Belle surprise hier soir, dans ma cuisine. Détaillant d’un œil distrait l’étiquette du pot de chutney de mangue et citron « Maharajah ». La jarre n’affiche en fait pas moins de trois stickers, en comptant celui de la traduction en mandarin, pour les données alimentaires légales obligatoires. Celui-ci, tristounet, est en noir et blanc- réglementaire. Tandis que l’affichette du côté pile, comme vous pouvez voir, est rouge feu, aux tons correspondant bien à la réaction de vos papilles subjuguées. Fièrement, elle annonçait son origine en tout bien tout honneur, « Product of India ».
La surprise vint en tournant le pot pour détailler l’affichette du verso : loin d’être un des Etats de l’Inde, une de ses métropoles emblématiques (Bénarès, Hyderabad, Bangalore, Mumbai, Delhi) ou folklo-nostalgique (Chandernagor,Pondichéry, Goa, Karical, Mahé), le lieu de production était Xinding, banlieue de Zhuhai, l’arrière-cour chinoise de Macao.
Mais alors, où était le « produit de l’Inde » ?
A cette révélation, les idées se bousculèrent dans la tête. La production chinoise de pickles indiens en disait très long sur l’avancée de la pénétration indienne et du pouvoir d’investissement de cette puissance chez son voisin -quoique le succès commercial d’une telle entreprise soit aléatoire. Mais les Indiens, partageant cette qualité avec les Chinois, ne vont pas dire que l’eau de la piscine est trop froide – et je me comprends-, mais ils vont au charbon et tentent de s’exporter par tous les moyens, poussés par la nécessité et par la puissance de leur démographie. Savoir si le produit marchera ou non : demain est un autre jour. Energy is mine.
Tandis que nous-mêmes, Français, restons à des années lumières de produire notre moutarde de Dijon au Céleste Empire, ou la crème de cassis. D’ailleurs, le symbole est parfait, Amora, premier producteur national du « moult-me-tarde» et propriétaire des grandes marques de ce délicieux condiment, loin de s’exporter en Chine, se contentait l’été dernier d’imploser doucement, en une faillite posant la question de notre capacité future à assaisonner nos viandes et composer nos sauces pour salades.
Au demeurant, le pickle en question n’était en soi nullement frauduleux. Excellent, sublime, capable de marier les aromes flamboyants en une poésie évocatoire des cimes du Tibet, des senteurs riches et sourdes d’une jungle de bas-Népal, des citrons et des mangues, des épices pimentées de Ceylan. Made in Zhuhai. Ce qui frappait, était cette prétention de marquer « Product of India ». En droit international des marques, cette affaire là est tranchée (comme le citron) depuis des lunes. La moutarde de Dijon ne peut en aucun cas être produite à Chicago, pas même à Lyon. L’Alsace a perdu depuis quelques années le droit dont elle jouissait depuis des décennies, de dénommer Tokay un de ses crus de Pinot gris : la Hongrie l’a rapatrié jalousement, au terme d’un procès retentissant. Un produit alimentaire ne peut en aucun cas se réclamer de son nom d’origine, s’il est « re-»produit hors de son berceau traditionnel. Et moins encore, fabriqué dans un autre pays. Manquant encore de tradition d’échanges internationaux, les Chinois peuvent ignorer ce détail. Mais les Indiens, formés depuis un siècle et demi au moule de l’anglophonie planétaire, en aucun cas. Aussi, je me dis que l’entrepreneur propriétaire indien, a probablement gentiment roulé l’administrateur tutélaire chinois dans la farine, en lui faisant gober son appellation fallacieuse. Cela fait du bien de découvrir, au hasard de la vie en Chine, quelqu’un de plus doué que les Chinois dans l’art de la contrefaçon, et sur leur propre territoire !
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Autre chose : je suis passé ce samedi sur France Inter, dans l’excellente émission de Denis Cheyssoux, « CO2 mon amour ».
Un auditeur choqué a posté un commentaire respectueux mais ferme, pour contester la légitimité de mon qualificatif d’une énergie nucléaire qui serait « renouvelable ». Je dois donc faire amende honorable. J’ai péché par étourderie, et Jean Marc Convers a raison à 100% : la centrale atomique brûle de l’uranium, qui se pioche dans les mines, en volume limité et donc non renouvelable.
Mon interlocuteur est apparemment ardent adversaire du nucléaire, et pour lui l’avenir de l’humanité passe – je crois le comprendre- par l’éradication vertueuse de cette filière. Et là, je dois lui objecter que son souhait va exactement dans le sens inverse de ce qui va advenir de façon imminente, du souhait exprimé des nations et du marché mondial. Que les programmes de tous les pays émergents, en manque d’énergie, vont vers le décuplement du parc nucléaire mondial sous 30 ans. Sont ils fous et les anti-nucléaires, prophètes incompris, comme le Prophète Jérémie annonçant les malheurs sous les lazzis et l’indifférence générale ?
Je plaiderai que cette humanité à l’aube d’un fantastique bond en avant en industrialisation, consommation et saut qualitatif du mode de vie, aura besoin de toutes les sources d’énergies à sa disposition, faute de sombrer dans un scénario terrible de guerres pour l’énergie, guerres pour l’eau etc. Je n’aimerais pas voir notre planète en pénurie, et la paix des peuples sapée à la base par des nations (exemple, la seconde guerre d’Irak par GW Bush pour s’en assurer le pétrole), ou par des organisations terroristes (exemple, Al Qaeda, et ses agissements financés par le pétrole saoudien).
Et qu’est-ce qui pollue le plus ?
Le plutonium résidu de la centrale nucléaire, stocké en fûts vitrifiés (ses radiations confinées), entreposé dans des crayères à 300m sous terre, ou la fumée jaune sulfureuse de CO2 dont Pékin encrasse mes poumons depuis 23 ans, dont meurent un million de chinois tous les ans ?
Mais bon, je ne suis pas un idéologue de ce genre de chose, et ne mettrai jamais mes convictions dans la balance « jusqu’à la mort », au risque de remettre en cause l’harmonie des amitiés et des images des uns et des autres. Je ne suis pas que la somme de mes croyances, et n’en suis pas non plus l’esclave.
Notez tout de même ce détail amusant : nous avons devant nous l’exemple rarissime, peut être unique au monde, d’un commentaire qui a été écrit et publié sur mon blog, avant même que la page à laquelle il se réfère ait déjà été écrite, et que son auteur (moi, en l’occurrence) ait eu même l’idée qu’elle verrait le jour. J’ajoute au demeurant que ma décision d’écrire ici sur ce sujet, n’a pas été prise après avoir lu cette critique, ni même inspirée par elle : elle est simplement venu d’ailleurs, et la coïncidence est donc totale.
Enfin, bonne écoute de cette émission,
et je demande à tous les lecteurs, même mon ami Marc si l’envie lui en vient, de donner son avis, un argument pour ou contre la production en Chine,
-de la moutarde de Dijon et
-de l’énergie nucléaire…
A vos claviers !
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