Blog : Premier octobre : une fête nationale en privé

Jeudi 1er octobre : cⲙest le grand jour de cette fête nationale, 60ème anniversaire de la fondation du régime, si importante pour ses hommes.


Je regarde par la fenêtre, le ciel est clair, le soleil va donner. Le plafond est haut, et non plus gris sombre comme veille et avant-veille. Manifestement, les milliers de fusées au sel dⲙargent tirées du sol ou par avions les journées précédentes, ont marché, assez pour éclaircir le firmament.

Autre « dernière nouvelle » : jⲙignore encore pour les diplomates, mais je connais au moins un
pistonné du monde des affaires, immémorialement bien introduit auprès des autorités, et qui vient de constater que son strapontin place Tian An Men lui était retiré. Dans un style bien local, on lui a soumis une véritable dissertation à rédiger ou un questionnaire à répondre, en chinois, au QG de la police, jusquⲙau moment où reculant par rapport à des mois dⲙattentes, il a préféré jeter lⲙéponge. Quant aux journalistesⲦ Jⲙavais moi-même été éconduit le 7 septembre, « mais vous nⲙy pensez pas, cⲙest beaucoup trop tard », jⲙavais pourtant frappé à la plus haute porte que je connaisse et ce nⲙétait pas ridicule. Mais certains autres pensaient avoir réussi à placer leur nom sur la liste très courte des élus. Cⲙétait pour constater la veille de la fête quⲙaucun badge nⲙétait encore tombé. Notre club de la presse FCCC nous alertait en urgence, nous demandant de confirmer si lⲙun ou lⲙautre, en fin de compte, sⲙen voyait priver. Apparemment, nos amis Chinois d’une part, ont tous envie d’être de la parade – c’est l’aboutissement d’une vie, et d’un régime : les places sont chères. D’autre part, dans l’environnement chauvin qu’est l’univers post-marxiste, à cette immense fête de famille, l’étranger n’est pas toujours le bienvenu.

Ce qui se disait hier soir tard, entre collègues, était que le quota pour étrangers aujourd’hui résiduel, après avoir servi tous les pistonnés de dernière minute (beaucoup moins que les 200 annoncées trois semaines plus tôt) était tombé si bas que les responsables avaient imaginé d’avertir les derniers vrais élus étrangers, la poignée en somme, passé minuit seulement. Histoire dⲙéviter toute émeute dⲙétrangersⲦ toujours le même vieux souci de ne pas faire de vague et de couvrir ses abattis : on appelle çà « société harmonieuse » en Chine et même, selon la dernière formulation de Hu Jintao, « harmonie ethnique ».
Faut-il le dire? mon sommeil nocturne n’a pas été troublé.

Voici quelques photos de la parade aérienne:

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Je reçois aussi ce matin, dⲙun ami parisien, un papier de Yann Rousseau mon collègue des Echos, daté du 3 septembre et intitulé « illusions chinoises ». Il y reprend ce que nous disons tous depuis des mois. Ce développement brillant en apparence, cette sortie anticipée de la crise ne reposent que sur les pieds dⲙargiles de grandes firmes dⲙEtat et de planche à billets. Les vrais souteneurs de l’économie chinoise, les millions de PME privées ou indépendantes ont été lâchées. Faute de réformes sociales réelles, dans le style de la liberté dⲙentreprise et de la couverture sociale, tout va retomber.


Ce 1er octobre peut être un bon moment pour en parler, pour faire ce bilan, car la fête de ce jour est le rideau posé pour travestir la réalité.  


Face à la thèse de Yann, je vois deux points, un en faveur, lⲙautre qui objecte.


