Blog : La Chine en miroirs brisés…

Bonjour,

Aux fidèles qui viennent voir sur le blog, merci de votre intérêt ! Je pars en congé 10 jours – pas de blog semaine prochaine donc – désolé, mais restez à l’écoute.
Dans 15 jours, préparez-vous, ce sera l’Assemblée nationale populaire, et Wen Jiabao le premier ministre présentera le bilan de crise. Donnera le signal, sans nul doute encourageant et « méthode Coué » que la Chine sort du tunnel – ce qui n’est pas encore vrai. Mais patrons et cadres ont besoin d’un tel signal pour recommencer à entreprendre, oser, prendre des risques.

Le plus gros problème du moment : l’emploi. La chine a perdu 20 millions de jobs l’an dernier et va en perdre encore 40 millions cette année – c’est Pieter Bottelier, de la banque mondiale, qui le dit. Quel gouvernement, même « de dictature du prolétariat », pourrait survivre à telle hécatombe de chômage? pour l’instant, ca va. Les migrants rentrés au village se débrouillent, dans des petits jobs mal payés et sous leur compétence, mais réalistes, et pas râleurs (contrairement à d’autres, suivez mon regard), s’estiment pas si mal lotis, et tentent, semon le génie chinois, de faire pour le mieux avec ce qu’on a. Ils savent faire ca. « Sai weng shi ma, . an zhi fei fu » – le vieillard de la montagne a perdu son cheval – mais est-ce bien, ou mal? En tout bien il y a du mal et vice versa. Il n’y a ni bien, ni mal. Que du Yin et du yang, qui n’existent pas l’un sans l’autre.

En ce moment, Hillary Clinton est à Pékin, pour entamer le dialogue sur plein de dossiers.
A propos de plusieurs pays (Israel, Corée, Iran).

Le réchauffement global. Le contrôle des monnaies et transactions financières. Sans eux, rien ne se fait. Russie (qui vient de céder après 15 ans, et accepter de vendre son pétrole en grand à la Chine, (25 Milliards de dollar cash contre 300000 barils par jour),
Europe, Inde, Japon sont tous sur des strapontins, à regarder ce débat central à deux, hors nations unies.
C’est, demain, le partage du monde. sauf si les Européens s’unissent beaucoup plus que ca, avec exécutif, ministères centraux, armée unique. C’est pour dans 50 ans.

Enfin, le bon espoir, est qu’Obama a nommé Steven Chu, sino-américain et prix Nobel, comme secrétaire à l’énergie.
Sa première mesure a été un appel à la Chine, pour coopérer bilatéralement afin de se préparer à entrer ensemble au système onusien de lutte contre le réchauffement global. Les deux pays étaient jusqu’alors hostiles, et trouvaient tous les prétextes pour s’en défiler. Préférant la liberté et les mesures nationales. inconscients du danger qui s’en vient. Des fortes séries de catastrophes dans les deux pays, en cours encore maintenant (sécheresse en Chine, risque de récolte d’hiver écourtée de 20%) les convainquent de changer. Mais seront ils prêts à rejoindre le club, en décembre, à Copenhague? De toute manière, quoiqu’ils fassent, ce ne sera qu’un début.

Et la suite, l’arrivée, je peux vous la prédire, car elle l’est déjà par la Chine elle même, par la voix de son négociateur « réchauffement global » aux Nations Unies : toute firme quelle qu’elle soit aura un quota d’émission de gaz à effet de serre (CO²) et si elle le dépasse, devra soit payer une sorte de taxe très chère… à une autre firme, quelque part au monde, qui aura un reliquat libre de son quota à vendre. Ceci se passera par des bourses d’échanges, selon la loi de l’offre et de la demande. Si elle ne le fait pas, elle sera fermée, licence retirée. Et le plus fort : ce même système s’appliquera aux individus, sommés d’économiser l’énergie dans leur maison, leur jardin, leurs déchets. La seule différence est que les « fautifs » ne seront pas « fermés », mais taxés, sous forme d’impôt.

