A la loupe : La qualité alimentaire, dans l’oeil du typhon

Ces derniers mois voient s’amplifier dans la presse l’angoisse sur la sécurité alimentaire. S’alternent les scandales et les actions de l’État pour reprendre le contrôle. Parmi les causes:

[1] la pénurie mondiale climatique, aggravée en Chine par la propriété foncière «publique» (l’avalanche d’expropriations abusives), empêchant le paysan d’investir;

[2] les carences de la supervision et le débordement de la corruption. La méfiance ouverte de la rue envers sa nourriture, exprime aussi une impatience croissante, face aux ratages du cadre régulateur.

Riz au cadmium, «mantou» (pain) trafiqué, jambon rance (ce dernier cas, du 26/05, du groupe Yurun, coté à Hong Kong)… Les cas de «malbouffe» déferlent en 2011, plus fort qu’en 2008, année du scandale de la mélamine. Entre-temps, leur nocivité est davantage documentée : 2314 additifs sont accusés de 25000 lymphomes cancéreux/an, 12ème cause de mortalité nationale. Toujours plus ferme, l’état a embastillé 220 fraudeurs de septembre à avril 2011, selon Qiu Xueqiang, vice-procureur suprême.

La carence du système est attribuée à deux causes : [1] l’émiettement de la responsabilité entre huit agences, tels les ministères de l’agriculture ou de la santé, l’AQSIQ (agence de la quarantaine) ou l’agence des médicaments: comme en tous domaines, chacune se comporte en bastion jaloux de ses prérogatives, ne communiquant et ne coopérant pas.

[2] des sanctions plutôt faibles, 3 à 7 ans, rendant le délit attractif. Mais de récents progrès apparaissent, traduisant l’anxiété du pouvoir. Sur le pénal, la Cour Suprême vient d’ordonner d’imposer la peine de mort dans les cas les plus graves.

Les hauts cadres reçoivent désormais des objectifs de sécurité alimentaire, sur lesquels ils sont notés. 92 d’entre eux, dont des vice gouverneurs suivent (10/05) un séminaire de formation. Depuis mai, 151 additifs ne s’achètent plus qu’à titre nominatif, et doivent être cités sur l’emballage. 47 sont bannis, 22 autres limités. De nouvelles règles apparaissent simplifiant les formalités de retrait de produits douteux: réalisable désormais sous trois jours. A Pékin, une campagne de recensement des additifs en restaurants aura lieu de juin à décembre: gare aux négligences, qui coûteront jusqu’à 5 ans de retrait de licence.

Le plus sinistré dans la confiance et dans les ventes, le secteur du lait a été nettoyé. 6890 centres de collecte (un tiers) ont été fermés, les autres et 7980 camions citernes restent sous surveillance. 5000 éleveurs/industriels ont reçu une formation. En 17 mois, 20.000 lots ont été analysés, permettant au ministère de l’Agriculture d’affirmer que la mélamine est éradiquée. Seul souci encore: l’insécurité de la chaîne du froid : le travail ne fait que commencer.

Il n’est d’ailleurs pas toujours engagé sous les bons auspices. A Shanghai, le maire Han Zheng invoque la sévérité et une «liste noire», pariant ainsi sur un outil répressif qui arrive pourtant au bout de ses moyens. Manque encore une agence unique ayant tous pouvoirs, un nombre suffisant de policiers, chimistes et juristes pour discipliner la jungle inextricable des PME de l’agroalimentaire, une politique cohérente de restructuration, une justice compétente, un droit clair, une presse libre…

Il faudra un temps incompressible, des décennies pour créer plus qu’une infrastructure : un état d’esprit associatif, un débat et parta-ge des responsabilités entre les corps sociaux !

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire