Société : La ruée vers les temples des jeunes Chinois

La ruée vers les temples des jeunes Chinois

« Si vous voulez savoir à quoi aspirent les jeunes Chinois, il suffit de se rendre dans un temple ». Ce dicton, populaire sur Internet, reflète la dernière tendance parmi la « génération Z » et les milléniaux chinois : visiter un temple bouddhiste.

Hier encore havres de paix essentiellement fréquentés par des retraités, ces lieux de culte sont désormais pris d’assaut par des jeunes Chinois qui y viennent se prendre en photo en costume traditionnel ou trouver un certain réconfort spirituel. Difficile d’imaginer un tel afflux dans nos églises en Europe !

Les chiffres sont parlants : selon le voyagiste Trip.com, les réservations pour visiter l’un des 28 000 temples bouddhistes du pays ont explosé de 310% depuis l’automne dernier, et plus de la moitié d’entre elles ont été effectuées par des moins de 30 ans (nés après 1990).

Face à un tel afflux, les temples se sont adaptés : ils se sont créés des comptes sur les réseaux sociaux, ont collé des codes QR sur leurs murs pour recevoir des offrandes virtuelles et se sont mis à vendre des souvenirs en édition limitée. Et qu’importe si cette stratégie mercantile semble contraire aux préceptes bouddhistes !

Cela n’a pas non plus l’air de déranger les 40 000 visiteurs qui se pressent chaque jour de la semaine au Temple des Lamas à Pékin, notamment dans l’espoir de faire l’acquisition de bracelets porte-bonheur (cf photo) qui s’arrachent à prix d’or.

Devant l’ampleur du phénomène, le Beijing News a publié le 21 mars une tribune critiquant ces jeunes « sans motivation » qui « sèchent les cours » en semaine pour aller « brûler de l’encens dans les temples en espérant que leur vie s’améliore au lieu de travailler dur ».

Ce n’est pas la première fois que les temples se retrouvent au cœur de la controverse : fin 2021, la presse officielle dénonçait les « influenceuses bouddhistes » qui exhibent leurs vêtements et sacs de luxe en se prenant en photo dans des temples.

Sans surprise, ce commentaire a suscité l’ire des internautes, arguant que si les jeunes se pressent pour aller prier au temple, c’est justement car ils sont anxieux de réussir leurs études, de trouver un travail, d’obtenir une promotion ou de trouver un(e) petit(e) copain(e). Rien à voir donc avec le fait de « s’allonger », c’est-à-dire de se contenter de faire le strict minimum par refus des pressions que la société chinoise exerce sur eux, comme l’édito du Beijing News le laissait entendre.

Face à la polémique, un autre média officiel, le Beijing Daily, s’est empressé de calmer le jeu, appelant à mieux comprendre les préoccupations des jeunes, notamment lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail.

Le quotidien touche là un point sensible. Le taux de chômage des moins de 25 ans est historiquement élevé : presque un jeune sur cinq serait sans emploi. Une statistique qui ne va pas s’améliorer dans les prochains mois qui verront 12 millions de jeunes diplômés arriver sur un marché du travail déjà saturé. Cette situation pousse les étudiants à se comparer à Kong Yiji, célèbre personnage d’une nouvelle de Lu Xun, devenu le symbole des faibles perspectives d’emploi après l’université.

D’autres au contraire se retrouvent en « burn-out » après des centaines, voire des milliers d’heures supplémentaires effectuées sans la moindre reconnaissance, dans le seul espoir d’obtenir une promotion ou une augmentation. Désillusionnés, ils trouvent refuge dans l’un de ces monastères, loin du tumulte des grandes villes. Certains y partent en retraite le temps d’un week-end, d’autres y restent plusieurs mois ou un an, prenant goût à cette vie d’ermite. Ils profitent de ce séjour pour méditer et se recentrer sur eux-mêmes et leurs désirs. 

Une chose est sûre : cet éveil spirituel de la « génération Z » ne devrait pas être vu d’un bon oeil par le régime, qui aspire à contrôler tous les aspects de la vie de sa population. 

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