Le Vent de la Chine Numéro 15 (2024)

du 5 au 11 mai 2024

Editorial : Le retour de Xi Jinping en Europe
Le retour de Xi Jinping en Europe

Cela faisait cinq ans que le Président chinois n’avait plus mis les pieds en Europe. Or, depuis sa dernière visite en mars 2019, les choses ont bien changé. La pandémie de Covid-19, mais aussi la loi de sécurité nationale à Hong Kong ainsi que la répression de la minorité Ouïgoure au Xinjiang ont contribué à la détérioration de l’image de la Chine dans bon nombre de pays européens, au même titre que la posture « combattante » des diplomates chinois.

Au plan géopolitique, l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche en 2021 a permis davantage d’alignement entre les positions européennes et américaines (voire japonaises) tandis que l’Italie et plusieurs pays d’Europe Centrale et de l’Est se sont désengagés des « nouvelles routes de la soie », déçus des promesses d’investissement non tenues par Pékin. Mais ce n’est rien à côté de la déception causée par le « partenariat sans limite » scellé avec Moscou en 2022 et l’absence de condamnation de Pékin de la guerre en Ukraine.

A Bruxelles, l’Union Européenne a formulé une nouvelle approche vis-à-vis de la Chine, la percevant à la fois comme « un partenaire, un compétiteur et un rival systémique », et suspendu le traité sur les investissements (CAI) qu’elle avait pourtant mis 7 ans à négocier avec Pékin. L’UE s’est également dotée d’un véritable arsenal anti-coercition (imposition de droits de douane et de licences d’importation, interdiction de participer aux marchés publics etc…) qu’elle se dit prête à déployer contre tout État tiers qui voudrait soumettre l’un de ses membres à une pression économique. Comme pour montrer qu’elle est (enfin) prête à défendre ses intérêts, la Commission Européenne a ouvert ces dernières semaines plusieurs enquêtes sur les véhicules électriques, les panneaux solaires et les turbines éoliennes en provenance de Chine, ainsi que sur la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics. Un durcissement qui n’est peut-être pas étranger à la tenue des élections européennes début juin.

C’est donc avec cette nouvelle réalité européenne que Xi devra composer lors de sa tournée sur le vieux continent qui débutera par la France, du 5 au 7 mai, puis la Serbie, et enfin, la Hongrie, du 8 au 10 mai. Ce voyage est censé faire oublier les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis et prouver que la Chine a encore des alliés en Europe. 

A chaque étape, son objectif : en France, Xi souhaite démontrer que la Chine est un membre pleinement intégré de la communauté internationale et a des amis au sein du G7. En Serbie, il commémorera le 25ème anniversaire du bombardement par l’OTAN de l’ambassade chinoise à Belgrade, manière indirecte de blâmer l’organisation de défense transatlantique et les Etats-Unis pour la guerre en Ukraine. Enfin, en Hongrie (souvent qualifiée de « cheval de Troie » de Pékin au sein de l’UE), Xi soulignera les avantages de l’engagement économique avec la Chine. C’est en effet dans le pays de Viktor Orban que le n°1 de l’automobile électrique BYD, le géant des télécoms Huawei et le leader mondial de la batterie CATL, se sont implantés, bientôt suivis par le constructeur automobile Great Wall Motor.

Si le Président chinois est assuré de se voir dérouler le tapis rouge à Belgrade et Budapest, qu’en sera-t-il à Paris ? La France et la Chine célèbrent le 60ème anniversaire de leurs relations diplomatiques cette année. Toutefois, l’ambiance sera nettement moins festive que lors du 50ème anniversaire qui avait donné lieu à la signature de 50 contrats commerciaux en 2014. Xi Jinping était par ailleurs attendu au tournant par les médias français : il n’avait pas encore posé le pied dans l’Hexagone que Radio France publiait un podcast très étoffé sur le parcours du n°1 chinois, tandis que le magazine « Envoyé Spécial » diffusait une enquête sur l’existence de commissariats clandestins de la PRC sur le sol français.

Cela n’empêchera pas l’Elysée de réserver au leader chinois un accueil digne de ce nom, à l’image de celui réservé à Emmanuel Macron lors de sa visite en Chine en avril 2023. Xi Jinping avait en effet invité son homologue français à découvrir l’ancienne résidence du gouverneur du Guangdong, où il avait passé du temps avec son père dans son enfance. Le Président Macron devrait lui rendre la pareille, amenant le leader chinois dans les Hautes Pyrénées, là où il avait l’habitude de rendre visite à sa grand-mère.

Le dirigeant français compte sur cette séquence plus personnelle pour exposer sa vision de la situation en Ukraine et convaincre Xi d’abandonner son soutien économique et militaire à la Russie. Les chances de réussite sont minces : s’il était essentiel pour Pékin de maintenir des relations de qualité avec les Européens, la Chine aurait adopté une autre posture que cette neutralité de façade vis-à-vis de la guerre en Ukraine. L’objectif serait donc de rendre plus difficile pour Pékin de ménager la chèvre (sa relation stratégique avec la Russie) et le chou (ses échanges économiques avec l’Europe).

En effet, l’autre dossier brûlant de cette rencontre sera l’enquête ouverte par Bruxelles sur les subventions accordées par le gouvernement chinois aux producteurs de véhicules électriques.Il sera probablement abordé en présence de la présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen, invitée à prendre part aux discussions à Paris. Sa participation n’est pas surprenante, c’est même une marque de fabrique d’Emmanuel Macron, qui invite systématiquement un autre dirigeant européen à chacune de ses rencontres avec le Président chinois, de manière à afficher un front européen uni. Sauf que cette fois encore, l’absence de Olaf Scholz, qui s’est rendu en Chine le mois dernier, saute aux yeux…

Mais rentrons dans le vif du sujet : selon un récente estimation du groupe Rhodium, l’UE devrait imposer des droits de douanes de 50% (au lieu de 10% actuellement) si elle veut réduire les importations de véhicules électriques en provenance de Chine. Or, aux dernières nouvelles, les Chinois n’étaient prêts à accepter que 20% de taxes… Le bras de fer ne fait donc que commencer.