Tout ca sans doute dans 20 ans. Quel monde laissons-nous à nos enfants ?

addidas, tour en miroir brisé

Dernier petit mot sur un bâtiment tout neuf de mon quartier de San Li Tun, à Pékin, barraque commerciale de prestige, faite pour être remarquée.
L’édifice Adidas, ouvert en juillet dernier (à temps pour les JO). 3100m², le plus grand magasin Adidas du monde. la forme générale, allongée, rappelle une chaussure de sport.
Tout le quartier intitulé « Sanlitun Village« , est 100% commercial, et a remplacé des HLM vieillots pour gens qui, 20 ans plus tôt, étaient élites intermédiaire du quartier. Aujourd’hui, pour ceux qui ont réussi, ils vivent en lofts dans la ville, apparts de très haut vol, ou villas à 1 million d’euro sur les Collines Parfumées, les hauteurs de Huairou ou de Miyun.

Les publicités nous promettaient les plus beaux quartiers de Londres (Soho), Milan, Paris (Place Vendôme) ou Tokyo (Ropongi). Il en est sorti un machin dans lesquels les petits boutiquiers tirent le diable par la queue et font faillite, faute de clients : il y a là une machine de vente pour la terre entière, et personne dedans. Exemple d’urbanisme dévié, raté ou simplement absent, la terre livrée en pâture aux copains du Parti. Point de culture, ni de petites gens. Plus rien sauf les acheteurs s’empressant toujours au centre de nippes d’imitation Yashow (qui existait bien avant), et dans l’un ou l’autre des multiples restaurants ou cafés de la rue San Li Tun, où règne aussi le commerce de la chair et de la drogue. Les JO passés, le gros chat fourré de la police, se rendort.

Ce qui me frappe dans cette tour, est qu’elle est construite en acier et verre, et dessinée en miroir brisé. Il me semble avoir lu il y a très longtemps, dans Freud, que ce miroir brisé est l’image de la conscience malade de névrose, plus exactement de la paranoïa. Le patient ne voit plus le monde que sans unité, par facettes chacune insensée, et sans capacité de recréer le sens qui est le lien entre toute chose.

En ce sens, ce bâtiment, que je ne hais pas, est un aveu sincère et timide, inconscient du peuple chinois tout entier.
Tiraillé entre un passé terrible et un avenir incertain, entre une influence occidentale qu’on lui apprend à repousser au nom de la grandeur nationale, mais qui est indispensable et terriblement attirante, entre une culture traditionnelle dont il a perdu les clés lors de la révolution culturelle, le Chinois est paumé, sans boussole et sans nord. Mais en même temps, cette névrose nationale, entretenue par la sévère censure et la coexistence de deux mondes aux valeurs inverses (les cercles « extérieurs » et « intérieurs »), l’oblige à une gymnastique intellectuelle incroyable qui lui apporte des trésors auxquels nous, Européens, n’avons pas accès : la bonhomie, simplicité et tolérance (« si rien n’est vrai, tout est possible, et si tel étranger est mauvais selon le gouvernement, il est forcément bon et à protéger ailleurs quelque part »). Elle lui apporte aussi la patience de supporter des moments difficiles comme maintenant, au nom de l’impératif de convertir du négatif en positif. Et elle lui apporte la rage de se battre pour vivre mieux. moins pour lui même, que pour ses enfants. Toutes qualités d’un peuple émergent. Que nous avons été, et que nous retrouverons un jour. Bientôt peut-être.

Rendez-vous dans deux semaines, Des dizaines d’entre vous (car vous êtes des centaines à passer par ce blog) nous disent : « je commence à faire un commentaire, une réponse, et puis j’efface tout, ce n’est pas la peine ». Mais si, c’est la peine. Donnez-vous comme je me donne. Tout le monde en profite. le monde tourne mieux en parlant, qu’en se taisant !

