Blog : Histoire de mariage (bis)

Bonjour, à tous,
Vous avez été nombreux à répondre à la page de blog d’il y a 15 jours, sur le mariage d’Hortense et de Shaopeng.  L’un de vous (yves martin) souhaitait obtenir plus de détails sur ce ou ces mariages chinois. Je m’exécute donc :
Le mariage en Chine, comme en France ou en Europe, est la ritualisation d’une union, l’anoblissement de l’acte, par opposition au simple accouplement ou à la vie « à la colle ». Mais on ne met pas les mêmes choses dans la cérémonie. Je ne suis pas spécialiste des coutumes antiques, mais je puis quand même vous dire que la couleur rouge de la mariée, est symbole du sang nuptial et promesse d’un clan au garçon d’un autre clan. En fournissant une fille de son gynécée, ce clan promet un certain nombre de qualités ou services : virginité, jouissance et surtout héritiers. C’est donc avant tout une affaire de clans, de politique en somme, où les désirs des jeunes ont peu à voir. En échange de ces qualités et services, on offre des biens immatériels comme une alliance, un pacte de non agression, des échanges de travail lors des récoltes etc, et des biens matériels : l’argent de la dot, dont le montant est souvent âprement négocié. 
Ce rouge explique aussi la préférence du chinois pour le vin rouge, couleur de la vie, sur le blanc, couleur de la mort. Ces choix ne viennent donc pas du goût, mais du symbole, qui est transmis par la langue écrite, l’idéogramme : la Chine apprécie plus le sens symbolique que le goût, la graphie, que la vie, et le message légué, historique, que les aromes et la vie en direct.
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A ce que j’en comprends, tous ces rites viennent de la campagne et de la nuit des temps. Ils changent très vite, car lors de mon arrivée en Chine en ’87, les paysans étaient 70% de la population contre  à peine plus de 50% aujourd’hui – en une génération, 20% sont montés à la ville.
L’union commence par le choix d’un entremetteur, souvent une femme, mais aussi parfois, l’unité de travail – celle qui connaît le plus de monde. Les futurs époux n’ont donc rien choisi et ne se connaissent même pas.
Si les « fiancés » sont à distance, on échange d’abord par lettres. Une fois l’accord des jeunes acquis – ce qui n’est rien-, on convient d’un premier RdV en terrain neutre, chez l’entremetteur. Seule la famille et les meilleurs amies de la fille viennent, pour vérifier si le gars est à la hauteur du clan d’en face, et que le clan ainsi, ne fait pas une mauvaise affaire. 50 personnes pas toujours gentilles décortiquent la beauté, force, intelligence, richesse du prétendant. La dot promise est aussi passée au crible – car c’est la famille du fils qui paie le plus, par exemple, l’appartement, alors que la fille apportera les meubles, qui sont de la broutille, en terme de coûts. Bien des unions envisagées se fracassent à ce moment là – car l’aisance du jeune, logiquement, est inversement proportionnelle à la gentillesse de la troupe qui l’ausculte.
Puis, si cela marche, un second RdV se passe dans l’autre sens, on examine la fille. En général, ca se passe mieux – tout simplement car il n’y a en Chine que 90 filles pour 110 garçons en moyenne – d’ici 20 ans, ce sont 50 millions d’hommes qui ne pourront se marier, suite à l’élimination par les paysans d’une partie de leurs filles lors de la gestation (principe interdit, mais appliqué en sous-main, de l’écographie sélective).
Le mariage civil a été pratiqué quelques jours avant par les seuls époux, au bureau des mariages, dans une absence de décorum qui tranche par rapport à nos pays. Une fois tous les papiers réunis, on tamponne vos papiers… on est mariés. A l’inverse de la France où la fusion des êtres que représente le mariage, est symbolisée par un document unique, le livret de famille, chaque époux obtient un certificat personnel de mariage, par lequel la RP de Chine enregistre le fait que l’homme et la femme se sont mariés. Ce papier ne sert en fait qu’à éviter la bigamie suite à divorce abusif – ce qui ne marche pas toujours. Mais pour la République, les deux êtres restent, après mariage, strictement égaux à ceux qu’ils étaient avant. L’alchimie de l’amour, qui existe très réel en Chine, bien sûr, n’a pas été pris en compte par l’administration.