Alors que Paris prône davantage de fermeté de la part de Bruxelles, Emmanuel Macron devrait se montrer beaucoup plus conciliant sur les sujets bilatéraux pour éviter de s’attirer les foudres de Pékin, qui a déjà ouvert une enquête anti-dumping visant le cognac en guise d’avertissement.

Paradoxalement peut-être, Macron plaide pour accueillir davantage d’investissements chinois dans l’Hexagone, particulièrement dans le secteur des batteries électriques. Il compte aussi beaucoup sur le partenaire chinois pour avancer sur les grandes questions climatiques.

Même si la France joue double jeu, la Chine continue de la caresser dans le sens du poil, en faisant régulièrement l’éloge de « l’autonomie stratégique » si chère à Emmanuel Macron. Car, il faut le rappeler, la France, et plus globalement l’UE, n’est perçue au final par Pékin que comme un élément mineur dans le prisme de la rivalité sino-américaine. Mais cela pourra-t-il durer en cas de nouveau conflit commercial avec Bruxelles ? C’est toute la question.


Géopolitique : Les enjeux de la guerre froide commerciale entre Chine et Europe
Les enjeux de la guerre froide commerciale entre Chine et Europe

« Un accident de train au ralenti ». C’est en ces termes que Jens Eskelund, président de la Chambre européenne en Chine, a qualifié le 17 avril la situation à laquelle Chine et Europe sont confrontées. Selon lui, la vague montante de « protectionnisme » pourrait se transformer en une « véritable guerre commerciale ».

Toutefois, ce qui est en jeu dépasse largement la dialectique sommaire entre « protectionnisme » et « libéralisme ». Le fait est que l’Union Européenne a lancé plusieurs enquêtes pour déterminer si les fabricants chinois faisaient du dumping de produits subventionnés.

En septembre 2023, l’UE avait ouvert une enquête sur le soutien de l’État chinois aux constructeurs de véhicules électriques, alors que la montée en flèche des importations alimente les craintes pour l’avenir des constructeurs automobiles européens. L’Europe impose un droit de douane de 10 % sur les voitures importées de Chine (à comparer avec les 27,5 % que pratiquent les États-Unis). En conséquence, les fabricants chinois ont pu prendre pied sur le marché européen : au cours des cinq dernières années, les importations européennes de voitures chinoises ont quadruplé. D’ici 2030, les constructeurs automobiles chinois pourraient voir leur part du marché mondial doubler, passant de 17 % à 33 %. BYD, le plus grand fabricant chinois de véhicules électriques, prévoit d’augmenter ses ventes à l’étranger à 250 000 véhicules en 2023, contre 55 916 en 2022. Les voitures électriques vendues en Chine sont environ 40 % moins chères que celles vendues en Europe et 50 % moins chères qu’aux États-Unis. Or, l’industrie automobile européenne emploie environ 13 millions de personnes, soit environ 7 % de l’emploi total. Ce qui se joue ici est une affaire complexe, à plusieurs dimensions : d’un côté, la nécessité pour affronter le changement climatique des dispositifs techniques les meilleurs indépendamment de leur origine de production ; de l’autre, la nécessité de préserver l’emploi en Europe et d’éviter une dépendance économique utilisée à des fins de leviers géopolitiques.

C’est le même type de questions qui se pose avec, en mars 2024, l’ouverture par l’UE d’une deuxième enquête sur le soutien de l’État chinois à ses entreprises d’éoliennes. Margrethe Vestager, la responsable de la concurrence de l’UE, avait déclaré que l’enquête porterait sur le développement de parcs éoliens en Espagne, en Grèce, en France, en Roumanie et en Bulgarie. L’annonce de Vestager est intervenue quelques jours seulement après que la Commission européenne ait ouvert une enquête distincte sur les subventions aux entreprises chinoises soumissionnant pour un contrat de parc solaire en Roumanie. Vestager a été très claire : « nous ne pouvons pas nous permettre de voir ce qui s’est passé avec les panneaux solaires se reproduire avec les véhicules électriques, les éoliennes ou les puces essentielles ».

De fait, aujourd’hui, moins de 3 % des panneaux solaires installés dans l’UE sont produits en Europe : un chiffre incroyable témoignant d’une faillite industrielle radicale et d’une souveraineté économique défaillante. Si une nouvelle guerre commerciale se profile c’est parce qu’une surabondance de produits chinois « meilleur marché » inonde le monde. L’excédent commercial mondial de biens chinois a grimpé en flèche ces dernières années et approche désormais les 1 000 milliards de $. Ces tensions entre la Chine, le plus grand fabricant mondial, et ses principaux partenaires commerciaux, résultent donc de l’offre excédentaire de produits chinois dans des industries clés à travers le monde.

Du point de vue chinois, il n’y a pas de capacité excédentaire mais simplement l’exportation d’une offre de meilleure qualité à meilleur prix. En réalité, cela fait déjà plusieurs mois que les experts alertent sur une prochaine guerre commerciale ; la raison en est simple : l’ancien moteur de la dépense des ménages et de la production manufacturière, à savoir l’immobilier est toujours en crise et il faut un nouveau vecteur de croissance et d’emploi. Sans même parler de subventions d’Etat déguisées (un processus complexe à mettre en évidence), le fait est que la compétition féroce entre constructeurs chinois pousse ceux-ci à la fois à rogner sur les marges et à produire en masse au sein d’un marché déprimé qui ne peut trouver d’exutoire que dans l’export. Les tensions commerciales viennent de ce que, d’un côté, Pékin considère les exportations comme une mesure clé pour relancer l’économie chinoise en ralentissement et se concentre de plus en plus sur les exportations à plus forte valeur ajoutée, alors que, de l’autre, ces exportations concernent des secteurs que l’Europe et les États-Unis considèrent comme stratégiquement importants étant donné qu’ils cherchent à rendre leurs économies plus vertes.

Dernier épisode en date : il y a deux semaines, les enquêteurs de l’UE ont fait irruption dans les bureaux néerlandais et polonais de Nuctech, un fabricant de scanners de sécurité qui alimente l’Europe de produits de haute technologique à forte charge sécuritaire. Rappelons que Nuctech était autrefois dirigée par Hu Haifeng, le fils de Hu Jintao. La réaction de la Chine fut sanguine : ce raid, selon son porte-parole, « met en évidence la détérioration supplémentaire de l’environnement des affaires de l’UE et envoie un signal extrêmement négatif à toutes les entreprises étrangères ».