A la prochaine et de vous lire! Eric

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
13 de Votes
Publier un commentaire
  1. françois

    salut eric

    Excellent discours , c’est vrai qu’il faut écrire pour s’améliorer

    Moi qui n’écris jamais ! Bonnes vacances

     

  2. Hong

    Merci Eric pour ce nouveau temoignage. Je fais depuis longtemps partie des centaines de lecteurs qui apprecient beaucoup votre coup d’oeil sur les choses. Ce que vous dites m’aide toujours a mieux voir, a voir plus en profondeur.

    Quelles sont les valeurs auxquelles se rattachent aujourd’hui un jeune chinois ? qu’est ce qui lui donnera la satisfaction de bien reussir sa vie, ou l’angoissera de la rater ? Les valeurs proposees a leurs parents, avec peu de souplesse, ne correspondent pas a celles de la nouvelle generation. Sans doute parce qu’elles ne correpondent pas au coeur de l’homme. Mais par quoi ont elles ete remplacee ? Quelles sont les cibles qui mettent en conquete un jeune Chinois desireux de reussir sa vie ?

    Je suis frappe du poids de culpabilite qui est enracine chez certains. Parmis toutes les causes possible, l’une d’elle revient, lancinante : est ce vraiment ma place ? Dans un de vos livres vous evoquez qu’un enfant encore en gestation a ete veritablement traumatise par un bruit de fusillade – il doit avoir 20 ans maintenant – une fusillade, un stress pour la maman et pour l’enfant. Qu’en est il de ses enfants qui passent 9 mois en expectative de savoir s’il vivront ou pas, si ils seront a la hauteur de l’attente de leurs parents, si il sont arrives au moment opportun. si … ? Enveloppe d’un stress beaucoup plus profond, ils sont brises ou brisables.  Une immense capacite d’adaptation en decoule, parce que les petits morceaux se rangent mieux dans une boite que les grands, mais la quete du bonheur en devient impossible. Ou plutot, meme pas envisagee. Un peuple qui ne cesse de se considerer comme trop nombreux, ne souffre-t-il pas d’une anorexie mentale… je suis trop gros…

     

  3. jacques poget

    Cher Eric Meyer,
    Ancien rédacteur en chef de 24Heures, je fonctionne encore comme chroniqueur extérieur et reçois les courriels des rubriques du 1er cahier de 24Heures. J’ai vu votre généreuse proposition concernant le Vent de la Chine et j’ai consulté votre blog. Permettez-moi de vous dire mon admiration pour l’originalité et la variété de vos observations, pour la profondeur et l’ampleur de vos analyses, et pour votre écriture. Miroirs brisés, Poulet brûlé, et surtout le Yin et le Yang (sans oublier Dieu dans le désert!), votre esprit humaniste est bienfaisant. Et votre puissance de travail impressionnante. Mes voeux pour la suite de votre travail.
    Avec mes salutations cordiales
    Jacques Poget 

  4. jeanne

    Bonjour Eric, et merci aussi.

    Je partage les commentaires précédents, et suis très touchée par celui de Tong.

    Le grand intérêt que je trouve à ce blog, c’est qu’il aborde les questions essentielles du monde, et que la recherche d’approche  de réponses est prudente…

    Ce que Tong évoque :

    « Quelles sont les valeurs auxquelles se rattachent aujourd’hui un jeune chinois ? » me semble appliquable à travers tous les pays.

    Et à question d’Eric  » Quel monde laissons nous à nos enfants »

    j’ai envie de dire :

    Pourvu qu’ils aient  confiance,  énergie et imagination  pour, malgré les dégâts,  avoir envie d’être partie prenante pour la qualité de la vie, et le respect de l’être humain, où qu’il soit sur la planète…

  5. jeanne

    Je demande à Hong de bien vouloir m’excuser pour l’erreur au sujet de son nom.
    Merci

Ecrire un commentaire