Histoires de manifestations
Wuhan, oligopole de 7,3 M d’habitants (dont 1/2 environ, seulement, avec permis de résidence: tous les autres y vivant à différents degrés de clandestinité), vit un rapport étrange entre population et pouvoirs publics. Contrairement à des villes de la côte, Pékin ou Shanghai, plus sophistiquées, riches, et autoritaires, Wuhan semble jouir d’un fort degré de liberté, la police se gardant d’intervenir pour y défendre lois et règlements. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’observer le trafic, le long des artères (interminables et sans grâce) reliant Hankou, Hanyang et Wuchang, les trois «villes» séparées par le confluent du Yangtzé et de la Hanshui.
Le mépris des panneaux et feux de circulation, n’est égalé que par la «timidité» de la police à intervenir. Comme le décrit un Chinois local, «à Wuhan, l’Etat se réserve deux pouvoirs: celui du fusil, et celui du pinceau (de la plume, ndlr). Pour le reste, on fait ce qu’on veut»!
Ce qui explique aussi, tolérées par un pouvoir bon enfant, les nombreuses manifs qui bloquent sporadiquement le centre ville ou l’entrée de la place de la mairie: sit-in (avec tabourets pliants) de petits vieux protestant contre leurs retraites misérables; manifs d’usines en faillite, impayées depuis des mois (ce qui semble être la règle salariale universelle de Wuhan); congestion du coeur de la ville par des dizaines de milliers de (san lunche, tricycles, qui sont 200 000 à travers Wuhan), balayant les tentatives publiques d’interdire ce moyen de transport folklorique et ingérable…
La dernière manifestation, à Wuhan en mars, a eu pour auteurs les ouvriers paraplégiques de l’usine « Xinhan » de matière plastique. Trop populaire, le directeur avait réussi à augmenter les salaires et éponger une dette de 3MY. L’autorité, par ailleurs, cherchait à «fusionner» Xinhan avec Taihe, usine privée, qui en voulait moins au personnel, qu’au terrain excellemment situé de son usine… Les handicapés ont simplement interdit l’accès au nouveau boss, et affiché des (dazibao, posters) déclarant : « nous n’avons pas confiance en des patrons parachutés » : la mairie a préféré lâcher du fil !
Guerre aux mauvaises dettes
Zhang Daizhong, vice-maire de Wuhan, saisit le taureau par les cornes: trop de firmes au bord de la ruine s’accommodent finalement assez bien de leur état et, sans chercher à payer leurs dettes, « mangent » les subventions qui les maintiennent hors de la faillite.
D’après China Economic Times, les intérêts non récupérables feraient 20% du total.
Le nouveau règlement édicté par la mairie, interdit aux firmes endettées, de donner des primes aux employés, d’acheter voitures, maisons, titres boursiers et bien sûr de se faire coter en Bourse ou de créer de nouvelles entreprises. Tandis que leurs patrons n’ont plus le droit d’accepter des voyages somptuaires à l’étranger, et que leur indice de crédit doit être raboté.
Par ce code draconien, Wuhan espère rehausser la cote de la ville, comme site d’investissement : le «plus» espéré à moyen terme, sous forme de crédits de l’étranger, étant supérieur au manque à gagner à court terme en dépenses somptuaires de la nomenklatura.
Sommaire N° 13