Alors que la reprise économique chinoise s’essouffle, les ventes de luxe elles, reprennent des couleurs, après une année 2022 plombée par la politique « zéro Covid ». D’après la banque britannique Barclays, le marché chinois devrait croître de 15% en 2023. Un chiffre à faire pâlir d’envie bon nombre de secteurs.
En effet, sans attendre un séjour à l’étranger, les Chinois fortunés se pressent à nouveau dans les boutiques de luxe où ils devraient dépenser 445 milliards de $ cette année, selon les calculs d’Euromonitor, bien devant les Européens et les Américains. Mais seulement 25% à 30% de leurs achats seront réalisés à l’étranger, d’après le cabinet de conseil en stratégie Bain & Co, les Chinois n’ayant pas encore repris leurs habitudes de voyage pré-pandémiques. Les analystes sont unanimes : pour les marques de luxe, la Chine est devenue plus importante qu’elle ne l’était en 2019.
Il n’est donc pas surprenant de voir « défiler » ces derniers mois les barons du luxe en Chine. Fin janvier, les festivités du Nouvel An chinois à peine terminées, François-Henri Pinault, PDG du groupe Kering, était l’un des premiers grands patrons étrangers à s’envoler pour la Chine, seulement deux mois après l’abandon des restrictions sanitaires.
Cinq mois plus tard, fin juin, c’était au tour de Bernard Arnault, PDG du conglomérat LVMH, surnommé « le dieu de la fortune » par les internautes chinois en référence à son titre d’homme le plus riche du monde, de poser le pied en Chine, accompagné de sa fille Delphine, directrice de la maison Dior.
Ces deux visites ont été interprétées par certains comme un témoignage de confiance adressé aux clients et aux partenaires locaux quant aux perspectives de développement du marché chinois, particulièrement au moment où la reprise économique est loin d’être homogène au niveau mondial. A tout le moins, cela reflète les grands espoirs que ces groupes nourrissent pour le marché chinois.
Au programme, visites de leurs boutiques (Louis Vuitton, Dior, Celine, Givenchy, Tiffany… pour M. Arnauld ; Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, Cartier… pour M. Pinault) et rencontres avec les propriétaires des centres commerciaux qui les hébergent (Taikoo Li, WF Central, SKP, IFS, Plaza 66…), indispensables pour sécuriser les meilleurs emplacements.
Outre les étapes incontournables que sont Pékin, Shanghai et Hong Kong, les deux hommes ont fait un saut à Chengdu, et même à Nankin pour F.H. Pinault, ce qui confirme l’importance des « nouvelles » villes de premier tiers pour ces maisons de luxe.
Il s’agissait également pour ces PDG de se rendre sur le terrain après un hiatus de trois ans, pour recueillir des informations de première main auprès de leurs équipes locales. Ces éléments seront par la suite déterminants pour leur permettre de prendre des décisions d’ordre stratégique en meilleure connaissance de cause depuis leur siège.
Et force est de constater que durant cette période, les attentes des consommateurs chinois n’ont cessé d’évoluer. Aujourd’hui, un logo connu ne suffit plus pour vendre. Désormais, le client chinois est davantage en recherche d’originalité, d’expression de soi. Il est également plus attentif à l’histoire de la marque, aux valeurs qu’elle véhicule (comme l’inclusivité ou le développement durable), à sa communication, à l’intégration d’éléments culturels chinois dans sa publicité, aux ambassadeurs qu’elle choisit, aux collaborations avec d’autres marques…
Passée experte en la matière, la griffe Louis Vuitton a détourné trois cafés shanghaiens (Plusone, Metals Hands et Manner, cf photo) début juillet pour y installer des libraires éphémères, dédiées aux beaux livres et guides touristiques publiés par la marque (Pékin, Shanghai, Hong Kong et Chengdu, qui vient de sortir cette année). Une initiative qui a eu un franc succès auprès des « millenials », la catégorie de clients dont le pouvoir d’achat est amené à augmenter d’ici les dix prochaines années et dont l’évolution des goûts est suivie de près par les marques.
Ici, plane l’ombre de la tendance « guochao », qui favorise l’achat de produits de marques chinoises au détriment de ceux des multinationales étrangères. Pour l’instant, le luxe y résiste bien, toutefois, il serait risqué de prendre cela pour acquis.
Sommaire N° 25 (2023)