Face aux cinq continents, Pékin prend un pari à long terme, audacieux mais immédiatement lucratif, en occupant le 1èr rang sur le marché du droit à polluer, un des outils du protocole de Kyoto, consistant à échanger les « crédits d’émissions » de gaz à effet de serre. De ce marché, une partie est trusté par l’UCF, (Umbrella Carbon Facility) émanation de la Banque Mondiale, avec ses fonds d’origine à 75% privée. Encore à l’état natif, ce marché est controversé : les Etats-Unis n’y adhèrent pas, et en pratique, comment vérifier que les fonds sont affectés selon les règles, surtout dans les eaux troubles d’économies non libérales ?
Or, le 19/12, à Pékin, deux firmes du Jiangsu ont signé avec l’UCF deux contrats pour 930M$, le plus gros marché de ce type jamais réalisé sur terre – usant plus de 50% de ses fonds!
Zhonghao (Changshu) et Meilan (Taizhou) produisent des CFC, dont un sous-produit indésirable est le trifluorométhane (HFC-23), 12.000 fois plus nocif que le CO². Pour leurs capacités de 40.000 et 50.000t /an (de technologie fruste, mais au volume énorme – Meilan est n°3 mondial), les 2 usines recevront des chaudières qui réduiront le déchet gazeux. Par cet investissement, 19M t d’équivalent CO² par an seront détruits.
Pourtant, deux bizarreries vont nourrir la polémique, voire desservir la cause de l’écologie onusienne:
parce que bâtie après 2004, hors date-limite du protocole de Kyoto, la nouvelle ligne de production de Meilan (20.000t/an), non-éligible à ce filtre crachera librement dans les airs son HC-23.
ce mécanisme est réservé aux groupes à 51% chinois, causant une distorsion de concurrence, contraire à l’esprit de Kyoto et à l’OMC. Des leaders étrangers comme Arkema qui ont pris le risque de venir en Chine, voient leur avance technologique est éradiquée par les subventions des Nations Unies. En somme, « ce sont les mauvais qu’on récompense » ! L’UCF y retrouve son compte, en recevant, sur ce méga-contrat, la crédibilité (le volant thermique financier) qui lui manquait !
Enfin, le grand gagnant est peut-être l’Etat chinois, qui encaissera 65% de la vente des crédits d’émission dans son Fonds de croissance propre, en cours de mise en place avec le soutien de la Banque mondiale.
Ainsi, par un contrat qui lui rapporte sans lui coûter, la Chine s’installe au coeur des initiatives d’avenir de nettoyage de la planète. Revendiquant ainsi un rôle de « soleil vert » écologique. Un comble, pour un des plus (toujours plus!) grands pollueurs sur terre!
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