« Le printemps est là! » : cette phrase de bienvenue du Président Jiang à son hôte Boris Eltsine fait écho -c’était voulu!- à celle de Zhou Enlai à Nikita Kroutchev lors de son « voyage de la dernière chance » en hiver 1961, précédant 30 ans de brouille.

 Zhou avait accueilli Kroutchev, au pied de l’avion, par cette phrase ambiguë : « vous avez pris votre manteau : vous avez bien fait -il fait froid »! A présent, les tapis rouges remisés aux accessoires, ce voyage apparaît rétrospectivement comme une opération à finalité « virtuelle » -destinée à gonfler la stature des deux Présidents, l’un et l’autre en «campagne électorale ». Ce qui explique le tonitruant « tam-tam » de presse en Russie comme en Chine, et la relative indifférence du reste du monde.

Sur le fond en effet, les fruits apparaissent chétifs : le seul projet de très grande importance, le gazo-oléoduc Baïkal -mer de Bohai, pour des dizaines de milliards de $, n’est pas sorti du chapeau!

La grande force de cette visite, est d’avoir créé un cadre d’échanges sur des bases concrètes: leurs deux grands marchés assoiffés de produits à bas prix, et leur volonté commune de briser  la suprématie américaine dans le monde.

 L’accord « de confiance aux frontières », signé à Shanghai avec 3 républiques d’Asie Centrale (contraintes à l’ « amitié » avec les géants qui les enclavent) permettra de dégager des troupes aujourd’hui affectées aux frontières (pour la Tchéchénie, par exemple, ou en face, pour le Xinjiang)…L’avenir dira si Pékin et Moscou parviendront, comme annoncé, à gonfler leurs échanges de 5,7 à 20 mm $ : le potentiel, en tout cas, est là!

Restent les zones d’ombres (celles de l’irréalisme, et celles des désaccords) : la Russie n’a pas réussi à faire s’engager la Chine à stopper ses essais nucléaires; l’accord frontalier fait l’impasse sur le problème du Xinjiang et de la montée de l’Islam, et de ce fait, aura du mal à fonctionner… Enfin, l’ « amitié » proclamée entre les deux pays aura du chemin à faire pour devenir évidente au niveau des peuples. Pour le moment, il s’agit d’un mariage de raison, sans un gramme d’illusions,  entre deux  régimes moulés dans le même creuset politique!