Le rebond économique post-« zéro Covid » n’aura pas fait long feu. Après avoir affiché une croissance robuste du PIB au premier trimestre (+4,5%), les derniers indicateurs économiques publiés se sont révélés décevants.
Les exportations, qui avaient pourtant fait tourner l’économie chinoise pendant la pandémie, se sont contractées (– 7,5% en mai, + 8,5 % en avril), conséquence d’une demande mondiale en berne. La production industrielle elle aussi, est en perte de vitesse (+3,5 % sur un an contre +5,6 % un mois plus tôt). Même chose dans l’immobilier, autre pilier traditionnel de la croissance économique chinoise, où les investissements ont chuté de 7,2% et les nouveaux chantiers ont plongé de 22,6 % sur un an. Les ventes de détail, principal indicateur de la consommation des ménages, patinent (+ 0,42 % comparé au mois d’avril), ce qui indique que la consommation est loin d’être capable de soutenir la reprise économique si l’immobilier et les exportations continuent de se contracter. Cerise sur le gâteau, le taux de chômage des 16 – 24 ans a atteint un niveau record (20,8%) et devrait encore augmenter d’ici juillet. Il n’en fallait pas plus pour que les économistes parlent de « stagflation » et comparent la situation actuelle avec la récession du Japon dans les années 1990.
Suite à la publication de ces données, plusieurs grandes banques d’investissements ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance du PIB chinois pour 2023 : de 5,9% à 5,5% pour JP Morgan, 5.8% à 5.4% pour Standard Chartered, 5.7% à 5.2% pour UBS, et de 5,5% à 5,1% pour Nomura. Ces estimations se rapprochent de l’objectif d’« environ 5% » fixé par le gouvernement chinois, qualifié de « modeste » par les analystes.
Ces mauvaises nouvelles semblent avoir forcé la main à la Banque Centrale, qui a abaissé le taux de référence de prêts à moyen terme de 2,75 % à 2,65 % – une première depuis août 2022 – injectant ainsi dans l’économie 237 milliards de yuans (30,6 milliards d’euros). Cette mesure est censée réduire les coûts de financement des banques commerciales pour les encourager à accorder davantage de crédits à des conditions plus favorables. En parallèle, l’organe de planification de l’économie (NDRC) a dévoilé 22 mesures pour réduire les charges des entreprises, dont des exemptions et des baisses de TVA.
Les investisseurs ont accueilli ces nouvelles avec enthousiasme et voient en ces mesures une première étape vers davantage de soutien à l’économie. Mais ils ne se font pas d’illusions : ces mesures ne devraient pas changer fondamentalement la donne et traduisent surtout la préoccupation grandissante des dirigeants chinois quant à la vigueur de la reprise économique. L’inquiétude serait telle qu’ils auraient sollicité les avis de divers patrons d’entreprises et économistes « en quête d’idées qui sortent de l’ordinaire » pour « redynamiser l’économie, rétablir la confiance du secteur privé, relancer le secteur immobilier et attirer les investissements étrangers », relate Bloomberg.
A l’issue d’une réunion du Conseil d’Etat, présidée le 16 juin par le Premier ministre Li Qiang, un communiqué a annoncé une série de mesures de relance économique sans en dire plus. Selon le Wall Street Journal, il serait question d’émettre des bons du Trésor à hauteur de 1 000 milliards de yuans pour aider les gouvernements locaux à financer de nouveaux projets d’infrastructures ou encore de lever l’interdiction d’acheter un second appartement dans les villes de second ou troisième tiers, de manière à stimuler le marché immobilier.
Face à ces mesures, les économistes restent sceptiques : dépenser massivement dans la construction d’infrastructures n’a pas eu de retombées significatives sur le reste de l’économie jusqu’à présent. De plus, les gouvernements locaux, déjà surendettés (66 000 milliards de yuans selon le FMI), peinent à trouver des projets viables étant donné que la plupart des besoins ont déjà été couverts.
Même chose pour l’assouplissement des conditions d’achat d’appartements : les acquéreurs potentiels ne sont plus persuadés que les prix continueront d’augmenter comme avant, ce qui faisait de l’immobilier un placement particulièrement attractif. Ils préfèrent donc investir ailleurs…
Dans ces conditions, difficile de stimuler la consommation, seule capable d’extirper l’économie chinoise de sa spirale infernale. Pour l’instant, les efforts se sont résumés à quelques bons d’achat distribués par les municipalités et une série de mesures visant à soutenir les ventes de véhicules électriques. Le gouvernement s’est toujours refusé à distribuer de l’argent directement aux ménages ou à abaisser les impôts sur le revenu, craignant peut-être que ces fonds contribuent à l’inflation ou finissent par être épargnés !
Une chose est sûre : Pékin semble à court d’options pour relancer l’économie. Les bonnes vieilles méthodes (dépenses en infrastructures…) ne fonctionnent plus aussi bien qu’auparavant et surtout ne font rien pour remédier à la crise de confiance qui touche les entrepreneurs et les consommateurs chinois, ébranlés par trois ans de « zéro Covid » et par plusieurs campagnes de reprise en main du secteur privé. Au-delà des outils monétaires ou financiers classiques, il va falloir que le Parti prouve à nouveau son engagement à adopter des politiques favorables à la croissance et sa capacité à réformer, sans quoi le contrat informel qu’il a passé avec sa population pourrait vaciller.
Sommaire N° 22 (2023)