En faveur : le nombre de chômeurs suite à la récession. Nous avons trois chiffres, tous dⲙorigine officielle. Début septembre : 16,5 millions (chiffre du ministère). Mi septembre : 41 millions (chiffre de lⲙAcadémie des sciences sociales et dⲙun centre de recherche du Conseil dⲙEtat). Et hier : 120 à 200 millions, chiffre de Sidney Rittenberg, ancien traducteur de Mao. Nous pouvons donc supposer que ses chiffres lui viennent de haut lieu, vu ses entrées dans ce pays. On note la progression dans le temps, entre ces nombres qui forment une courbe hyperbolique. La Chine tait ses maux, les couvrent d’horipeaux de gloire, mais elle va mal. Pour dépasser tout çà, rien de tel quⲙune bonne fête, où lⲙon annonce que lⲙon est devenu n°2 industriel mondial, quⲙon a rattrapé les américains en sophistication militaire, quⲙon joue dans la cour des grands. Mais on est restés autoritaires, on a tout bâti sur le mensonge de presse, sur la manipulation des foules, et comme les faits sont têtus, plus dure sera la chute.


En objection à cette thèse : comme le dit Yann lui-même, « une fois de plus, la Chine a donné tort à ses détracteurs ». Et oui ! Elle ne tombe jamais. Ce quⲙelle a créé avec ce plan de relance ⲓpoudre aux yeux, ces infrastructures géantes financées à fonds perdus, cⲙest malgré tout une impulsion, un geste de puissance. Un swing planétaire. Tout est là. Dans le psychologique, qui nous affecte aussi : après tout, si la France consomme ou si l’Amérique se remet à épargner, si la crise mondiale se résorbe ou bien rechute, c’est tout, à 80%, suite à l’acquiescement des masses, ou bien suite à leur vote de défiance fae aux décisions des puissants. La gestion chinoise de la crise, avec ses méthodes ringardes et résolument hostiles au progrès, a marché pour l’instant. Elle lui vaut un coup de chapeau bas à lⲙextérieur et de respect à lⲙintérieur. Cela pourrait suffire à faire prendre la colle. Surtout si lⲙon adjoint un autre, plusieurs autres plans de relance derrière, comme des perles au collier. Ce que la Chine a les moyens de faire, et a annoncé quⲙelle ferait. Aussi, Yann a quand même raison de rechercher les faiblesses dans ce système mensonger et opaque, car il y en a et même plein, et le régime devrait en mourir un jour. Mais ce ne sera pas pour tout de suite.
Reste enfin, comme la chose qui pourrait faire chuter tout le savant équilibre de la camarilla chinoise, la récente, étrange série de failles au sommet de lⲙappareil, concernant Hu Jintao et Xi Jinping. On ne sait pas tout. On ne sait presque rien. Ce qui est sûr, est que Xi Jinping nⲙa pas eu sa promotion comme n°2 de lⲙarmée (n°1 = Hu) le mois passé. Depuis 2007, Xi Jinping a été choisi comme le futur leader de la Chine en 2012, successeur de Hu Jintao. A l’époque, Li Kejiang, le candidat de Hu à sa succession avait été désavoué par le Parti. Fidèle au mode de succession légué par Deng, l’appareil rejetait tout « dauphin » choisi par lⲙhomme aux manettes.  Mais à présent, Xi Jinping voit sa route au moins provisoirement barrée, ce qui relance les chances de Li Keqiang et remet tout en cause. Quoique 10 ans plus tôt, Jiang Zemin ait tenté et échoué à imposer son propre héritier Zeng Qinghong : le Parti, suivant Deng, avait voté pour Hu Jintao.
Autre petit fait incontestable : Hu, aujourdⲙhui, parlera à ses centaines de milliers dⲙinvités sur la place Tian An Men, à la terrasse du pavillon de la paix céleste : dans les chaussures de Mao, qui faisait 60 ans plus tôt jour pour jour, le même geste au même endroit, et fondait la République Populaire de Chine. Ainsi, sur ces deux points (bloquer lⲙaccession de Xi, parler comme Mao), Hu semble à ce stade, avoir réussi ce que Jiang Zemin avait raté : se hisser au Panthéon de Mao et de Deng.


