Editorial : Ouverture de la ligne de chemin de fer Beijing – Kowloon (HK) : tout un symbole !

Sur un point précis, la presse chinoise est toujours transparente – pour qui sait la lire: les priorités du régime.

Ces derniers jours, elle révèle avec insistance l’inquiétude de Pékin face à l‘écart croissant des revenus entre citadins et ruraux, régions riches et pauvres, nouveaux riches et laissés pour compte de la croissance.

Au plus haut niveau, le PCC (Parti Communiste Chinois) regrette évidemment ce recul (si la tendance devait se pérenniser) vis à vis de l’idéal d’hier, l’égalitarisme de Mao Zedong, et le risque de troubles plus ou moins graves de la part des oubliés de la croissance. D’où ces efforts à «marche -forcée» pour mettre en place des correctifs sociaux en tous genres, allocations/ chômage, pensions, lois de protection du 3ième âge, incitations aux investissements au Centre et à l’Ouest, et le développement des infrastructures

Ici, l’ouverture en fanfare, le 2 septembre, de la nouvelle ligne de chemin de fer , Pékin-Kowloon, a une portée symbolique évidente : avec ses 2553 km de voies dont 2000 neufs, construits en 3 ans et demi pour un budget voisin de 5 MM USD, elle descend vers les mers du sud, évitant les ports de la côte (Tianjin, Qingdao, Shanghai, Xiamen) tout comme la chaîne des métropoles de l’intérieur (Zhengzhou, Wuhan, Canton), déjà desservies par la ligne traditionnelle : ses étapes s’appellent Hengshui, Heze, Fuyang, Macheng, Ganzhou, Heping… Une gare par heure, litanie d’illustres inconnues de 200 à 400 000 âmes, conurbations rurales attardées.

Le pari est là : comme aux Etats-Unis du début du XIX., il s’agit de «Go West», repousser de quelques centaines de km vers le Xinjiang, la frontière du sous investissement. Chacune de ces villes croit tenir, après des années de frustrations, son billet pour le train de la croissance et se voit devenir une nouvelle Shenzhen, village paludéen devenu en 20 ans l’Eldorado chinois, grâce à la formidable attraction de sa voisine capitaliste. Dans l’histoire, cet axe Nord-Sud est celui du progrès, celui qu’ont emprunté les idées nouvelles et les transferts de technologies de l’Ouest – avis aux amateurs hongkongais!

Et voici un autre discret signal de Pékin: cette ligne qui relie la capitale à sa future RAS «Région Administrative Spéciale» n’a pas coûté un sou à cette dernière. Elle constitue le «cadeau de rentrée» de Hong Kong dans la nation chinoise – version asiatique du veau gras de la Bible, sacrifié pour le retour du fils prodigue.

Il n’était pas anormal que sur un projet de cette ampleur apparaissent des intérêts contradictoires : à Pékin, à la cérémonie d’inauguration de cette ligne au nom supposément synonyme d’ouverture au monde, la presse étrangère n’était pas conviée, pas plus que les industriels ne l’avaient étés à y participer : il s’agit d’un projet avant tout «sino-chinois», en technologie comme en performances. Un décalage existe entre l’annonce d’une ligne transnationale «nouvelle» («coup» de marketing) et les réalités techniques: 3 sections, 500 km existaient déjà.

Leur raccordement aboutit à des caractéristiques hétérogènes limitant le débit de la ligne. Cette ligne semble davantage destinée au désenclavement de deux provinces parmi les plus pauvres de la Chine de l’Est, Anhui et Jiangxi. Elle devrait leur apporter davantage de charbon du Shanxi et de Mongolie, et sérieusement alléger l’engorgement chronique de l’autre ligne, qui n’absorbait jusqu’alors qu’1/3 de la demande! Mais cette apparente vocation locale de la ligne, risque de réduire son intérêt pour Hong Kong, comme axe de développement d’un « hinterland » jusqu’alors inaccessible!

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
0 de Votes
Ecrire un commentaire