Editorial : Aux grands maux, les grands remèdes

Aux grands maux, les grands remèdes

« Du jamais vu en une décennie », « un moment historique », « un tournant », « des mesures audacieuses »… Voilà les qualificatifs qui ont parfois été utilisés pour décrire le plan de sauvetage du secteur immobilier dévoilé le 17 mai par le Conseil d’Etat.

En quelques mots, il s’agit de racheter une partie du grand nombre d’appartements vides pour les convertir en logements sociaux et de livrer ceux déjà vendus mais non achevés à leurs propriétaires

Pour cela, la Banque Centrale a annoncé le même jour le déblocage de 300 milliards de yuans à faible taux d’intérêt (1,75%) pour aider les gouvernements locaux à racheter aux promoteurs leurs logements vides et à mener à bien leurs chantiers inachevés.

En visite de terrain à Zhengzhou (Henan), He Lifeng, le vice-premier ministre chargé de l’économie (cf photo), a promis que les autorités « se battront dur contre le risque que représentent les projets non achevés ». C’est la première fois qu’on entend un langage aussi fort à ce sujet de la bouche d’un dirigeant chinois.

En parallèle, la Banque Centrale a également abaissé de 20 % à 15 % l’apport minimum exigé des primo-accédants, et à 25 % pour les particuliers souhaitant acheter un second logement. Le taux d’intérêt plancher, jusqu’alors imposé sur les crédits immobiliers, a également été abandonné.

Le gouvernement ambitionne de faire d’une pierre, trois coups, en agissant à la fois sur l’offre et la demande : désamorcer la bombe sociale que représentent les chantiers à l’abandon, reconvertir un maximum d’appartements invendus en logements sociaux et tenter de relancer les achats immobiliers, en berne depuis de long mois.

Quelques heures avant l’annonce de ce plan, les dernières données statistiques semblaient confirmer l’urgence d’enrayer cette crise immobilière persistante. En effet, en avril les prix du neuf ont chuté pour le dixième mois consécutif de 0,6 % en glissement mensuel, soit la baisse la plus rapide depuis presque 10 ans. Même constat alarmant du côté de l’investissement immobilier, qui a chuté les 4 premiers mois de 2024 de 9,8 % par rapport à l’année précédente.

Cette panne du secteur immobilier alimente le pessimisme des ménages : les ventes de détail n’ont augmenté que de 2,3 % sur un an en avril, contre 3,1 % le mois précédent. Ces chiffres ne sont pas tout à fait surprenants lorsqu’on sait que les Chinois qui avaient choisi d’investir dans l’immobilier voient leur capital fondre un peu plus chaque mois…

Depuis plusieurs mois, Pékin multiplie les mesures pour tenter d’enrayer la crise – en vain jusqu’à présent. En novembre 2023, le gouvernement avait établi une « liste blanche » de cinquante promoteurs approuvés par Pékin, que les banques étaient invitées à financer. Dans les faits, elles se sont montrées plutôt frileuses … Le mois suivant, Xi Jinping visitait une tour de logements à bas coût à Shanghai et soulignait leur importance dans les grandes villes. En mars dernier, Pékin avait annoncé l’émission de bons à très long terme à hauteur de 1 000 milliards de yuans ainsi que le lancement d’un vaste programme de remplacement de vieux appareils électroménagers, machines et de véhicules à hauteur de 500 milliards de yuans. Mais les consommateurs préfèrent épargner davantage que consommer plus… 

Malgré ces grandes annonces, le cœur du problème tient en une question : dans quelle mesure les collectivités locales pourront remplir la mission qui leur est confiée, elles qui sont déjà lourdement endettées ?

Ensuite, même si le stock d’invendus (4 millions) et le nombre de logements vendus mais inachevés (10 millions au bas mot) diffèrent selon les estimations, tous les experts s’accordent à dire que les 300 milliards, voire 500 milliards de yuans annoncés, seront insuffisants pour régler le problème. Il faudrait au moins 10 fois plus, une somme que seul l’Etat ou la Banque Centrale pourrait financer… 

Pour compliquer un peu plus la situation, les besoins diffèrent grandement d’une région à une autre : les petites villes regorgent d’appartements invendus dont personne ne veut, tandis que les grandes agglomérations, elles, ont besoin de davantage de logements sociaux. Il n’existe donc pas de solution miracle.

A tout le moins, ce plan de sauvetage de l’immobilier traduit une volonté nette du gouvernement central de ne pas laisser la situation se dégrader davantage et de stabiliser l’économie.

D’autres signaux, comme le symposium de Xi Jinping à Jinan (Shandong) le 23 mai, où plusieurs économistes et dirigeants de multinationales étrangères ont été invités à donner leur avis sur la manière d’améliorer l’environnement d’affaires et sur les projets de réforme économique (prix de l’énergie, réforme fiscale…) qui seront annoncés lors du 3ème Plénum en juillet, sont autant de raisons de rester optimiste d’ici là.

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1 Commentaire
  1. severy

    Panique dans la fourmilière. Les clapiers n’ont plus la cote. Pommes demandent vers.

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