Depuis trois semaines, une vague de chaleur a enveloppé une bonne partie de la Chine, avec des températures excédant les 40°C de la Mongolie Intérieure, au nord, jusqu’au Fujian, tout au sud. Pékin a déjà connu son mois de juin le plus chaud depuis 2000, le thermomètre dépassant les 35°C pendant 14 jours. Cette canicule, qui s’est installée mi-juin, pourrait bien être plus sévère que celle de l’an dernier, avertissent les experts.
Pendant que les climatiseurs tournent à plein régime dans les usines, les bureaux, les appartements et les centres commerciaux, les cadres locaux font tout pour éviter d’importantes coupures d’électricité, comme celles qui avaient frappé le sud-ouest de la Chine l’été dernier. Cette fois, les autorités se sont préparées en renforçant leurs stocks de charbon, et tant pis pour les objectifs de neutralité carbone… Pour rappel, la Chine est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre, représentant environ un quart des émissions mondiales.
L’autre fléau de « l’été chinois » sont les pluies diluviennes qui s’abattent quasi-systématiquement sur le centre du pays. Sont encore dans toutes les mémoires les images des passagers d’une rame de métro de Zhengzhou, piégés par les eaux en juillet 2021… Selon le bilan officiel, ces inondations avaient coûté la vie à plusieurs dizaines de personnes à travers la province du Henan. Cette année, c’est la région de Chongqing qui s’est retrouvée victime de pluies torrentielles début juillet, provoquant la mort de 15 personnes et l’évacuation de plusieurs dizaines de milliers d’autres… Et ce n’est qu’un début ! Les scientifiques ont averti qu’il faut s’attendre à de « multiples catastrophes naturelles, dont des inondations, des typhons et des fortes chaleurs » en ce mois de juillet.
Il y a également de fortes chances que dans le futur, tous les étés ressemblent plus ou moins à celui-ci, sous les effets du réchauffement climatique. Selon Yuan Jiashuang, vice-directeur du Centre national pour le climat, les températures ont augmenté plus rapidement en Chine que dans le reste du monde, d’en moyenne 0,16°C tous les dix ans, de 1901 à 2022.
Pour Xu Hongmei, expert du Bureau d’étude de l’impact du changement climatique, la Chine doit investir d’urgence dans sa capacité à s’adapter au réchauffement global, sans quoi elle s’expose à des catastrophes naturelles à répétition…
L’autre sujet de préoccupation des autorités cet été, c’est l’arrivée sur le marché du travail de 11,6 millions de jeunes diplômés (un record). De quoi faire bondir le taux de chômage des 16 – 24 ans, qui était officiellement de 20,8% au mois de mai (un autre record), soit le double d’avant la pandémie. Sont passés par là, les restrictions liées à la politique « zéro-Covid » qui ont provoqué la fermeture de plusieurs millions de PME, ainsi que la reprise en main ordonnée par Pékin des géants de la tech, du secteur immobilier et du soutien scolaire, hier gros pourvoyeurs d’emploi.
Cela n’empêche pas le gouvernement de se montrer rassurant et d’afficher un taux de chômage global (5,2%) à peine plus élevé qu’en 2019, avant le Covid-19, ajoutant que « la situation de l’emploi dans le pays est stable ». Officiellement, le gouvernement ne recenserait que 6 millions de chômeurs de 16 à 24 ans. Un chiffre qui serait bien en-deçà de la réalité. Selon Wang Minyuan, chercheur au centre de recherche sur la réforme et le développement, au moins 54 millions de jeunes Chinois seraient sans emploi.
Ce fossé entre le discours officiel et le ressenti réel de la population s’élargit de plus en plus. Sur internet, la perplexité du public à la vue des statistiques officielles, se fait clairement sentir. « S’il était scientifiquement acceptable d’afficher un taux d’emploi de 100%, aucun doute que le nôtre serait de 100% », raillait un utilisateur de Weibo. Le fait que tous ceux qui travaillent au moins une heure entrent dans la catégorie « employés », en a fait bondir plus d’un. « Comment quelqu’un qui ne gagne même pas le salaire minimum peut être considéré comme « employé » ? », s’indigne un internaute sur Zhihu.
De plus, la manie de la presse officielle de tout présenter – même une grave crise de l’emploi comme celle-là – sous un jour positif et d’abreuver la toile de « success stories » de jeunes entrepreneurs, commence à agacer. « Pourquoi est-il si difficile de reconnaître que l’emploi traverse une phase de récession ? », questionne un internaute. Car cela reviendrait à dire que le leadership a sa part de responsabilité dans cette situation, aveu impensable.
Sommaire N° 25 (2023)