Il se dit enfin, dernière rumeur bizarre, quⲙil aurait réussi celaⲦ grâce au soutien de Jiang Zemin, bien vivant, qui un pied dans la tombe, resterait le faiseur de rois, au moyen de ses occultes et provinciales alliancesⲦ
Ce que je retire de tout ce miasme, est lⲙimmense faiblesse de notre savoir sur l’appareil politique chinois. Ni le monde, ni le peuple chinois n’ont idée de la manière dont tourne ce microcosme extrêmement fermé, incontrôlable et fluctuant, imprévisible !
Enfin, je vous offre, si vous les souhaitez, mes deux « avant papiers » sur cette fête, publiés hier et ce matin dans
Sud Ouest (Bordeaux) : bonne lecture à tous, et comme dⲙhabitude, merci des commentaires, qui sont importants pour alimenter le dialogue entre vous, et permettre au blog de vivre !

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 Mercredi 30 septembre : la fête sous très haute surveillance

La plus grande parade de lⲙhistoire de Chine, est pour ce jeudi 1er octobre, soixantième anniversaire du régime. En 66 minutes dans Pékin, 7000 hommes exhiberont missiles intercontinentaux, radars mobiles, tanks, cependant que 150 chasseurs, ravitailleurs et grands jets survoleront Pékin en rase-mottes accompagnés dⲙhélicoptères.

200.000 jeunes les suivront sur ces 4km de parcours, et exécuteront un ballet projetant des tableaux géants, tel lⲙétendard rouge aux étoiles dⲙor. Le coût de ce faste est estimé à 30 millions dⲙeuros. Il aurait été bien plus élevé si ces ados « volontaires » avaient été payés.

De ce show, lⲙaspect le plus important est le militaire, ces  52 systèmes dⲙarmes et les 500 équipements qui feront presque tous leur première apparition. Le ministre de la défense Liang Guangli en conclut (contesté par lⲙétranger) que la Chine aurait rattrapé son retard sur les armées de lⲙOccident, et serait au point pour une guerre technologique « à armes égales » sur terre, en mer et dans les airs.

Seul « hic » de cette fête : elle est réservée exclusivement à 400.000 caciques invités de tout le pays, au nom de la sécurité. Les autres, regarderont à la TV. Des précautions inouïes sont prises. Les résidents ont reçu lⲙordre de sⲙéloigner de leurs fenêtres et dⲙinviter quiconque. Depuis des semaines, à mesure quⲙapparaissent par dizaines de millions les pots de fleurs, disparaissent les mendiants et chômeurs, renvoyés à leurs villages. Des centaines de milliers de policiers sont déployés aux carrefours, dans les gares, y compris les « léopards des neiges » antigangs en cagoule noire. Les routes sont barrées pour filtrer lⲙaccès vers la capitale.

Durant le défilé, commerces et bureaux seront fermés, tout comme le trafic aérien au sens très large : depuis huit jours, le ciel est interdit à tout ce qui vole: ballons, parapentes, cerfs-volants, pigeons. On a même vu les couteaux de cuisine retirés de la vente dans les commerces, tandis quⲙune campagne a permis de confisquer 53000 revolvers et fusils. Sur le Yangtzé, le fret dangereux est prohibé, comme hors Pékin, tout autre défilé.

Toutes ces mesures draconiennes expriment la hantise des attentats suicides : extrémistes ouighours, tibétains ou citoyens ruinés par la crise. Si une bombe allait exploser sur le passage du défilé, ce serait pour le régime une terrible perte de face. Et pourtant, le risque est réel : dix jours plus tôt dans Pékin-même, trois désespérés ont frappé aveuglément dans une ruelle commerçante, tuant deux personnes et en blessant 12 (dont une Française), et le 25 septembre, un attentat détruisait un restaurant ouighour au centre ville. La tension provient de la crise qui a détruit 41 millions dⲙemplois chinois en un an, chiffre énorme. Elle pourrait aussi être exacerbée par la censure écrasante depuis des mois, privant les gens de tout exutoire pour déverser leur désarroi.

