“Alors, ce divorce, ça vient?” – cette mélopée, Jacky Zhang (32 ans), maître d’hôtel à Nanning (Guangxi), la subit chaque jour, mais tient bon et refuse de gua mu xiang kan (刮目相看), “se déboucher les yeux pour voir en face”, et tirer les conséquences du mystérieux SIDA dont est victime sa femme, testée séropositive en 2003, avec leurs fillettes de 2 et 4 ans – ils sont mariés depuis 2000.
Pour imposer la séparation, tout l’entourage fait pression : le patron qui haïrait de congédier un salarié hors-pair (s’il contractait à son tour le virus), les voisins tremblant d’être contaminés, et surtout son père, qui sait que cette fille-là ne lui donnera plus d’héritier.
Stoïque, sa femme elle-même l’adjure de la plaquer, au nom du devoir confucéen de perpétuer sa race. Mais Zhang ne veut rien savoir. Ni comment sa femme a été infectée. Ni d’une autre partenaire de lit.
Pourtant, à ce beau gars à bon métier, plus d’une fille est venue ronronner l’offre de refaire sa vie avec elle -après test médical, s’entend. Zhang refuse pour 2 raisons:
[1] la trithérapie offerte par l’antenne locale de Médecins sans frontières maintient les femmes en vie et l’espoir d’un remède.
[2] s’il quittait ses fillettes, rien que matériellement, elles en mourraient. Jacky Zhang est un être rare en Chine: il aime ses filles et sa femme au-delà de tout, même quand elles sont dans le besoin extrême, et lui pas.
C’est peut-être un rejet de la vision majoritaire, utilitaire de toute relation, même de couple. C’est surtout, en plein orage, l’affirmation de valeurs anciennes, qu’il retrouve : fidélité et sentiment. Ainsi, il remplit son entourage de frustration, d’étonnement, de questionnement, voire de lumière!
Sommaire N° 6