Pendant des années, Bruxelles a bien recherché le dialogue avec Pékin sur les subventions publiques et la surcapacité dans les domaines de l’acier, de l’aluminium et des technologies vertes, mais sans parvenir à des résultats probants. Les enquêtes en cours sur le soutien de l’État chinois aux véhicules électriques comme sur les éoliennes et les équipements hospitaliers entendent changer la donne. Selon Gunnar Wiegand, ancien haut diplomate pour l’Asie au Service européen pour l’Action extérieure : « Personne ne devrait être surpris que les instruments qui ont été créés au cours d’un processus assez long durant les dernières années soient enfin réellement utilisés ». La représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, a souligné l’étroite collaboration entre les deux parties pour « identifier et explorer les moyens de répondre aux politiques et pratiques non marchandes utilisées par la Chine ».

Toutefois, dès que l’Europe augmente la pression en matière de respect des règles du libéralisme marchand, la Chine tend à répondre par des mesures de rétorsions en choisissant à chaque fois une approche ciblée, visant à jouer sur les divisions de l’Union pour opposer les pays les uns contre les autres. Ainsi récemment, Pékin a joué la carte des « terres rares », en prenant des mesures contre l’approvisionnement en gallium et en germanium, après que les États-Unis aient fait pression sur les Pays-Bas pour qu’ils bloquent le champion local ASML d’équipements pour semi-conducteurs à la Chine. De même, peu après l’enquête sur les véhicules électriques fabriqués en Chine, Pékin a frappé les exportations européennes d’alcool, notamment le cognac français car Paris est en pointe dans le dossier du véhicule électrique…

De sorte que, à nouveau, des voix divergentes se font entendre. D’un côté, selon Anders Ahnlid, président du Conseil national du commerce suédois : « La Commission devrait tout faire pour éviter une guerre commerciale totale avec la Chine ». De l’autre, selon Mais Wiegand, ancien diplomate européen pour l’Asie : « Le risque de représailles […] ne devrait dissuader personne dans l’UE d’utiliser des instruments soigneusement conçus, qui sont tous entièrement compatibles avec l’OMC. »

Par ailleurs, la question économique et commerciale se double désormais d’un aspect géopolitique et militaire. La guerre en Ukraine oblige l’Europe à repenser sa dépendance à l’égard des autocraties après l’invasion russe de l’Ukraine. Comme le disait récemment le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, lors d’une audience à Berlin : « Dans le passé, nous avons commis l’erreur de devenir dépendants du pétrole et du gaz russes. Nous ne devons pas répéter cette erreur avec la Chine, à l’égard de son marché, de ses matières premières et de ses technologies ». L’Allemagne se méfie d’une confrontation avec Pékin, notamment parce qu’elle y fabrique des voitures et qu’elle est devenue dépendante de l’immense marché de consommation chinois. La France s’en méfie aussi à cause de l’exposition de son marché du vin et du luxe. Pourtant, Paris a également pris le leadership dans l’opposition à la Russie de Poutine alors que l’Allemagne refuse toujours de livrer à l’Ukraine ses missiles Taurus de longue portée. Paris et Berlin vivaient encore il y a peu dans l’illusion que Pékin pourrait influencer la Russie dans son choix de guerre contre l’Ukraine, voire le conflit en Palestine via son influence sur l’Iran. Cependant, l’essor des importations russes de biens à usage militaire issus de Chine devrait lever tout doute sur la prétendue « neutralité » chinoise.

Penser qu’accroître les échanges économiques est la meilleure manière de se faire entendre, semble soit naïf (accroître la dépendance économique par plus d’investissements permettrait de s’attirer les faveurs de Pékin) soit cynique (chercher à gagner le plus d’argent possible par tous les moyens, quelles que soient les conséquences en termes de droits humains et d’influence géopolitique). La « décroissance stratégique », c’est-à-dire non seulement se désengager des secteurs à risque (ou « de-risking ») mais aussi se renforcer soi-même dans les domaines de vulnérabilité, semble une meilleure politique à l’échelle de l’Union. Une Europe-puissance pourrait, par exemple, au lieu de se montrer conciliante avec les excédents chinois en Europe en échange d’un éventuel « message » que Xi pourrait faire passer à Poutine, conditionner certains échanges commerciaux, scientifiques et culturels, au tarissement des aides militaires directes ou indirectes de la Chine à la Russie.

Par Jean-Yves Heurtebise


Politique : Le 3ème Plenum (enfin) à l’horizon
Le 3ème Plenum (enfin) à l’horizon

Après plusieurs mois de spéculations et d’incertitudes, le Parti a enfin annoncé un échéancier pour la tenue du 3ème Plénum, suite à une rencontre du Politburo le 30 avril. Initialement attendu en octobre/novembre dernier, ce grand rendez-vous politique aura finalement lieu au cœur de l’été, au mois de juillet.

Ce calendrier est plutôt rare. En effet, la dernière fois que le Parti a organisé un Plenum durant la saison estivale remonte à un peu plus de 35 ans, le 22 et 23 juin 1989, soit un peu plus de deux semaines après les événements dramatiques de la Place Tiananmen.

En l’absence de ce caractère historique « exceptionnel », comment expliquer le report de plusieurs mois du 3ème Plenum ? Si le Parti n’a donné aucune explication jusqu’à présent (ce qui est venu miner un peu plus la confiance des investisseurs), plusieurs facteurs ont pu entrer en ligne de compte : les mauvaises performances de l’économie, l’absence de consensus autour d’un plan de relance, les luttes intra-Parti (liées en grande partie à l’état de l’économie), le limogeage successif de plusieurs hauts placés du Parti et de l’APL (Armée populaire de libération) ou encore un agenda diplomatique chargé à l’automne dernier (sommet « Belt & Road » organisé à Pékin en octobre et rencontre avec Joe Biden en marge du sommet de l’APEC en novembre). Il se pourrait également que Xi Jinping ait été contraint de mettre le 3ème Plenum à l’agenda en raison d’impératifs temporels (la fin de la campagne d’éducation sur la discipline au sein du Parti en juillet, le conclave annuel de Beidaihe au mois d’août, un 4e Plénum en septembre/octobre) et politiques (pression interne au sein du leadership).

