Aviation : « Tout allait bien… jusqu’au crash »

« Tout allait bien… jusqu’au crash »

Deux ans après le crash jusqu’à présent inexpliqué du vol MU5735, le régulateur de l’aviation civile chinois (CAAC) a fait le point le 20 mars sur l’avancée de l’enquête.

Un petit rappel des faits s’impose : le 21 mars 2022, un Boeing 737-800 opéré par la compagnie China Eastern, reliant Kunming à Canton, a soudainement perdu de l’altitude alors qu’il s’apprêtait à amorcer sa descente. Pendant plusieurs secondes, l’appareil remonte, avant de replonger vers le sol… Puis, des images de vidéosurveillance d’une société minière montrent l’avion plonger à vive allure, presque à la verticale, avant de s’écraser sur un flanc de montagne, tuant sur le coup les 123 passagers et les 9 membres d’équipage dont trois pilotes. Après plusieurs jours de recherche dans des conditions difficiles, les deux boîtes noires (l’une enregistrant les conversations et bruits à bord du cockpit, l’autre les paramètres de vol) sont retrouvées, sérieusement endommagées, et envoyées pour analyse au bureau d’enquête américain (NTSB). A noter que durant la chute de l’appareil, aucun signal de détresse n’a été émis.

Un mois après le drame, China Eastern fait à nouveau voler ses B737-800, ce qui semble exclure un problème technique. En parallèle, la thèse d’une action délibérée par une personne présente dans le cockpit prend de l’ampleur. Le fait que la CAAC ordonne début avril un renforcement des contrôles de santé et du bien-être psychologique de tous les pilotes de vols commerciaux, vient alimenter cette thèse tout comme un article publié mi-mai par le Wall Street Journal. Selon le journal américain, une source proche de l’enquête aurait affirmé que quelqu’un dans le cockpit aurait intentionnellement provoqué le crash, sur base de l’analyse des données de l’enregistreur des données de vol (FDR). En réaction, China Eastern Airlines a appelé à « résister à toute spéculation non officielle car elle pourrait interférer avec l’enquête et avoir un impact sur son déroulement ». 

Deux ans plus tard, que sait-on de plus ? Pas grand-chose… Le dernier rapport de la CAAC publié le 20 mars, semble être davantage une manière de se conformer aux exigences réglementaires nationales et internationales de communiquer sur l’enquête à chaque date anniversaire du crash, que de faire la lumière sur les causes éventuelles de l’accident. La CAAC se contente de déclarer que tout semblait en ordre ce jour-là : la météo était bonne, l’avion ne transportait pas de matières dangereuses, la maintenance de l’appareil était à jour et l’équipage était correctement formé et en bonne santé. Par contre, pas un mot sur le contenu des boîtes noires.

Sans surprise, ce rapport a suscité la colère et le scepticisme des internautes. Sur Weibo, le hashtag lié à la publication du rapport de la CAAC a été vu plus de 7,28 millions de fois, ce qui signale l’intérêt du public pour l’affaire. « Ce rapport exclut soigneusement tous les aspects techniques mais n’exclut pas le facteur humain, que doit-on en penser ? », commente l’un d’entre eux. « La cause du crash est déjà connue au sein des compagnies aériennes, tout le monde le sait, mais ils ne peuvent tout simplement pas le dire », commente un autre, faisant allusion au suicide de l’un des pilotes. « Pourquoi est-il si difficile de révéler la vérité ?  », questionne un bloggeur.

C’est peut-être la bonne question à poser. Si le scénario du suicide de l’un des pilotes se confirme, annoncer un tel dénouement au public chinois ne sera certainement pas une chose aisée pour les autorités. Ce serait la première fois dans l’histoire de l’aviation civile chinoisequi jouit d’une solide réputation de surêté – qu’un pilote se suicide.

Cela pourrait également jeter un regard défavorable sur les conditions de travail des pilotes qui se sont sensiblement dégradées durant la pandémie (le crash a eu lieu en plein « zéro Covid », période durant laquelle les quarantaines étaient le quotidien du personnel navigant).

Il n’en est pas moins essentiel d’en tirer les conclusions qui s’imposent et de réfléchir à d’éventuelles mesures permettant d’éviter que de tels drames se reproduisent. Le crash du vol de Germanwings en 2015 avait notamment soulevé un large débat sur le suivi psychologique des pilotes. En Chine, il est plus que probable qu’une telle discussion se déroule à huit clos.

En attendant, le manque de transparence de la CAAC pousse les familles des victimes à perdre peu à peu l’espoir de connaître la vérité un jour… 

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