Bonjour !
« Tibet dernier cri » est le récit de notre voyage au Toit du Monde avec Laurent Zylberman, mon excellent photographe et compère, il y a exactement 3 ans. Par la suite, un an fut consacré à l’écriture et à la recherche pour faire de ce travail aussi, un texte de référence sur ce monde hors du monde, si complexe et qui déchaîne tant de passions.
Puis deux ans furent employés à rechercher un éditeur parmi ceux m’ayant déjà publiés, et d’autres encore. Or, tous se désistèrent : peur de la crise, et désir de se garantir un succès commercial. Or, sous cet angle, le Pays des Neiges est indéchiffrable, à moins que l’auteur n’accepte de hurler avec les loups, ce que je ne sais pas faire (j’ai les cordes vocales sensibles, sans doute).
Le but du livre est de témoigner, mais aussi dans une certaine mesure, d’aider ses habitants à mieux vivre ensemble, en fournissant du Tibet une image sympathisante et dépassionnée . Nous avons souhaité, à travers notre travail, ouvrir une fenêtre sur le Tibet moderne : non sur ce qu’il fut, mais sur ses changements et sur ce qu’il pourrait devenir.
Pour publier ce livre qui nous tient à cœur, prévu pour janvier 2012, nous avons besoin de votre soutien et lançons une souscription : récolter 25.000$ est notre objectif premier.
Même la plus petite participation financière permettra au projet d’aboutir : 1$ , 10$, 25$, 50$…..
Pour souscrire,cliquez sur le lien : vous y trouverez aussi un aperçu du livre, de sa couverture, deux vidéos de présentations, quelques photos du livre…
Les fonds levés serviront également à financer la traduction en anglais et en espagnol – langues internationales – afin de faire partager au plus grand nombre notre expérience.
Pour vous mettre l’eau à la bouche, je vous propose en guise de « blog de la semaine », un extrait de « Tibet, dernier cri ! ».
Madelon, Madelon, Madelon
20 heures : comment vivent, comment s’amusent la nuit les Tibétains dans ce Lhassa que les bidasses de l’armée populaire, armés jusqu’aux dentes n’en finissent pas de patrouiller, mais dont les rues désertes gardent de nombreuses enseignes de tavernes faiblement éclairées de leurs fenêtres à petits carreaux lugubres.
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Nous nous laissons guider au hasard des rues. Finalement, alors que nous cherchions les lieux de la jeunesse branchée, voire dorée, le hasard nous fait atterrir dans un bouiboui où c’est la vieillesse qui s’amuse, et pas qu’un peu. Imaginez une salle de quatre mètres de large par 10 de long, aux parois de lambris insipide consterné de vapeurs de graisse, mal éclairé d’un lampadaire moucheté de chiures d’insectes ou deux ampoules subsistent dans les quatre douilles, l’une à incandescence trop faible, l’autre au néon blafard, plaquant sur nos visages des reflets livides.
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Adossés aux parois latérales, les coffres de bois faisant office de bancs, les tables basses (aux pieds félins) sont peints en polychromes dont les tons criards d’hier sont à présent miséricordieusement déteints. Entre 30 et 70 printemps, une dizaine de commensaux hâlés et ridés, directement tirés d’un tableau de Brueghel, boivent et rigolent.
C’est une fête privée dans laquelle nous sommes tombés : vite, vite, il faut repartir, ne pas déranger ces bonnes gens. Mais il est déjà trop tard : nous voyant faire mine de rebrousser chemin, tous, comme un seul homme, se sont levés, jetés sur nous, nous ont happés, pris par le bras, entraînés avec des sourires jusqu’aux oreilles vers un coin encore libre, où nous nous retrouvons assis, une « Lhassa » tiède entre les mains : c’est parti !
En mandarin aux accents inusités, on se présente : certains retraités, d’autres professeurs au collège intermédiaire voisin. Ils sont voisins et amis. Ce qu’ils fêtent est ce soir, vendredi, la veille de week-end qui est doublée de l’imminence de la fête nationale : six jours qu’ils passeront au repos.
