Editorial : Trois plaidoyers pour l’ouverture

Trois plaidoyers pour l’ouverture

Li Daokui, Wang Wen et Xiao Qianhui. Ces trois hommes n’ont a priori rien en commun et pourtant, ils se sont tous les trois distingués ces dernières semaines par leurs prises de position en faveur du secteur privé, des investissements étrangers et de l’ouverture de la Chine, de manière globale.

Li Daokui, éminent économiste à l’université Tsinghua (Pékin) et diplômé de Harvard, est sans doute le plus connu d’entre eux. L’ancien conseiller auprès de la Banque Centrale (cf photo) vient de copublier mi-juin un rapport qui décortique les raisons du ralentissement économique que connaît la Chine actuellement. Les auteurs identifient cinq obstacles majeurs à la relance économique : la baisse de la consommation, la dette croissante des gouvernements locaux, les difficultés de financement des promoteurs immobiliers, les attaques publiques à l’encontre des entreprises privées, et la baisse de la demande mondiale et des exportations.

Pour y remédier, Li Daokui et ses collègues préconisent de relancer la consommation en accordant des subventions sous la forme d’une réduction lors des paiements mobiles sur Alipay ou WeChat Pay, quel que soit le produit acheté ; d’assouplir les restrictions aux plaques d’immatriculations dans les grandes villes de manière à stimuler les ventes de véhicules électriques ; que le gouvernement central renfloue certaines dettes des collectivités locales ; de rassurer les potentiels acheteurs d’appartements en leur promettant qu’ils n’auront pas à payer une taxe foncière ; d’accorder explicitement un soutien au secteur privé (pourquoi pas en autorisant une ou deux entreprises à pénétrer un marché auparavant chasse-gardée de l’Etat ?) ; d’encourager les investisseurs étrangers à venir en Chine et de raccourcir la liste des secteurs qui leur sont interdits.

Vient le tour de Wang Wen, doyen de l’institut Chongyang pour les Études financières (RDCY), think-tank affilié à la prestigieuse université Renmin (Pékin). Dans un discours prononcé le 9 mai à l’occasion d’un séminaire portant sur « la pensée de Xi Jinping sur la diplomatie et sa pertinence pour la communauté internationale qui nous entoure », le chercheur-leader d’opinion s’est inquiété de la baisse du nombre d’étrangers résidant en Chine, notamment des « talents » issus de pays développés, arguant que leur présence est vitale pour devenir « un pays socialiste moderne et puissant ». Une prise de position plutôt inattendue pour un ex-éditeur au quotidien nationaliste Global Times.

Wang Wen souligne qu’il existe une disparité importante entre le statut de puissance internationale de la Chine et « la quantité et la qualité » des étrangers installés dans le pays. Il prend pour preuve la proportion de ressortissants étrangers qui vivent en Chine : 0,05% de la population, bien en dessous de celle Japon (2%), société qui intègre pourtant très peu d’étrangers.

Wang Wen attribue ce déclin à un bon nombre de facteurs, comme la pandémie ou encore la rivalité sino-américaine, mais affirme également que « l’environnement socio-culturel » en Chine pourrait être amélioré pour accueillir des étrangers. Il suggère ainsi de continuer à attirer les investissements étrangers et de mettre un terme au processus d’autorisation qui conditionne les échanges avec des entités étrangères (universités, médias, ambassades…). Il conclut en déclarant que donner la priorité à la « sécurité nationale » ne doit pas se faire au détriment des échanges internationaux.

Enfin, Xiao Qianhui, président de la branche « tourisme intelligent » au sein de l’Association chinoise pour le tourisme (CTA), a pris la parole début mai à l’occasion d’un séminaire de la CTA à Wuxi (Jiangsu). Lors de son intervention, il s’est inquiété de l’absence des touristes étrangers venus découvrir l’Empire du Milieu, en particulier ceux venus d’Europe, d’Amérique du Nord, du Japon et de la Corée du Sud, qui disposent d’un plus fort pouvoir d’achat. Xiao a également déploré l’exode de nombreux expatriés dans les villes de premiers tiers comme Shanghai, qui faisaient auparavant le lien entre la Chine et l’étranger et incitaient leurs compatriotes à leur rendre visite.

Xiao Qianhui identifie plusieurs causes à ce marasme touristique : la fermeture des frontières durant trois longues années, les tensions persistantes entre Pékin et Washington, le discours antichinois dans les pays occidentaux, mais aussi l’absence de stratégie nationale de promotion de la destination « Chine » et la priorité donnée au tourisme domestique.

Selon Xiao, il est pourtant crucial de ressusciter le tourisme entrant, qui serait une manière de redorer l’image de la Chine à l’étranger, en chute quasi-constante depuis plusieurs années. Un touriste étranger est plus efficace qu’un reportage de la chaîne publique CGTN, argumente-t-il en substance.

Pour inciter les touristes étrangers à venir en Chine, Xiao Qianhui recommande d’avoir recours à des « influenceurs » sur TikTok, de faciliter la procédure d’obtention de visa, de permettre aux visiteurs étrangers d’acheter directement de billets de train sur la plateforme officielle, ou encore de débloquer l’accès aux réseaux sociaux censurés comme Facebook, Instagram et Twitter.

Ces plaidoyers pour davantage « d’ouverture » de la Chine au sens large, sont intéressants sous plusieurs aspects. D’abord, ce sont des vues qu’on avait plus entendues depuis bien longtemps, ces dernières années ayant été marquées par une montée du nationalisme et un certain repli sur soi. Ensuite, ils reflètent une certaine inquiétude face « au virage à gauche » entamé par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir. Enfin, même si leurs motivations diffèrent, ils expriment tous les trois le même désir de reconnecter avec l’étranger. Reste maintenant à savoir si leurs plaidoyers seront entendus. 

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