Par son insolence, Cao Lihui, jeunette délurée a dépassé les bornes, attirant sur elle l’attention de la presse nationale.
Le 30 octobre solaire, qui est le 9 septembre lunaire, marque la « Fête du soleil lourd » – du 3ème âge. Or, c’est ce jour-là que choisit cette interprète de 25 ans pour s’éclater sur son blog, en publiant sa lettre ouverte aux vieux Pékinois. En 23 articles, Cao Lihui prétendait rien moins que leur apprendre la vie.
Pépés et mémés étaient sommés de s’abstenir d’occuper tout le trottoir, mais de tenir leur droite. Face aux jeunes, elle les priait de ne plus jouer aux pères la morale : dans le bus, ne pas leur demander directement ou par oeillades ou soupirs lourds, de se lever. Et s’ils obtempéraient, de dire merci.
Elle les priait de cesser de les juger, de décocher des propos venimeux sur les baisers des amoureux, ou le petit bedon dénudé de la demoiselle en boléro. Ils devaient renoncer à jouer les entremetteurs non invités, à « caser » leurs petits-enfants, tout en passant subrepticement au fiancé de leur choix photo et téléphone de leur héritier, sans son accord…
C’est un conflit de génération, mais plus encore : c’est la résurgence de cette qualité désormais très rare, l’affirmation de soi ! Lihui enguirlande les vieux au nom du chacun pour soi (contraire du confucianisme !). C’est ce qu’on appelle en chinois « braver le ciel sans s’excuser» (mao tian xia zhi da bu wei, 冒天下之大不韪).
A travers cette explosion, on lit aussi l’océan de malentendus entre ces vieux « largués », mais autoritaires, et ces jeunes, qui reprennent leur liberté. Et la solidarité de classe d’âge : sur les 400 internautes s’étant exprimés, sur internet, à propos de l’initiative de Cao Lihui, ils furent trois sur quatre, parmi les moins de 20 ans, à la suivre dans sa révolte anti-cheveux blancs !
Les vieillards, pour leur part, avaient d’autres arguments, comme on put le voir : quelques jours plus tard, par ordre de la censure, le blog iconoclaste disparut de la toile, sans tambour ni trompette !
Sommaire N° 39