seul allié susceptible de la défendre, si nécessaire. Contrairement à Pékin qui n’a pas ces préoccupations, et qui vient de dépasser -honneur douteux-le Japon comme 1er contributeur au déficit yankee. Vers Hong Kong (c’est-à-dire la Chine), ses exports passent à 25MMUSD,+3,5% :«mauvais» bilan dû aux exercices aéronavals chinois du printemps 1996, et à l’austérité en Chine.

Seuls échanges dans le rouge : avec le Japon, dont Taiwan dépend lourdement, mais de moins en moins : près de 14 MMUSD, -19%. C’est ainsi que Taiwan, par son génie d’entreprise, compense en capacité d’investissements, l’isolement croissant dans lequel Pékin la contraint sur le terrain diplomatique!


Argent : Chemins de fer : le plus gros emprunt historique intérieur

l’APL – l’armée chinoise – a généré en 1996 pour 1,2 MM USD de biens et services, environ 20% de son budget. 30% des postes de TV, 60% des motos.

Sur les 3,2 M d’hommes «sous les drapeaux», 1/3 sont ouvriers, fermiers, grooms ou taximen, dans les compagnies de la Grande Muette.

– En guise de «rubis», espèce de tomate chère et appréciée, un comptoir agronomique du Guangxi avait vendu des graines d’une espèce inférieure: 239 paysans grugés avaient perdu leurs sous et leur saison. Le Bureau Industriel et Commercial de Guilin a fait saisir les 30 000 Y du prix des graines et condamné le marchand indélicat à 730000 Y de dommages.

– Le programme public d’emprunts à l’étranger passe en ’96 de 11 à 18 MMUSD.

En emprunts intérieurs, même tendance: cette semaine, 2 emprunts d’ 1/2 MMUSD pour la production électrique et la modernisation des chemins de fer.

L’emprunt ferroviaire de 421 M USD, de 11 à 12% sur 3 à 5 ans, est le plus gros jamais émis en Chine. L’idée étant de drainer l’épargne déçue par les mauvaises performances de la Bourse en ’96.

 


Pol : Shanghai – Pékin : permutations

Ø Rumeurs : Dai Xianglong, Patron de la BPdC– Banque Populaire de Chine – maire de Shanghai cette année.

L’actuel maire, Secrétaire municipal du Parti, remplaçant Huang Ju, «poulain» de Jiang Zemin qui monte à Pékin au Bureau Politique. Tout ceci, en prélude au 15.Congrès.

Ø Le Guatemala avait invité le 29 déc. le ministre taiwanais des affaires étrangères à la signature d’accords de paix, après 35 ans de guerre civile: irrité, Pékin oppose son veto au Conseil de Sécurité des Nations Unies (ONU), pour l’envoi de 155 «casques bleus» : Guatemala.-City doit d’abord «réparer ses erreurs»!

Ø Ouverture imminente du trafic maritime semi-direct entre Chine et Taiwan: pour Taibei, tout armement étranger ou sous pavillon-tiers peut ouvrir sa ligne entre les 2 rivages du détroit de Taiwan, moyennant escale obligatoire dans un quelconque port non-chinois (HK, Macao, Philippines etc.).

Réunion des 2 parties, et espoir d’accord pour le 22 janvier!

Ø Suite aux problèmes de produits sanguins infectés du SIDA et exportés, Pékin vient de durcir ses règlements pour la collecte et le traitement du sang humain.

La collecte s’effectuera sur base gratuite et obligatoire -jusqu’alors, 1/3 du sang collecté provenait des régions les plus pauvres, et contribuait au revenu de beaucoup de gens, qui dès lors cachaient leurs maladies.

 


Temps fort : QIAN QICHEN CHEZ Jacques CHIRAC

Entre Chine et France, 1997 démarre fort, sous le signe de l’«alliance», voulue l’an passé par J. Chirac. Samedi, le ministre des affaires étrangères Qian Qichen, à Paris, était reçu par le Quai d’Orsay et par J. Chirac – en route pour l’Afrique, pour un épisode de la guéguerre sino-taiwanaise à coup de chèques, pour la représentation diplomatique de la Chine à travers le tiers monde.

Cette visite donne le départ d’un calendrier dense, qui culminera en mai avec la venue du Président Chirac, 1ère depuis celle de F. Mitterand, il y a de cela 15 ans. Pas au rancart, les Droits de l’Homme, mais certainement plus une priorité, comme du temps du Président Mitterand -période «morale» mais aussi stérile et aigre dans les rapports entre les 2 régimes!

