L’impression de fond du LAOS, est d’abord celle de douceur, d’émollience d’un climat jamais hostile, qui déteint sous forme de sourire sur les visages des gens. Impression aussi de temps infini, et clément.
Le Laos, n’est pas si petit pays : une demi France, deux tiers d’Italie. C’est aussi un pays tropical, richement doté en eau, très vert et où tout pousse. Il est pourtant bizarrement peu peuplé, à moins de 7 millions d’âmes. C’est en partie dû à un relief torturé de montagnes et de vallées, et surtout à son enclavement au cœur de la péninsule indochinoise, entre Cambodge, Vietnam, Thaïlande et Birmanie (ces trois derniers, dix fois plus peuplés), et la Chine. Le Laos est privé de façade maritime, et à dû créer sa nation à partir de vagues de migration khmères, chinoises ou thaïes, cause de nombreuses violences et rapines lesquelles se superposent à l’expansion du bouddhisme.
Par exemple, à des époques différentes, tant Luang Prabang que Vientiane, furent mis à sac par des bandits, dont les leaders étaient des moines défroqués : pour cette raison, seul leur monastère échappa à la destruction.
Vue de Luang Prabang (rivière Nan Khan) depuis le Phutosi
C’est curieusement d’ailleurs, l’incapacité du Laos à maîtriser ses violences anarchiques qui poussa les notables, en 1886 à suggérer à la France, qui était en train de coloniser Hanoi, de venir s’occuper de leur pays aussi, pour le même prix. Et c’est la France qui réalisa l’unité nationale, fixa les frontières et implanta les premières routes, écoles laïques, comptoirs commerciaux et embryon d’armée et de police. Permettant ainsi aux Laotiens de se forger, à partir de leurs centaines de clans et dizaines de dialectes, une nation.
Luang Prabang : le confluent – la rivière Nan Khna se jetant dans le Mekong
Face à la France, la relation est ambivalente. La langue française est omniprésente, sur tout édifice public comme aux bords des routes, sur les bornes kilométriques blanches à haut rouge arrondi. Il faut aller au musée national, à Vientiane, pour trouver quelques salles remplies de poussière et de haine contre le « colonisateur capitaliste cruel ».
C’est aussi un pays toujours chaud, avec ses deux saisons, sèche et mousson. Tout y pousse, du tabac au manioc, des riz secs et gluants au teck, à l’acajou et 10 autres essences précieuses ; du maïs au houblon à tous les légumes les plus courants, sans oublier au passage l’opium de l’infâme Triangle d’or (dont le Laos occupe un bord).
En autoportrait, le laotien se définit comme « bon, joyeux et satisfait »: une formulation bouddhiste, reflétant l’emprise intense du clergé qui, comme au Tibet, reçoit dans ses monastères et sous la robe tous les garçons pour leur offrir quelques années d’éducation (les années antibouddhistes du régime de Kayson ont été brèves).
Formule assez exacte cependant : il y a plutôt moins de criminalité, le Lao est aussi gentil, blagueur et accueillant, et se contente de peu. Il faut dire que le pays fort en retard, ne voit pas encore trop l’écart de richesses par rapport au voisin Thai, sans parler des touristes occidentaux.
Le colon français, 50 ans en arrière, fournit du Laotien une autre définition, amusante et outrageuse, mais qui a un fond de vérité : analysant les différences entre le Vietnamien, le Cambodgien et le Laotien (ses trois colonies d’Indochine), il remarque que « le Vietnamien fait pousser le riz, le Cambodgien regarde le riz pousser et le Laotien l’écoute pousser ».
C’est cet aspect de mollesse ou de fatalisme dû à la faible éducation et chance d’enrichissement, ainsi que le bouddhisme, qui poussaient au moindre effort. Cela dit, les choses changent. Partout où nous sommes passés, nous avons vu des écoles, des routes en construction, de l’énergie en cours de mobilisation. La région compte un grand nombre de projets d’aide au développement – en fait, peu d’agences de tourisme ou de restaurants qui ne soient en même temps associés à une œuvre de scolarisation, un réseau de commerce équitable. C’est une culture comme çà. Bon nombre d’étrangers vivent ainsi sur place, mariés à des Laotiens ou Laotiennes, et combinent ainsi, dans ce petit paradis, l’utile à l’agréable.
Autre héritage de la France, combiné à celui du Sud-Est asiatique tout entier : le raffinement de la cuisine, du vêtement, de l’architecture.
Logée dans une presque île entre Mékong et rivière Nan Khan, Luang Prabang est un ensemble de splendides résidences de brique et de teck, où l’architecture française est le plus souvent discernable. Son influence est omniprésente, dans un art de vivre hédoniste (massages, soins du corps, cours de cuisine lao, activités ludiques et sportives comme le trek, le kayak, le Mountain bike, réserves d’éléphants). On trouve aussi ses restaurants, boutiques et bars à vins. Toute cette atmosphère délicieuse ayant valu à l’ex-capitale royale son enregistrement au patrimoine mondial de l’Unesco.
Luang Prabang un air d’autrefois….
Comme au Vietnam, le pain (la baguette) et le café, la moutarde, restent de règle, ainsi que la charcuterie et bien d’autres choses, comme la présentation soignée des plats et le service aux terrasses des cafés. J’oubliais presque l’ingrédient essentiel de la francité locale : la pétanque, pratiquée dans le respect strict des règles de Marseille, et les joueurs sont d’une telle habileté que toute honte bue, nous avons jugé plus sage de refuser l’invitation de participer, nous limitant à accepter quelques petits verres de la délicieuse bière « Beerlao », la seule du pays, amère à souhait, grâce à l’usage du houblon local, et frappée grâce à une profusion de glaçons sous le soleil.
Un dimanche au Laos entre hommes et à la pétanque
Seul souci, sérieux tout de même, que je garde face à cette ville : tout y est trop fait pour le riche étranger, alors qu’à l’évidence, le Lao pour la plupart, n’aura pas les moyens de s’offrir l’agréable vie offerte de villa en villa. Ce qui me fait penser à trois jeunes cyclistes, s’exprimant sur le Laos sur internet, et qui le détestaient comme « le pays le moins recommandable depuis leur départ de France ».
Ce qu’ils lui reprochaient, était de trop souvent crier leur mot de bienvenue, « sabaidee » ; de chercher à vendre quelque chose ; et de ne pas savoir communiquer. Ces jeunes avaient passé leur temps à jouir des plaisirs vénaux du pays (bière, joints, prostituées), et ce qu’ils essayaient de dire, à leur manière imbécile, est qu’à l’issue de cette vaste soûlographie, ce qu’ils en retiraient était un sentiment de raté – leur raté, pas celui du Laos.
La suite de ce post, au prochain numéro 🙂
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