D’un point de vue symbolique, les « 3ème Plenum » sont souvent axés sur la réforme économique. Le plus mémorable d’entre eux reste sans aucun doute celui de 1978 (cf photo), souvent considéré comme le début de l’ère de la politique de réforme et d’ouverture. Cependant, étant donné les tensions au sein du Parti, l’état de l’économie chinoise et la situation diplomatique du pays, le 3ème Plenum de 2024 a davantage de chances de ressembler à celui de 1957, considéré comme le point de départ du Grand Bond en avant… Vu sous cet angle, il est peu probable que Xi fasse de ce Plenum une jonction critique dans l’histoire du Parti et qu’il puisse découpler « sa » nouvelle ère, de l’héritage de Deng Xiaoping.

Pourtant, les enjeux de ce Plenum sont considérables et le communiqué publié le 30 avril par la presse officielle n’en fait pas mystère : « [Des réformes sont] nécessaires pour remporter l’initiative stratégique face à une concurrence internationale de plus en plus acharnée ». Traduction : si nous échouons dans ces réformes, l’Occident – avec en tête bien sûr, le grand rival américain – pourrait réussir à contenir la montée en puissance de la Chine.

Pour faire face aux « nombreux risques » et à « une incertitude extérieure grandissante », le Parti promet « l’approfondissement de la réforme » ainsi que la poursuite de la « modernisation à la chinoise ». Il n’en fallait pas plus pour que certains analystes suggèrent que Xi allait potentiellement faire marche arrière et revenir vers une approche plus « Dengiste ». Leurs espoirs risquent d’être déçus.

En effet, si avant l’arrivée de Xi, « l’approfondissement des réformes » désignait la poursuite de la décentralisation et l’ouverture sur le monde extérieur, aujourd’hui, cette expression rime avec centralisation, planification et dirigisme… De même, la « modernisation à la Chinoise », qui sous Deng Xiaoping, se voulait une référence à un mélange des forces du développement économique occidental et du système politique chinois, est devenue une malle de slogans visant le renforcement du Parti-État. Voilà qui pourrait expliquer pourquoi les réformes libérales annoncées en 2013, lors du 3ème Plenum du 18ème Congrès, sont pour la plupart restées lettre morte. Certes, Xi était déjà au pouvoir à l’époque, mais n’avait pas encore les mains entièrement libres pour dessiner un programme à son image.

Néanmoins, le fait que le communiqué mentionne l’héritage théologique des prédécesseurs de Xi (la pensée de Mao, la théorie de Deng Xiaoping, les « trois représentativités » de Jiang Zemin et le développement scientifique de Hu Jintao) pourrait indiquer que certaines des réformes qui seront annoncées en juillet pourraient être des compromis entre les gauchistes et les libéraux. Après tout, même le « meilleur » programme aux yeux de Xi, basé sur « l’autosuffisance », la « circulation duale », « la prospérité commune », le marché national unifié, les « nouvelles forces productives » (et bien entendu, l’émission de dettes pour « créer » de la croissance) ne pourra pas relancer l’économie chinoise. Or, si le Parti veut voir le retour des investisseurs et stimuler le secteur privé, des concessions devront être faites. Tout dépendra du besoin de sécurité de Xi versus la nécessité de stabiliser l’économie pour ce dernier.

En attendant, le communiqué reste avare de détails sur le contenu et la portée des réformes envisagées, mis à part un accent prononcé sur l’accélération du développement de la région du Delta du Yangtsé, qui comprend Shanghai, le Zhejiang, le Jiangsu et l’Anhui. Ainsi, même si ce Plenum est annoncé avec deux mois d’avance, il est clair que les nouvelles politiques en matière d’économie ne sont toujours pas clairement définies. Le contenu « économique » du Plenum pourrait également être influencé par la visite de Xi en Europe, en particulier si un terrain d’entente est trouvé sur les questions commerciales.

En saura-t-on plus sur le sort des anciens ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Qin Gang et Li Shangfu, et des ex-hauts gradés de la Force des missiles, de la Force de soutien stratégique, et du Département du développement de l’équipement ? Même si le Parti a tenté de respecter les procédures de renvoi dans le cas de Qin et Li, il se peut que le Parti demeure muet sur les raisons qui ont précipité leur chute. Il en va de même avec un potentiel rapport sur les résultats de la lutte anti-corruption au sein de ces unités de l’APL : il serait plus qu’étonnant que Xi accepte de parader l’ensemble des coupables ou encore de faire état des pertes. Il ne reste que le cas de Dong Jun, nouveau ministre de la Défense, que Xi pourrait essayer de faire élire à la Commission militaire centrale (CMC) afin de consolider sa position au sein du ministère, voire d’initier une potentielle ronde de réorganisation du groupe des vice-présidents de la CMC.

En résumé, même si le Parti devrait aller de l’avant avec de vraies réformes pour sauver l’économie domestique, les politiques qui seront présentées lors du 3ème Plenum risquent avant tout de favoriser la sécurité du régime et non pas la relance de la croissance dans son ensemble.

Par Alex Payette, cofondateur du cabinet Cercius


Vocabulaire de la semaine : « Secrets d’État, marché immobilier, constructeur automobile »
« Secrets d’État, marché immobilier, constructeur automobile »
  1. 修改, xiūgǎi (HSK 3) : modifier
  2. 国家机密法 , guójiā jīmì fǎ : loi sur les secrets d’État
  3. 担忧, dānyōu (HSK 6) : inquiétude
  4. 变化, biànhuà (HSK 3) : changement
  5. 之际, zhījì : alors que, au moment où
  6. 国家安全, guójiā’ānquán : sécurité nationale
  7. 包括, bāokuò (HSK 4) : incluant, y compris, notamment
  8. 反间谍法, fǎn jiàndié fǎ : loi anti- espionnage
  9. 审查, shěnchá (HSK 6) : examiner, inspecter
  10. 泄密, xièmì (HSK 7) : fuite de secrets

中国修改了国家机密法,并引起外国公司的担忧。这些变化发生之际,习近平主席政府加大了对国家安全的关注,包括更新中国的反间谍法审查与外国有联系的公司。修订后的法律扩大了其范围,将“工作秘密”纳入其中,并要求互联网公司配合对涉嫌泄密的调查.