J. Chirac sera précédé à Pékin par 4 ministres, à commencer lundi 27 par F. Fillon, min. délégué des PTT et de l’Espace -il y a accord sous roche. Les autres sujets franco-chinois vont tous azimuts, avec peut-être cette constante: créer, à l’instar de la RFA, un axe euro-chinois, face à des USA vécus comme envahissants.

En politique : actions communes au Conseil de Sécurité à l’ONU et ouverture de nouveaux consulats. En industrie, nombreux espoirs, dont celui sur le marché des centrales à charbon «propre»… En matière militaire, comme d’autres européens et américains, Paris prépare ses marchés (formation, fournitures) et milite pour la levée de l’embargo de juin ’89 contre Pékin…

Enfin, Paris profite du bon climat pour régler un dossier depuis longtemps en souffrance: déménager ambassade et lycée Français, exigus et désuets, sur un terrain et dans une architecture digne d’eux. Aux dernières nouvelles, l’affaire serait en bonne voie!


Petit Peuple : Remake chinois de l’affaire ‘Bobitt’

Ø Le dynamisme économique de Canton a aussi ses risques: à Yanjiang, un bus explose -un paysan transportait 50 kg d’explosifs, destinés à fabriquer les pétards du Nouvel An lunaire (7février):14 brûlés graves; en mer de Chine, au large de Leizhou, 1 bateau-citerne explose avec 60 t d’essence à bord : 14 morts: le «pétrolier» était en bois!

Ø  , ou un «Lonely heart’s club band» chinois : longtemps mal lotie sous cet angle, la Chine tente de faire face à ses besoins affectifs. A Nankin, 10 hommes et femmes ont répondu à une offre d’auto publicité dans un hebdo du Week-end : petite annonce matrimoniale, photo couleur. A Pékin, depuis avril, 200 handicapés des 2 sexes se rencontrent chaque mois, dans un «club» ouvert pour leur permettre de jeter l’hameçon sur l’âme-soeur!

Ø Un archiviste se «sauve» aux USA avec des kg d’archives sur Zhou Enlai par lui recopiées au fil des ans, et un contrat avec un journaliste américain pour refaire la «story» de l’autorité morale du PCC.

Tandis qu’un bibliothécaire de Pékin se fait prendre, après avoir volé voire revendu plus de 400 palimpsestes, manuscrits et livres antiques : o tempora, o mores!

Ø Cette affaire ne pouvait avoir lieu qu’à Canton, province au tempérament «latin»: à Dongguan, ce garçon prétendait LA quitter pour une AUTRE: ELLE l’émascule, l’AUTRE récupère l’entièreté du blessé et le mène en toute hâte à l’hôpital -qui rétablit sa virilité. Dans ce pays très à l’écoute de l’Amérique, cet incident sent le remake de l’agression survenue aux USA en ’95,avec un certain Bobitt pour victime.

Ø Toutes les administrations sont touchées: les fonctionnaires les + compétents abandonnent la carrière pour , descendre dans le privé.

La semaine dernière, un Professeur assistant à l’Institut de psychologie infantile de l’Université Normale de Pékin quitte, pour ouvrir un jardin d’enfants, axé sur l’enseignement. intensif aux tous-petits. D’Institut, à instituteur – c’est le progrès!

ØNoël n’a pas fait recette cette année: moins d’achats, de restaurants et de fréquentation «en touriste» des messes. Retour à la tradition: frappé par le marasme, le petit peuple se réserve pour «son» Nouvel An à lui, la Fête du Printemps.

 


Rendez-vous : Pékin : séminaire de la Banque Populaire de Chine

Ø Séminaire à huis clos, cette semaine, de 1000 cadres de la BPdC – la Banque populaire de Chine- des banques commerciales et compagnies d’assurances, pour évaluer le secteur financier et monétaire sous tous aspects.

«Parlement» de la finance, qui influencera évidemment les décideurs. Parmi les sujets centraux, l’ajustement de la politique monétaire, la prévention des invests ou licences redondants, la guerre aux usuriers et banques clandestines prêtant aux firmes sur liste noire, des crédits publics. Tonalité dominante : le maintien en ’97de macro-contrôles sévères (politique anti-inflation).