Le Vent de la Chine Numéro 3 (2025)

du 20 janvier au 2 février 2025

Editorial : Le Dragon s’en va, le Serpent siffle
Le Dragon s’en va, le Serpent siffle

Comme chaque année, voici venu le temps de la plus grande migration humaine au monde à l’occasion de la fête du Printemps (« Chunjie » , 春节). A compter du 14 janvier et pendant une période de 40 jours, c’est plus de 9 milliards de voyages qui seront réalisés à travers toute la Chine. Aéroports, gares routières et ferroviaires, autoroutes … Le réseau de transport sera mis à rude épreuve, mais les progrès constants de la Chine font que les scènes de chaos et la pénurie de tickets, récurrentes il y a encore quelques années, ne seront bientôt plus que de mauvais souvenirs…

Si l’écrasante majorité des Chinois célébreront le 28 janvier au soir en famille le passage à l’année du Serpent dans leur ville/village natal, quelques millions d’entre eux profiteront de ces 8 jours de vacances nationales pour s’envoler hors frontières.

La Thaïlande voisine, par exemple, a longtemps été une destination de choix, jusqu’à l’enlèvement début janvier d’un acteur chinois forcé par des mafieux à travailler dans un centre d’arnaque en ligne. Une affaire qui a profondément choqué l’opinion publique et qui devrait refroidir les ardeurs de certains touristes. Ironiquement, dans l’argot policier, une « tête de serpent » désigne le chef d’une organisation criminelle spécialisée dans l’émigration clandestine…

Il faut dire que dans l’imaginaire collectif chinois, le Serpent (蛇) suscite à la fois crainte et fascination. Il a notamment inspiré de nombreuses légendes, dont la plus célèbre est peut-être celle du Serpent blanc (Báishé Zhuàn, 白蛇传), mettant en scène un homme séduit par un serpent qui a pris la forme d’une dame vêtue de blanc. On prête aussi à Nüwa, déesse créatrice de l’humanité dans la mythologie chinoise, un corps de serpent.

Le reptile est également présent dans bon nombre de proverbes courants, tels que « dessiner un serpent avec des pattes » (画蛇添足 ; huàshé tiānzú), qui désigne le fait d’en faire trop. D’autres dictons sont nettement moins flatteurs : « la tête du tigre, la queue du serpent » (虎头蛇尾 hǔtóu shéwěi), qui exprime un bon démarrage, mais une mauvaise fin ; ou encore « dragons et serpents qui se mélangent » (龙蛇混杂 lóngshéhùnzá), qui évoque un mélange de bonnes et mauvaises personnes.

Sixième de la course légendaire lancée par l’Empereur de Jade, le « Petit Dragon » (小龙) comme il est parfois surnommé, est l’animal le plus énigmatique du zodiaque chinois. Ainsi, les natifs du signe sont réputés être plutôt secrets, réfléchis, rusés, intuitifs, prudents, indépendants, mais parfois paresseux.

Parmi les natifs célèbres, on trouve le créateur du « pinyin », Zhou Youguang (janvier 1906) ; l’architecte qui a conçu la pyramide du Louvre, I.M. Pei (1917) ; le poète et essayiste François Cheng (1929) ; le Secrétaire général du PCC, Xi Jinping (1953) ; l’actuel ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi (1953) ; la comédienne Gong Li (1965), en couple avec Jean-Michel Jarre, pionnier de la musique électronique ; le président français Emmanuel Macron (1977) mais aussi son épouse Brigitte (1953) ; l’actrice tombée en disgrâce, Angelababy (1989) ; la chanteuse country qui pourrait bien se produire à Shanghai cette année, Taylor Swift (1989), ; ou encore Gedhun Choekyi Nyima (1989), le fils de pasteurs tibétains désigné par le dalaï-lama comme réincarnation du panchen-lama et mis au secret par Pékin depuis ses 6 ans.

Selon la croyance, tous ceux dont le Serpent est le signe de naissance cette année (本命年, běnmìngnián) seraient bien avisés de porter chaque jour sur eux quelque chose de rouge (bracelet, chaussettes, sous-vêtements…) s’ils veulent se protéger des mauvais esprits. De la même manière, 2025 ne sera pas un long fleuve tranquille pour eux, mais ils sauront trouver les ressources nécessaires pour dépasser les difficultés rencontrées.

Le Serpent est aussi le signe de la mue et des changements, parfois violents. En 1977, il inspirait les premières manifestations de l’après Révolution Culturelle et marquait le retour en grâce de Deng Xiaoping après la mort de Mao. En 1989, il animait les étudiants du Printemps de Pékin et provoquait la chute du mur de Berlin. En 2013, il suscitait émeutes et attentats au Xinjiang. Il n’y a plus qu’à espérer que l’élément bois qui revient tous les 60 ans, apportera plus de stabilité et de mesure à cette nouvelle année !