Zhōngguó xiūgǎile guójiā jīmì fǎ, bìng yǐnqǐ wàiguó gōngsī de dānyōu. Zhèxiē biànhuà fāshēng zhī jì, xíjìnpíng zhǔxí zhèngfǔ jiā dàle duì guójiā ānquán de guānzhù, bāokuò gēngxīn zhōngguó de fǎn jiàndié fǎ hé shěnchá yǔwàiguó yǒu liánxì de gōngsī. Xiūdìng hòu de fǎlǜ kuòdàle qí fànwéi, jiāng “gōngzuò mìmì” nàrù qízhōng, bìng yāoqiú hùliánwǎng gōngsī pèihé duì shèxián xièmì de diàochá.

La Chine a révisé sa loi sur les secrets d’État, suscitant l’inquiétude des entreprises étrangères. Ces changements interviennent alors que le gouvernement du président Xi Jinping renforce son attention à la sécurité nationale, notamment en mettant à jour les lois chinoises sur le contre-espionnage et en scrutant les entreprises ayant des liens avec l’étranger. La loi révisée élargit son champ d’application pour inclure les « secrets professionnels » et exige que les entreprises d’Internet coopèrent avec les enquêtes sur les fuites présumées de secrets d’Etat.

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  1. 放宽, fàngkuān : assouplir, relâcher
  2. 套房, tàofáng : appartement, logement
  3. 购买, gòumǎi (HSK 4) : acheter
  4. 规定, guiding (HSK 3) : règles, réglementations
  5. 刺激, cìjī (HSK 4) : stimuler
  6. 停滞, tíngzhì : stagnation
  7. 房地产市场, fángdìchǎn shìchǎng : marché immobilier
  8. 达到, dádào (HSK 3) : atteindre
  9. 权限, quánxiàn : permission, autorisation
  10. 允许, yǔnxǔ (HSK 6) : autoriser

北京放宽了多套房购买的一些规定,以刺激国内停滞房地产市场达到目前所有权限额的家庭将被允许在北京五环路以外再购买一套住房。此外,拥有北京户口(永久居住证)的单身成年人或缴纳社会保险或所得税五年或以上的非户口持有者将被允许在该地区购买第二套房。

Běijīng fàngkuānle duō tàofáng gòumǎi de yīxiē guīdìng, yǐ cìjī guónèi tíngzhì de fángdìchǎn shìchǎng. Dádào mùqián suǒyǒuquán xiàn’é de jiātíng jiāng bèi yǔnxǔ zài běijīng wǔ huán lù yǐwài zài gòumǎi yī tào zhùfáng. Cǐwài, yǒngyǒu běijīng hùkǒu (yǒngjiǔ jūzhù zhèng) de dānshēn chéngnián rén huò jiǎonà shèhuì bǎoxiǎn huòsuǒdéshuì wǔ nián huò yǐshàng de fēi hùkǒu chí yǒu zhě jiāng bèi yǔnxǔ zài gāi dìqū gòumǎi dì èr tàofáng.

Pékin a assoupli certaines règles sur les achats de logements multiples afin de stimuler le marché immobilier stagnant du pays. Les ménages qui atteignent la limite actuelle de propriété seront autorisés à acheter une maison supplémentaire en dehors du 5ème périphérique de Pékin. En outre, les adultes célibataires titulaires d’un hukou de Pékin (permis de résidence permanente) ou les non-détenteurs d’un hukou qui ont payé la sécurité sociale ou l’impôt sur le revenu pendant au moins cinq ans seront autorisés à acheter un deuxième logement dans cette région.

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  1. 制造商, zhìzàoshāng : fabricant, constructeur
  2. 推出, tuīchū (HSK 6) : lancer (un produit), présenter
  3. 款kuǎn : (classificateur) modèle ou version d’un produit
  4. 车型 , chēxíng : modele de voiture
  5. 获得, huòdé (HSK 4) : gagner, obtenir
  6. 竞争优势, jìngzhēng yōushì : avantage concurrentiel
  7. 技术进步, jìshù jìnbù : avancées technologiques
  8. 强大, qiángdà (HSK 3) : puissant
  9. 充电, chōngdiàn (HSK 4) : chargement
  10. 引擎, yǐnqíng (HSK 7) : moteur ( 引擎盖, yǐnqíng gài se traduit par « capot moteur »)

中国汽车制造商今年将推出 71 新纯电动车型,以期在全球市场上获得竞争优势。新车型将采用技术进步,例如更小、更强大充电速度更快的电池,以及更高的引擎盖,以实现更大胆的外观和更多的存储空间。

Zhōngguó qìchē zhìzào shāng jīnnián jiāng tuīchū 71 kuǎn xīn chún diàndòng chēxíng, yǐqī zài quánqiú shìchǎng shàng huòdé jìngzhēng yōushì. Xīn chēxíng jiāng cǎiyòng jìshù jìnbù, lìrú gèng xiǎo, gèng qiángdà, chōngdiàn sùdù gèng kuài de diànchí, yǐjí gèng gāo de yǐnqíng gài, yǐ shíxiàn gèng dàdǎn de wàiguān hé gèng duō de cúnchú kōngjiān.

Les constructeurs automobiles chinois lanceront cette année 71 nouveaux modèles entièrement électriques dans le but d’acquérir un avantage concurrentiel sur le marché mondial. Ces nouveaux modèles présenteront des avancées technologiques telles que des batteries plus petites et plus puissantes qui se chargent plus rapidement, ainsi qu’un capot plus haut pour un look plus audacieux et plus d’espace de stockage.


A lire, à voir, à écouter : Les confessions d’un explorateur de l’empire du Ciel
Les confessions d’un explorateur de l’empire du Ciel

 « Ce livre n’est influencé par aucune propagande […] sans nulle emprise autre que mon ressenti […], ni pamphlet politique, ni guide touristique ! ». Dès les premières lignes, Olivier Grandjean veut préserver le récit de son parcours chinois d’un reproche de subjectivité en faveur du régime. Il se veut libre de tout parti-pris et imperméable aux « considérations politiciennes ». Est-ce bien le cas ? Parfois oui et parfois non, a-t-on envie de dire.