La nervosité ambiante vient aussi dⲙun fait de culture chinoise : 60 ans, cⲙest le cycle complet des 12 signes astraux, conjugués aux 5 éléments. Le nouveau cycle, en ses premiers jours, est instable, encore mal connu. Cⲙest pour cela quⲙil fallait au PCC une fête puissante: pour SE rassurer !

Curieusement, à ce moment de spectacle kitsch, la capitale se vide : des millions de Pékinois partent en vacances, vers la montagne ou la mer, mais aussi lⲙétranger ⲓ Paris, New York, ThaïlandeⲦLa tendance est normale, avec lⲙenrichissement, mais aussi exacerbée par la perspective de cette parade dont ils sont privés, et lⲙindigestion de propagande triomphaliste: ils partent, pour ne revenir, quⲙune fois la page tournée, le pays revenu aux réalités.

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29/09/2009 titre : La Chine, privée de fête nationale

Avec ses débauches de moyens et de splendeur,  la fête nationale laisse les 16 millions de Pékinois à court dⲙopinion : rien de plus normal, vu le matraquage idéologique qui les vise depuis des mois. Difficile dⲙêtre hostile à cette journée de tous les records, que des proches de toutes les familles préparent depuis des mois: 180.000 étudiants participeront aux tableaux humains de la parade, tandis que 850.000 (si !) civils font le service dⲙordre sous les ordres de milliers de policiers.

On attend avec passion les 150 avions inconnus, les 108 missiles dⲙun genre nouveau, les 60 vagues de soldats en grand uniforme, et puis encore le soir, les 33 minutes de feu dⲙartifice, dont 4 en trois dimensions, représentant des scènes de rivières, de montagne, et du chiffre 60, celui de lⲙanniversaire du régime (90m de haut, 25 de large).

Pour le Parti mobilisé, cet anniversaire doit marquer sans nuance la victoire du régime. Cⲙest ainsi que dans un élan de générosité rare, 1300 prisonniers ont été libérés avant terme en province du Sichuan. A Chongqing, sa voisine, le bureau des mariages renforce ses équipes pour faire face à la demande, tout en annonçant lⲙinterdiction des divorces. Car la fête ne doit être que positive.

Cela dit, le Chinois de la rue nⲙest pas dupe. Nul nⲙoublie que le spectacle est réservé aux hôtes du régime. Comme lⲙan passé, lⲙavaient été les Jeux Olympiques : pour raison de « sécurité ».

Bien des choses arrivent, durant ces jours, qui passe au-dessus des têtes du Chinois moyen, tels ces 749 « travailleurs modèles » décorés par le Président pour leur « contribution à lⲙharmonie ethnique » – affaire propagandiste. Dans la capitale, les principales artères sont bloquées, même les passerelles piétonnières qui les enjambent, tandis que le métro ne sⲙarrête plus au centre ville. Il en résulte un immense désordre, où les navetteurs sⲙépuisent entre travail et domicile. Les grands hôtels, le long du parcours, ont été fermés pendant 4 jours ou se sont vu interdire de louer des chambres avec vue.

Privés de parade, certains tentent de se consoler, en tenant leur propre « festival off », comme ces 24 camionneurs qui ont interprété, en vidéo sur internet, le « joyeux anniversaire » avec leurs klaxons. Mais ce genre de tentative ne va pas loin : il ne reste aux citoyens que la chance de suivre la fête chez soi, à la télévision. Ou bien encore, de lⲙignorer en partant en vacances, ce quⲙont fait quelques millions.

Dans  lⲙabsolu, il est une catégorie de citoyens pour lesquels cette fête ne veut pas dire grand-chose : les 120 à 200 millions de chômeurs, dont le chiffre a explosé en 2009. Pour eux, lⲙessentiel est de retrouver de lⲙouvrage, de parvenir à se nourrir malgré les prix devenus prohibitifs. La fête viendra plus tard !

 

 

 

 

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