Vient le jour de la fête : il est obligatoirement choisi par un géomancien du fengshui, pour détecter le jour favorable.
On invite tout le monde qu’on peut, jusqu’à des centaines de gens, et pour jusqu’à trois jours d’agapes (six banquets de suite). Une telle fête peut coûter des dizaines de milliers d’euros. Les époux sont supposés changer de tenue à chaque repas, et passer de table en table (tables rondes de 8 personnes) pour trinquer avec tous. Généralement, par pitié d’eux, on ferme les yeux  sur le fait qu’ils boivent de l’eau quand les invités boivent du baijiu.
Les cadeaux consistent en une enveloppe rouge d’un montant soit préétabli,  (un membre de la famille en vérifie la comptabilité), soit calculé très précisément par l’invité en fonction de ce qu’il doit à la famille du jeune, ou du pouvoir de ses parents (notamment s’il est votre chef de bureau ou d’atelier). Plus rarement, en un objet, et moins encore une liste de mariage. Si objet il y a, on ne le déballe nullement. Histoire de ne pas risquer de montrer, par une moue de déception, que l’offrande n’était pas celle qu’on attendait. Les montants des enveloppes rouges peuvent être importants, pour permettre aux jeunes de démarrer dans la vie. Ici aussi, la référence clanique est évidente : c’est tout le clan qui se réjouit, avec ses alliés, lesquels lancent le nouveau couple dans l’existence, là où chez nous, l’assistance extérieure est plus limitée.
J’ai l’impression que les progrès rapides de la mode du mariage occidental, en blanc pour la fille, ont à voir avec le désir de s’affranchir de toutes ces règles lourdes. D’ailleurs, de très nombreux jeunes aux moyens très modestes ne peuvent pas assumer du tout les frais du mariage : c’est pour eux que le Parti, ou la mairie organise de ces mariages collectifs ultraspectaculaires et hypermédiatisés, à 100 ou 1000 d’un coup deux par deux dans la prairie, sans invités et avec banquet simple, à frais subventionnés.
J’aurais encore bien plus à ajouter sur d’autres pratiques annexes, comme la camera et la séance de photo dans des tenues et dans des sites grandioses (bord de lac, de forêt, de monastère), dans des décors souvent mal compris (frac et robe longue, mais en baskets) – mais assez pour aujourd’hui. Je demande pardon aux amis chinois qui me lisent, s’ils croient voir une erreur dans ce travail, ou une mauvaise volonté, ou un regard négatif. Qu’ils se rassurent : vous êtes aimés et admirés, pour tout ce que vous avez d’aimable et d’admirable. Et pour le reste, vive la différence !
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En fait, je voulais vous offrir aujourd’hui une série de photos, celles de notre sortie de la veille, sur le site de Wulingshan, à l’Est de la grande muraille de Simatai, à 150km de la capitale. L’ouverture de l’autoroute de Miyun à Chengde il y a 8 jours, a permis de faciliter les choses, en accélérant le trajet. Wulingshan est un imposant complexe touristique combinant un massif montagneux qui culmine à 2200m, des torrents, cascades, forêts. voici quelques photos avec mes commentaires :

Avant toute chose, le site a été profondément et intelligemment refait, en 20 ans. L’habitat a été rasé en haute montagne,  les chemins d’accès refaits, longeant les ruisseaux et cascades par des escaliers et ouvrages parfois vertigineux. Des pans de montagne ont été reboisés en épineux, résineux et feuillus, ce qui donne à cette époque une frondaison splendide, à laquelle on est peu habitué en Chine : frondaison à wulingshan comme cette vue sur le lac.

 

 à 350m d’altitude, le bateau de plaisance

 

  (ici, une tour de garde  à travers les branchages)

des pics, et

des falaises comme dans les peintures naturalistes chinoises ou japonaises…

la porte du village fortifié, sous le barrage – les murailles carrées sont complètes.

une des fermes du village sous la muraille (d’où la photo est prise), avec son maïs à sécher tout juste engrangé. 

le marché du village

le beau maïs,

les potirons suspendus, de compétition,

sans oublier les piments, complément indispensable du repas chinois !

et pour conclure, la résidence triomphaliste surplombant le pont sous la pleine lune montante du « 15 août » lunaire, nuit de la mi-automne.

 

Bref, il y en a pour tous les goûts, les amoureux de la nature comme ceux du luxe tapageur, les marcheurs et les flaneurs, et même ceux qui veulent ne rien faire, sauf se reposer et prendre du bon temps. Ce qui est remarquable ici, est que la pauvreté rurale est remplacée, une fois l’exode rural terminé, par une reconquête du patrimoine architectural, une politique touristique intelligente, un système intégré d’activités sportives et de gite rural à la mode européenne : ce qui était tout sauf évident. Tout a été pensé, dirigé, encouragé, et un bon résultat pointe à l’horizon. 

 

 

 

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