Vis-à-vis des nouveaux venus, tous expriment une incoercible curiosité et une sympathie sans limite. Une vieille femme en tenue locale (robe très longue aux teints délavés, multiples jupons, un tablier et une vareuse aux broderies élimées) n’arrêtera de m’adresser grimaces et langues bien pendues-tirées (signe de bienvenue, dit Tintin, le héros de Hergé), des petits gestes équivoques des deux mains, que je m’interdis d’interpréter.
Sous les yeux attentifs de l’assemblée, une femme en chemisier moulant noir sur une poitrine libre et fière nous initie au cérémonial de la bière fade, qui se boit à très petits verres (mode locale), mais cul sec et en nombres phénoménaux.
A notre arrivée, un homme chauve, déjà pompette, poussait la chansonnette, encouragé par l’assistance claquant des mains et reprenant le refrain en cœur.
A présent, tout en maintenant le bavardage de table en table, ils poursuivent le récital, chaque buveur à son tour entonnant une romance traditionnelle. Douce et coulante, la mélodie vocale est aussi tonique et d’une grande force. Certaines inflexions nous donnent parfois des indices du sens : l’amour non partagé, les devoirs familiaux, l’abandon du village natal… Deux femmes reviennent sans cesse sur le « podium » du milieu du bistroquet : la plantureuse patronne et une fille plus mince au regard de feu, en pull bleu turquoise. Nous comprenons vite qu’elles tiennent la caisse. Pour elles, chanter est un moyen d’accélérer la descente des verres et les commandes de boissons, par une technique simple et efficace. Chaque homme devant lequel elles se plantent et chantent, doit boire son petit verre cul-sec, accompagné de tout le café. De la sorte, les tables se rechargent de ces bouteilles de 60cl. La pratique cependant, ne poursuit pas qu’un but lucratif. Il y a aussi le plaisir d’être ensemble, le partage folklorique et interculturel, un genre de potlatch où on sacrifie tout au plaisir du groupe, sans égard pour l’épargne individuelle : dans le style propre au Toit du monde.
Après un temps, m’apparaît dans cette frénésie de libation un autre sens qui est éthylique. Ce qui compte, c’est se saouler au plus vite, se transférer ensemble dans cet univers ouaté où se déchargent dans l’euphorie les misères du jour. Comme si le temps était compté. Dissiper la pression en kaki, l’incertitude des lendemains.
Ces gens sont simples et gentils. Pas une fois durant cette beuverie lyrique, nous ne verrons un mauvais geste, une remarque aigre contre la Chine, les voisins, une remontrance, des coups. Pas de révolte contre leur condition. Juste l’hospitalité, l’humilité – une expression ouatée de l’identité du groupe.
Un professeur de mathématiques me décrit son emploi. Les conditions de travail sont satisfaisantes. Il fait ses 30 heures par semaine, touche 300 euros par mois avec couverture médicale et pension à la clé. Comme nous l’avons déjà vu au collège expérimental, il est traité de la même manière que les enseignants chinois.
Un petit instituteur à lunettes passe la soirée à s’enquérir du sort de « Zi – da- né » (Zidane), tout en oubliant instantanément ma réponse peu documentée, de toute manière sans importance. Car ce qui lui importe, est de revenir me parler et me réasséner son verdict sur ce célèbre match de coupe du monde où Zidane s’était fait sortir sur carton rouge, après un coup de front à un adversaire qui venait de mettre malignement en doute la vertu de sa mère. Remonté à bloc, chaque cinq minutes, le petit maître me remontre que sous aucun prétexte, le coup de boule ne peut être admis comme pratique licite, dans le grand football mondial. Il y a des règles, quoi, Monsieur, hic !
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Emoustillés dans notre fierté nationale, ne voulant point laisser aux hôtes le monopole de l’ambiance, nous payons notre écot au concert nocturne en poussant à notre tour la ritournelle : « Elle aime à rire, elle aime à boire », et surtout « la Madelon » : cet air-là obtient un tel succès que nous leur donnons un bis, et que tout le café se met à scander avec nous « Madelon, Madelon, Madelon ». Mon voisin me demande de lui expliquer le titre. J’évoque la jolie fille innocente, au milieu de l’estaminet à bidasses : alors, la joie bat son comble, tout le monde se répète le thème, les paroles. Voilà une soirée qui fera date dans l’histoire de l’humble établissement. Le bateau ivre ne balbutie plus que le Sésame de la nuit, déformé à sa guise : « ma-de-le », « ma-de-la »,…
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