Au 1/01/2012, les compagnies aériennes opérant dans l’Union Européenne devront régler des droits de polluer : dans le cadre du système ETS (Emissions Trading System) adopté dès 2005 par Bruxelles contre les émissions de CO².
L’ETS offre aux transporteurs la gratuité sur 82% des émissions. 15% sont soumis à crédits (les 3% restants sont mis en réserve), ceux non utilisés pourront être échangés en bourse des crédits… Dans le système ETS qui couvre déjà 11.000 types d’activités à travers l’Europe, l’aviation civile sera le second contributeur, derrière les centrales thermiques. Or, par la voix de la CATA (China Air Transport Association), la Chine dénonce le système et les 87M²/an dont l’Union Européenne veut la taxer.
En fait, cet ETS « aérien » semble une conséquence inéluctable de l’échec du sommet de Copenhague. En 2009, en alliance tacite avec les USA, Pékin avait sauvegardé le statu quo qui le privilégiait immensément, par un droit de pollution illimitée : le principe de «responsabilités communes mais différentiées» entre pays riches et pauvres. Or à présent, pour briser le blocage, l’Europe cherche à imposer une discipline climatique au monde, sur son propre sol.
La CATA prépare une contre-attaque tous azimuts.
Au plan légal, elle observe à Luxembourg le procès intenté auprès de la Cour européenne par les transporteurs américains, criant à la violation de la Convention de Chicago. Et menace l’Union Européenne d’autres actions devant l’Organisation mondiale du commerce, OMC etc., alléguant le déni du principe de Kyoto déjà cité.
Au plan diplomatique, de même qu’à Copenhague, elle se réfugie derrière les pays pauvres, réclamant pour eux un statut spécial dans l’ETS.
Au plan commercial, dit Reuters, elle ferait pression sur Airbus. Peut-être car l’avion gros porteur C919 , projet de la COMAC, consommera 15% de plus par siège que le dernier né d’Airbus, l’A320 Neo, et sera donc plus taxé. Elle aurait aussi menacé, en cas d’imposition de l’ETS, de taxes de rétorsion sur les transporteurs européens.
En avril, ses négociateurs étaient à Bruxelles, pour optimiser cette intimidation et obtenir l’exemption prévue par l’ETS, en faveur des compagnies réduisant leurs émissions. Mais à l’Union Européenne, une marche arrière semble impensable, vu l’obligatoire égalité de concurrence. D’ailleurs, des contre-mesures sur Air France ou Lufthansa plongeraient les deux blocs dans la spirale de sanctions et sur Airbus, elles frapperaient les emplois chinois d’Airbus Tianjin.
Pour l’instant, Pékin, vigilant et prudent, garde le silence : c’est que d’autres enjeux se profilent : l’Union Européenne veut inclure la marine marchande dans l’ETS, et abandonner dès mai 2013 un système bancal de crédits carbone de l’ONU, dont profitent surtout Chine et Inde. La Chine se demande donc comment éviter ce 1er pas vers le système de discipline internationale, si contraire à son dogme opportuniste.
C’est alors qu’on voit, en Chine même, se lever un vent nouveau. Des voix réclament le passage aux responsabilités de puissance. CCTV elle-même communique que l’ETS se soldera, par billet A/R vers l’Europe, par un surcoût de 20 à 30² : pas de quoi pousser les « carriers » à la faillite.
Question ultime : que fera la Chine au sommet de Durban (Afrique/Sud), en nov-décembre prochain?
Deux signaux fort vont bientôt tomber: le verdict de Luxembourg (en juillet), et d’éventuelles concessions européennes. Mais pour sa malchance, ce dossier fait face à un calendrier défavorable, à 11 mois du XVIII Congrès. D’ici là, un Parti communiste chinois et un pouvoir en plein bal des promotions, sous le jeu des factions et des campagnes, ne peuvent pas se permettre de sembler faire des concessions, au prix de l’intérêt national.
Sommaire N° 20