« La télé, la Chine et moi » (éditions Pacifica, février 2024), livre-témoignage, se dévore comme un roman, d’une traite, coulant comme une rivière, gouleyant comme un bon vin. Les pages restent toujours aimables, instructives et enlevées. Mais l’envers du décor, l’autoritarisme et les règles sévères de ce système néo-stalinien, l’auteur, installé à Pékin, les ostracise, préférant laisser libre cours à « son ressenti, sans nulle autre emprise ».

En contrepartie de cet alignement tacite, le régime lui a ouvert des trésors : un accès privilégié au pays, un accueil chaleureux de ses cadres et une très large diffusion dans son paysage audiovisuel. Et ces privilèges, Olivier Grandjean a su les faire fructifier au mieux, au bénéfice des deux communautés dont il fait le lien : à l’Occident francophone, à travers ce livre et ses clips touristiques, il propose un regard intime sur la plus belle Chine, ses fêtes, ses villes, ses campagnes ; et au Chinois de la rue, il offre un moment de détente et de fraternité, en compagnie d’un Européen amusant, amoureux de la Chine, et qui évite diplomatiquement de la critiquer.

Après un début de carrière auprès des chaînes de TV de la Réunion, de la Suisse, de la Belgique et du Québec, Olivier Grandjean est tombé un peu par hasard en Chine, recruté en tant qu’animateur d’Intervilles International, ce jeu télévisé français exporté partout dans le monde, qui opposait des équipes à des vachettes et autres épreuves. Ensuite durant 20 ans, pour le compte de la chaîne publique CCTV, il a enchaîné divers programmes de présentation du Céleste Empire au public étranger.  

Sur le terrain, le présentateur TV s’est créé un style personnel, très porté sur la théâtralisation, l’improvisation et le désopilant. A chacune de ses apparitions, Olivier Grandjean se costume en tenues locales, et prétend à la fois raconter la vie, les mœurs du lieu, et même les jouer. A Qingdao (Shandong), tout en maniant balai de paille de riz en main, il décrit la ville, son héritage allemand, sa célèbre brasserie. A Yan’An (Shanxi), il est paysan, puis (improbable) militant de la Longue Marche de 1936. Dans ces tenues, il commente, danse, chante et travaille au service du peuple : « J’éprouve, dit-il, un plaisir particulier, enfantin sans doute, à faire des pitreries… C’est le propre des clowns […] mes frères de cœur ».

Son livre est écrit avec une plume au vocabulaire recherché, mêlant parfois l’argot et des termes baroquistes, toujours d’un goût très sûr. Sa langue fleurie rappelle celle de Michel Humbert, autre barde français de la Chine, auteur-amoureux de récits sur une Chine féérique.

C’est à un tour complet de Chine qu’Olivier Grandjean nous convie. La formule rappelle une autre référence des années 70 : « Bonjour Monsieur le Maire », l’émission quotidienne sur France Inter qui présentait chaque matin autrefois une petite ville de la France profonde.

Au Heilongjiang, il présente Beiji, la ville la plus froide et nordique du pays (-40° au cœur de l’hiver). A Feiding (Fujian), il raconte l’invention chinoise du thé par l’empereur Shennong et la conquête du breuvage par le pays. A Meizhou, il découvre la culture minoritaire des Hakka et leurs monumentaux Tulou, monuments circulaires de bois et d’argile crue pouvant abriter jusqu’à 20 000 personnes. Au Xishuangbanna (Yunnan), la fête du Songkran l’asperge de la tête aux pieds de giclées d’eau propitiatoire…

Parfois malgré tout, Olivier Grandjean semble s’aventurer un peu loin en parant de poncifs bucoliques un monde rural dont la réalité reste souvent encore trop proche de la misère. En outre, la reprise spontanée de certains slogans du Parti pourrait pousser le lecteur à questionner sa liberté d’auteur.

Le récit n’est donc pas toujours totalement neutre, mais c’est un choix qui est compensé par les scènes d’une variété inimaginable de ce pays et la créativité du théâtre qu’il en tire. En lisant ce livre à l’enthousiasme communicatif, une certitude : on y trouvera toujours des surprises et jamais l’ennui !

Par Eric Meyer

Pour commander « La télé, la Chine et moi », cliquez ici (Fnac). Quelques exemplaires également disponibles à l’Arbre du Voyageur (Pékin)

 


Petit Peuple : Pékin – Papi fait de la résistance (1ère partie)
Pékin – Papi fait de la résistance (1ère partie)

En 1987, Chen Mou, paysan à Mentougou (banlieue de Pékin) proche de la trentaine, pensa qu’il était temps de fonder une famille. Il jeta son dévolu sur Ma, fille cadette de militaire, taille de guêpe et yeux de braise. 

Avec le précieux concours de la belle (après l’avoir séduite par sa prestance et sa faconde), il avait arraché le « oui » des parents, malgré l’évident écart social. Pour rallier sa mère, Ma avait alterné pleurs et baisers. Quant à l’officier, Chen l’avait convaincu en lui faisant miroiter la fortune à amasser avec son métier d’apiculteur, « secteur d’avenir ». 

Une fois marié, Chen trima dur pour tenir sa parole. Chaque jour, il se levait à l’aube pour aller surveiller ses 120 ruches, les nourrir au glucose, les soigner en cas de maladie. Il fallait détecter à temps celles dont la reine mourait et la remplacer, quand elles n’y parvenaient point elles-mêmes. Dès mai, il fallait déplacer les ruches par dizaines, vers les vergers les plus fleuris. Sortir les cadres pour la récolte, extraire à la curette la gelée royale, alvéole par alvéole. Verser le miel en pot, tout comme la propolis, la cire, le pollen… 

Au fond de lit, Chen rêvait que Ma le seconde en créant des produits dérivés, savons ou bonbons, de bien meilleur rapport. Mais la belle s’avérait languide. Bientôt, elle ne s’occupa plus que de leur fils unique. 24 ans s’écoulèrent.

En août 2011 à 51 ans, de retour de livraison, Chen eut un accident qui le laissa avec un choc cérébral, une jambe contusionnée, 2 côtes enfoncées. Heureusement l’assurance lui permit d’être admis à Mentougou à l’hôpital Jingmei, énorme usine à santé de plutôt bon niveau, 408 médecins, 1730 lits. 

Bien soigné, il ne lui fallut qu’à peine un mois pour que le médecin-chef le libère. A vrai dire, Chen aurait dû sortir bien plus tôt. Il n’était resté que suite à ses incessantes prières pour qu’on le garde. 

Dès la première nuit, il avait jugé éminemment préférable sa chambrette lumineuse, cette vie nouvelle où l’on ne travaillait plus, mais où on le servait au lit. 

Le centre fournissait massages et kinésithérapie, belle découverte, qu’il adorait. Surtout, il ne l’aurait jamais avoué, mais à l’hôpital, Ma était loin, cette épouse qui avait commencé à lui faire payer pour cette vie trop fruste qu’elle devait partager désormais. Ma se plaignait et se mêlait de tout, du choix de ses habits, de ses manières, de son langage. D’une jalousie féroce quoique infondée, elle lui faisait des scènes pour les regards qu’il posait sur les mignonnes croisées dans la rue. De la sorte, sa vie au foyer était devenue un enfer

C’était d’ailleurs après tel orage qu’il avait perdu le contrôle de ses nerfs et de son véhicule, causant la collision. Or dans sa chambre d’hôpital, rien de tout cela : ayant trouvé la paix, il se battait pour la garder. 

De retour au bercail, en septembre, il acheva sa convalescence et recommença à se sentir brimé. À mesure que reprenaient les chamailleries, il sentit les douleurs revenir. Il dut se faire une raison : il n’était pas guéri. Ses jambes gonflées le faisaient souffrir, rendant ses nuits une vraie torture. 

Fin octobre, n’y tenant plus, il retourna aux urgences du Jingmei, tempêtant et exigeant sa réadmission. Là encore, les médecins donnèrent suite à son désir. Sur le diagnostic, à dire vrai, ils avaient bien leurs petites idées. D’aucuns penchaient pour la thrombose, due à une station allongée trop prolongée -elle disparaîtrait après des semaines de vie normale. 

D’autres soupçonnaient un simulateur, ou « wúbìng shēnyín  » (无病呻吟, qui « pleurniche et geint d’un mal imaginaire »). Mais après tout, si le patient avait de quoi payer, pourquoi ne pas lui faire ce plaisir ? Les hommes en blanc ne se doutaient pas qu’en réadmettant Chen, ils prenaient de gros risques.

Durant son mois à la maison, l’assureur avait poussé des cris d’orfraies en recevant la facture des soins, alourdie de tous ces extras si souvent commandés. Aussi la compagnie le prévint que son compte étant dans le rouge, tout soin futur serait à ses frais ! Pire, dès maintenant, pour rembourser la part non couverte, il faudrait vendre la fourgonnette et les ruches. Sans le sou, il perdrait en plus son outil de travail ! Mais peu importe, fin octobre, Chen stupéfia son entourage, en particulier Ma et sa belle-famille, en déclarant d’un sourire narquois, « je repars à l’hôpital » ! 

En effet, pour Chen, tout valait mieux que retrouver cette existence d’hier, qu’il haïssait. Au fond de sa nuit, sa liberté retrouvée brillait comme un phare, comme la perspective d’un autre avenir. Oh bien sûr, elle était floue et pâle. Mais c’était la seule qu’il aie, qui lui convienne désormais. Certes, il n’avait plus de couverture sociale – détail qu’ il avait omis de préciser à l’hôpital Jingmei. Mais demain était un autre jour…

Comment une affaire si mal embarquée se terminera-t-elle ? Vous le saurez au prochain numéro !

Par Eric Meyer

NDLR: Notre rubrique « Petit Peuple » dont fait partie cet article raconte l’histoire d’une ou d’un Chinois(e) au parcours de vie hors du commun, inspirée de faits rééls.

Ce « Petit Peuple » a été publié pour la première fois le 6 mars 2015 dans le Vent de la Chine – Numéro 9 (2015)


Rendez-vous : Semaines du 6 mai au 30 juin
Semaines du 6 mai au 30 juin

5-10 mai : Visite du President Xi Jinping en Europe (France, Serbie et Hongrie)

6-8 mai, Pékin : CIFE – China High-End Import Food Exhibition, Salon international de l’agroalimentaire

6-8 mai, Pékin : CHINA MED, Salon des équipements et des instruments médicaux

6-9 mai, Shanghai : TCT Asia, Salon international de l’impression et de la fabrication additive

7-10 mai, Zhengzhou : ZIF, Salon international des équipements industriels

8-10 mai, Shenzhen : LogiMAT, Salon international de la distribution, du matériel de manutention et des systèmes de gestion des flux

10-12 mai 2024, Canton : DDSE Asia – Digital Display & Showcase Expo, Salon asiatique de l’affichage numérique et de la vitrine

10-12 mai 2024, Canton : Steel Build, Salon international de la construction en acier et des matériaux de construction métalliques

10-12 mai 2024, Canton : Asia VR&AR Fair & Summit, Salon et sommet asiatiques de l’industrie chauffage, réfrigération, ventilation, climatisation

10-12 mai 2024, Canton : CIHIE – International Integrated Housing Industry Expo, Salon international de l’industrie du logement

10-12 mai 2024, Canton : Asian Flower Industry Expo, Salon asiatique des fleurs

10-12 mai 2024, Canton : Asia Parks And Attractions Expo, Salon des parcs d’attractions d’Asie

10-12 mai 2024, Canton : TFPS – Asian Tourist Attractions Equipment Exhibition, Salon asiatique des équipements pour attractions touristiques

11-13 mai 2024, Canton : Guangzhou International Metal & Metallurgy Exhibition, Salon international de la metallurgie, de la fonderie, des moules, de la coulée à haute pression et des fours industriels

14-17 mai, Shanghai : KBC – Kitchen & Bath China, Salon de la cuisine et de la salle de bains

15-17 mai, Shanghai : API China, Salon international de l’industrie pharmaceutique

