A la rentrée des classes, le journal cantonais "Métropole Sud" eut l’idée d’aller interviewer une classe d’élèves de six ans sur ce que les chères têtes brunes voudraient faire plus tard.
Classiquement, on eut comme réponse le pompier et le maître d’école, le pilote d’avion et le militaire. Mais l’un d’eux sortit ce voeu qui coupa le souffle à tous, et porta le rouge aux joues de la maîtresse : "je voudrais être un cadre corrompu". Prié de commenter, sans l’ombre d’une plaisanterie dans la voix, le petit écolier expliqua que cette carrière valait à son bénéficiaire beaucoup de cadeaux.
L’incident a alarmé à travers la Chine, et provoqué nombre de commentaires acerbes, tel celui de ce blogger : "à ce qu’il semble, la décadence de la société a atteint un point où l’hypocrisie et la dissimulation ne sont même plus nécessaires". Pour parler plus positivement, on peut ajouter que la vérité sort de la bouche des petits enfants. Comme leurs parents, ce qu’ils veulent, c’est "des cadeaux" et du confort matériel, mérité ou non. Le désarroi moral est grand, faute d’échelle de valeurs. Héritier de la révolution, y-compris culturelle, le régime a poursuivi sous Deng Xiaoping, Jiang Zemin et Hu Jintao le travail de sape de la morale de l’ancien régime, sans trouver d’autres éléments pour le remplacer.
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Je voudrais dire un mot sur l’affaire d’Urumqi, pour en consigner, ce samedi, l’aspect bizarre. Comme l’a dit Robbie Barnett, grand connaisseur du Tibet mais qui suit aussi de près les affaires du Xinjiang, son voisin, les images que l’on nous a montrées à la TV sont déformées, insensées. Peut-être parce que les journalistes étrangers ont été conduits en ville à des endroits plutôt qu’à d’autres, évitant les scènes dérangeantes ou la vision globale. L’on sait que vendredi 4sept, 30.000 Hans protestaient face à la police contre peut-être autant de policiers en tenue de combat, à propos d’une mystérieuse vague d’attaques à la seringue (531 personnes touchées). Sur la prise de vue de la BBC (http://news.bbc.co.uk/2/hi/asia-pacific/8238768.stm), on voit une manif calme et ordonnée se faire bombarder de grenades lacrymogènes par des bataillons de police armée calme et ordonnée. Mais pour la journée du jeudi, le maire annonce 5 décès, dont deux "d’innocents", et 14 blessés. Ce qui laisse supposer que des violences plus lourdes ont eu lieu ailleurs. Ce qui est sûr, est que ces incidents arrivent au pire moment, à moins d’un mois du 60ème anniversaire du régime, supposé chanter le triomphe de l’harmonie sociale et de la fraternité ethnique. Ce qu’elles montrent au contraire à l’opinion désabusée, est l’usure du pouvoir, et l’échec d’une politique d’assimilation des minorités sans concertation avec elles. Ne vous y trompez pas : l’affaire d’Urumqi, cumulée à celle de Lhassa l’an dernier, est signe sûr de dysfonction du régime – de fin de règne.
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Enfin, ce qui occupe la Chine ces derniers temps, sont les préparatifs à la fête nationale, les plus somptuaires de tous les temps et pour cause : c’est la soixantième du nom.
A 3 semaines du grand jour, Pékin récure rues et édifices, pose de millions de pots de fleurs, monte à tous les carrefours et sur toutes les places de compositions florales géantes.
D’autres choses se passent, plus inédites. Chaque week-end, le centre ville est fermé par des barrages, soi-disant pour permettre les répétitions des 200000 figurants d’un des plus grands shows de tous les temps : en réalité, pour supprimer toute chance d’attaque terroriste. Les media reçoivent des consignes de censure extrêmement limitatives, comme ce quota de mauvaises nouvelles de 30% maximum, avec interdiction de les concentrer sur une seule région, ou cette interdiction d’évoquer toute rétrospective de la révolution culturelle.
Soudainement, les mendiants qui pullulent d’ordinaire, jeunes et vieux dans Pékin autour des marchés et des gares, se font rares – progressivement rapatriés dans leurs provinces. Tout le long de l’artère où se déroulera la parade du 1er octobre, les résidents, même diplomates étrangers ont été avertis de ne pas regarder par les fenêtres, et de ne pas inviter de gens à venir assister. Le défilé comprenant de nouvelles armes, avions, fusées, chars etc., mais aussi des scènes de « calisthénie » (gymnastique et panneaux colorés maniés par 200.000 figurants) ne sera vu en direct que par les 200.000 hôtes du régime. La plèbe se contentera de la télé.
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Au même moment, aucun effort n’est épargné pour renforcer l’esprit patriote : 160 millions d’enfants ont dû regarder un programme nationaliste à la TV, tourné spécialement pour eux avec des héros comme Yang Liwei le cosmonaute (ils devront chacun résumer leurs impressions dans un essai). A Pékin, un million de billets de cinéma ont été distribués, pour des films à la gloire du pays. Et une campagne bat son plein, pour débusquer les bandes mafieuses (90.000 arrestations, 13.000 gangs démantelés) et les grands corrompus.
Si l’Etat prend tant de précautions pour préparer cette fête et remodeler les âmes citoyennes, c’est que jamais les sources de mécontentement n’ont été si nombreuses, chez les Tibétains, les Ouighours, les chômeurs, les paysans aux terres désséchées, les parents d’enfants empoisonnés au plomb, au lait à la mélamine etc. La hantise du régime serait de voir une bombe détoner sur le passage du cortège, prouvant à la population son incapacité, même sur ce parcours limité, d’assurer sa propre sécurité.
Très curieusement, la raison la plus profonde de cette nervosité du régime, tient à la géomancie. 60 ans, en culture traditionnelle, c’est un cycle complet de 5×12 ans (les 5 séries de 12 signes astraux, conjugués par les 5 éléments de l’eau, du feu, de la terre, de l’air et du métal). C’est la durée d’une vie humaine, et peut être celle d’un règne. L’an 2008 marquait l’apogée de toutes les chances, avec la Chine en pleine gloire olympique. Mais en 2009, dans tous les esprits chinois peu ou prou, le pouvoir se trouve maintenant en terrain obscur et incertain, devant donner la preuve qu’il conserve bien « le mandat du ciel ».Des émeutes comme celles d’Urumqi arrivent au pire moment pour lui alourdir la tâche des réjouissances patriotes. La fête devait servir de trompe l’oeil pour faire oublier un certain nombre de défis, de misères : elle risque de ne pas suffire.
Sur ces apparentes difficultés présentes, qu’en dites-vous? Le pouvoir socialiste garde quand même de très nombreux et solides atouts, une des plus grandes fortunes de la terre, l’amitié du tiers monde, l’estime des pays riches. A l’intérieur du pays, bon nombre, comme la bourgeoisie naissante et une partie du paysanat lui doivent une prospérité sans précédent : exprimez-vous !
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