Voici une promenade impromptue à travers Pékin, qui vous montre en peu de pas, la capitale à travers les âges. Vous commencez au bord du second boulevard périphérique, celui qui a troqué sous Mao son auguste muraille pour son anneau nauséabond de fumées des pots d’échappements. Le mieux, pour faire cette ballade, est à vélo, à travers le lacis de Hutongs encore partiellement inviolés de la vieille ville, dans les murs.
1° Plus précisément, au Temple des Lamas, un des monuments incontournables de la ville, moins pour son aspect esthétique que pour son histoire et surtout son sens politique. Ce monastère très classique de facture, aux toits incurvés de tuiles jaunes et aux colonnes pourpres en trois ou quatre cours, a été construit pour les ordres monastiques du Tibet. Il appartiendrait sans doute au Dalai Lama, si celui-ci était en cour. Mais depuis bien avant la révolution, depuis le début du XX.Siècle en fait, c’est le Panchen Lama qui est en compte avec la Chine, ainsi que son monastère de Tashilunpo à Xigaze, et donc, ce temple est la résidence permanente du Panchen Lama dans la capitale.
Plutôt inconfortable, je suppose, pour ses résidents, du fait des dizaines de milliers de fervents fidèles et de touristes qui débarquent en bus entiers. Si vous voulez en voir plus, voyez cette vidéo (je vous préviens, le sujet est différent du blog : sur Tibet Dernier Cri, notre projet de souscription, qui s’achève au 10 décembre) : http://www.365degres.com/toitdumonde.
2° Juste à côté, vous trouvez la tour Gehua, toute de noir vêtue, diamant noir.
C’est une tour très dans le ton de la Chine politique du moment : elle est dédiée à la culture, l’actuel mantra du PCC. A l’intérieur, dans le hall vous trouverez une petite expo de design contemporain, que personne ne regarde, quoiqu’elle soit très conceptuelle. Si je vous attire là, c’est qu’un de mes amis y a élu son QG. Le lieu n’est pas à lui, mais à un de ses amis, qui le lui a prêté. Et là, du matin au soir, il tient salon de thé. Des gens viennent, recommandés, et lui racontent leur vie, leurs soucis.Il a réponse à tout. Surtout pour tous ceux qui viennent de sa province, de son village, ses cousins ou neveux qui sont des milliers. Un emploi pour l’un, des études pour l’autre, un conseil, le contournement d’un mauvais procès… Il y a tout ce qu’il faut, dans cette salle où coulent l’eau chaude et les feuilles de thé infusées. L’ambiance ressemblant tout à fait à la pièce de théâtre de Lao Shi du « Salon de thé » où défile l’âme de la Chine.
3° Juste à côté, à moins de 100m, une paroi haute de calcaire sculpté, un porche laisse soupçonner une billetterie. Eh non, perdu : c’est le temple de DaoYuan, un autre, évidemment antique et restauré depuis peu. Sa différence est dans son atmosphère, intime et sincère. Des moines bouddhistes s’y déplacent. Des fidèles sont çà et là à travers la cour. Dans un réfectoire aux tables et bancs prêts à accueillir quelques dizaines de visiteurs, deux moniales préparent une soupe, sur un réchaud dans un coin.
Là, une boutique indique la vente d‘articles de foi : ce sont des centaines de CD de prêches enregistrés qui sont à la disposition du public, et que les deux tenanciers s’appliquent à titrer au marqueur noir, à recopier à l’aide d’un graveur, à vendre au prix de trois yuans la copie.
La pièce voisine est une autre échoppe : celle là dédiée à la vente d’images pieuses, de statues de Bouddha et de Guanying, de chapelets, de livres de prières et de témoignages de la manière dont Bouddha et l’usage de sa foi ont bouleversé la vie de tel ou tel fidèle… …
On sort de cet endroit rempli de paix, et de l’idée que la Chine a bien avancé dans le reboisement de son âme.
4° Enfin, juste en face de l’ambassade de Russie, avec sa fière coupole et son harnachement d’équipements anti-terroristes (barrières, plots levables au ras du sol, et ses hommes armés), voici le parc de NanGuan.
Il s’agit d’un espace clairement nouveau, très petit, propret – remis à neuf en 2010 en parc écologique, vitrine d’un mode de vie moins polluant . Un grand bassin asymétrique, comme souvent, le cloisonne, couvert de carrelage lui donnant des airs de piscine – et comme on est tout proche de l’hiver, il est vide, permettant aux enfants sa reconquête à la planche à roulettes et aux patins. Mais ce qui attire l’attention, c’est la somme des inscriptions au sol : « le monde s’éveille »… « le protocole de Kyoto est la première politique des nations du monde contre le réchauffement climatique » et ainsi de suite…
Ce parc présente aussi diverses expériences et réalisations technologiques (30 sortes) à faibles émissions de CO2 pour économiser l’eau, composter les feuilles mortes, récupérer la chaleur, sans priver l’espace de sa fonction de délassement et d’oubli ludique. Tout ici est fait pour faire prendre conscience de la limitation de la ressource et de l’urgence de changer les mentalités, dans un sens durable.
Alors bien sûr, une hirondelle ne fait pas le printemps, surtout à l’aube de l’hiver. Mais voilà qu’après avoir asséné au monde, 2 ans en arrière, l’image plus que dérangeante d’une volonté politique de conserver son droit égoïste de polluer à tire larigot, la Chine, à travers ce parc, nous montre qu’elle se prépare à assumer ses responsabilités.
Et par ces 4 haltes, votre promenade vous a conduit à quatre Chine très différentes, toutes en train de faire face à des besoins diversifiés et assumés, toutes de retour vers l’humanité !
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josianne.bouinot
9 décembre 2011 à 04:48Beijing: temple des Lamas, Tour Gehua, Temple du DaoYuan, Parc de NanGuan (près Ambassade de Russie)