15-17 mai, Shanghai : NFBE – International Food And Beverage Expo, Salon international des aliments naturels et des boissons santé

16-18 mai, Chengdu : CAPAS, Salon international pour les pièces automobiles et les services après-vente

16-18 mai, Canton : GITF – Guangzhou International Travel Fair, Salon international du voyage

18-20 mai, Chengdu : CAHE – China Animal Husbandry Exhibition, Salon des professionnels de l’élevage

20-22 mai, Pékin : CIHIE – China International Healthcare Industry Exhibition, Salon international de l’industrie de la santé (naturopathie, nutrition, cosmétiques naturels …)

20-22 mai, Pékin : SBW Expo, Salon professionnel dédié à l’eau potable et à l’eau de source en bouteille

21-24 mai, Shanghai : Bakery China, Salon international de la boulangerie et de la pâtisserie

22-24 mai, Shanghai : CBE – China Beauty Expo, Salon international de la beauté

22-24 mai, Shanghai : Intermodal Asia, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire

22-24 mai, Canton : ASE – Adhesives and Sealants Expo, Salon international des colles et adhésifs

23-25 mai, Pékin : CEPE, Salon international de la protection de l’environnement, des installations sanitaires et des équipements de nettoyage

23-25 mai, Pékin : HEFC, Salon international dédié à l’énergie hydrogène et aux véhicules à pile à combustible

23-25 mai, Pékin : Hortiflorexpo IPM, Salon international des plantes et des fleurs

23-25 mai, Xi’an : Hosfair, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie, de l’alimentation et des boissons

23-25 mai, Canton : Interwine, Salon international du vin, de la bière, et des procédés, technologies et équipements pour les boissons

23-26 mai, Ningbo : JM – Jinnuo Machine Tool Exhibition, Salon international de la machine outils et des moules

23-26 mai, Canton : Music Guangzhou, Salon international des instruments de musique

23-26 mai, Canton : Prolight + Sound, Salon chinois international des technologies du son et des éclairages

23-27 mai, Shenzhen : ICIF – International Cultural Industries Fair, Salon international des industries culturelles

28-30 mai, Shanghai : Domotex Asia / Chinafloor, Salon international du revêtement de sol

28-30 mai, Shanghai : SIAL, Salon international de l’alimentation, des boissons, vins et spiritueux

30 mai-1er juin, Pékin : AIAE-Asian International Industrial Automation Exhibition, Salon chinois international de l’automation industrielle

29-31 mai, Shanghai : AIE-Aircraft Interiors Exhibition, Salon international dédié aux intérieurs de cabines d’avions

29-31 mai, Pékin : CISILE, Salon international des instruments scientifiques et des équipements de laboratoire

29-31 mai, Shanghai : INTERTRAFFIC, Salon international consacré aux technologies du trafic et de la mobilité en Chine

30 mai-1er juin, Canton : ADE – Asian Dairy Expo, Salon international des produits laitiers

31 mai-1er juin, Canton : FCCE – Fresh and Cold Chain Exhibition, Salon de la distribution d’aliments frais et de la chaîne du froid

3-5 juin, Shanghai : WieTec/Buildex, Salon de l’industrie de l’approvisionnement en eau et du drainage

4-6 juin, Pékin : TopWine, Salon du vin et des spiritueux

5-7 juin, Pékin : CMPE- China Military Police Equipment, Salon international des équipements d’urgence antiterroristes de la police militaire

5-7 juin, Shanghai : Rail+Metro, Salon international et conférence sur les transports par rail

5-7 juin, Shenzhen : Intertextile Shenzhen Apparel Fabrics, Salon professionnel international des tissus pour la confection et des accessoires

5-8 juin, Shanghai : DMC – Die & Mould China, Salon international des technologies pour les moulistes et les plasturgistes

7-16 juin, Chongqing : Auto Chongqing, Salon international de l’industrie automobile

9-12 juin, Canton : LED China/ Guangzhou Electrical Building Technology, Salon des technologies électriques et d’éclairage pour le bâtiment

13-15 juin, Shanghai : BioFach, Salon mondial des produits bio

13-15 juin, Shanghai : China Aid, Salon professionnel des soins aux personnes âgées, de la rééducation et des soins de santé

13-15 juin, Shanghai : SNEC PV, Conférence et exposition internationales sur la production d’énergie photovoltaïque et l’énergie intelligente

14-16 juin, Canton :WAF – World Ecological Expo, Salon mondial des produits agricoles écologiques et de l’industrie alimentaire

14-16 juin, Canton : Kid’s Expo, Salon international de l’éducation des enfants

17-21 juin, Pékin : CIMES, Salon international de la machine-outil et des outils

18-20 juin, Pékin : CICV, Salon international des véhicules intelligents et connectés

19-21 juin, Shanghai : CPHI/PMEC, Salon de la pharmacologie, des biotechnologies et des ingrédients pharmaceutiques

19-21 juin, Shanghai : Healthplex Expo, Salon des produits naturels et nutraceutiques

19-21 juin, Shanghai : Hi&Fi Asia-China, Salon international des ingrédients alimentaires

19-21 juin, Shenzhen : IAMD – Integrated Automation, Motion & Drives, Salon international pour l’automatisation des procédés

19-21 juin, Shanghai : Propak China, Salon de la transformation alimentaire et l’emballage

19-22 juin, Shanghai : Design Shanghai, Salon international de la décoration et de l’architecture intérieures

18-21 juin, Canton :Ceramics China, Salon international des produits céramiques

25-27 juin, Shanghai : G-Power/E-Power,  Salon chinois de la production d’énergie

25-27 juin, Shanghai : Air Cargo China, Salon et conférence sur le fret aérien et la logistique

26-28 juin, Chengdu : IE Expo, Salon international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie

26-28 juin, Shanghai : MWC- Mobile World Congress, Salon international du GSM

26-28 juin, Zhengzhou : CIAAF – China International Auto Aftermarket Fair, Salon international des produits automobiles de seconde monte

27-29 juin, Chengdu : Hotelex Chengdu, Salon international des équipements et fournitures pour l’hôtellerie

28-30 juin, Shanghai : ISPO Shanghai, Salon professionnel international des sports