Avec le printemps, voici venu le temps des « Deux Assemblées » (两会 ; liǎnghuì) du Parlement chinois. Cette session, qui s’est ouverte le 4 mars sous un ciel pollué, s’annonce quelque peu particulière puisque c’est la première fois que les édiles se réunissent depuis la fin de la politique « zéro Covid » en décembre dernier. C’est également la première session depuis que le XXème Congrès du Parti a reconduit à sa tête Xi Jinping en tant que Secrétaire général du PCC pour un 3ème mandat inédit et « élu » un tout nouveau Comité central, Politburo et Comité permanent fin octobre 2022.
Cette session parlementaire s’inscrit donc dans le prolongement de ces chaises musicales, puisqu’elle doit venir officialiser le nouveau gouvernement. Il va notamment s’agir d’avaliser la nomination du nouveau vice-président de la RPC (Han Zheng ou Liu He), du Premier ministre Li Qiang, du vice-premier exécutif, Ding Xuexiang, des trois vice-premiers (He Lifeng, Luo Guozhong, Zhang Guoqing), des cinq conseillers d’Etat (Wu Shenglong, Mme Shen Yiqin, Qin Gang, Général Li Shangfu, Wang Xiaohong), du gouverneur de la Banque Centrale (Zhu Hexin), du président de la tutelle bancaire (CBRIC – Yi Huimian), du régulateur boursier (CSRC – Wu Qing) de celui de la Cour Suprême (Zhang Jun ou Tong Jianming), de son procureur général (Ying Yong), ainsi que d’une cohorte de ministres… Presque tous les dirigeants qui devraient être promus sont des alliés de Xi Jinping ou des cadres-technocrates ayant juré fidélité au Président. Il n’y a donc pas de surprises à attendre de ce côté-là…
L’un des moments forts de la session a été la présentation, le jour de l’ouverture de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), du rapport gouvernemental du Premier ministre sortant, Li Keqiang, dont l’influence n’a cessé de décroître ces dix dernières années et dont la faction de la « Ligue de la jeunesse » a été décimée au plus haut niveau lors du dernier Congrès. S’il n’a pas profité de cette plateforme pour réaliser un coup d’éclat avant son départ, les vidéos de sa tournée d’adieux au sein de divers ministères ont été censurées car ce dernier appelait à poursuivre la réforme économique…
C’est donc sans surprise que Li Keqiang s’est cantonné devant l’Assemblée à détailler les priorités économiques pour l’année à venir – stimuler la consommation en premier lieu – et à annoncer un objectif de croissance « d’environ 5% » pour 2023. Un chiffre raisonnable étant donné le rebond économique actuel lié à l’abandon de la politique « zéro Covid ». D’après Bloomberg, citant des sources internes au Parti, le leadership aurait été surpris par la vitesse à laquelle l’économie a repris des couleurs après le raz-de-marée infectieux qui a balayé le pays courant décembre. Consigne aurait ainsi été donnée de ne pas survendre l’idée d’un stimulus économique…
Quid des investissements étrangers ? Le successeur de Li Keqiang, l’ex-secrétaire de Shanghai, Li Qiang, propulsé à ce poste par Xi Jinping quoiqu’il n’ait aucune expérience au sein du gouvernement, sera attendu sur cette question lors de sa première conférence de presse en clôture de session. Réputé pour son pragmatisme et pour avoir su mettre en œuvre un environnement favorable aux affaires dans ses différentes affectations, il pourrait être sensible aux doléances des entreprises étrangères. C’était également le cas de Li Keqiang, à une différence près : Li Qiang, lui, a l’oreille de Xi Jinping…
Alors que tous les yeux seront rivés sur les signaux économiques qui émaneront de cette session, l’aspect le plus important, politiquement parlant, sera la restructuration des organes d’Etat.
Cette réforme s’inscrit dans la continuité de celle réalisée en 2018, qui avait conféré davantage de pouvoirs au Comité Central du Parti au détriment du Conseil d’Etat. Cependant, l’ampleur du remaniement annoncé a surpris de nombreux analystes, qui s’attendaient à des changements mineurs. En effet, cette restructuration s’annonce loin d’être anecdotique puisque les régulateurs financiers et boursiers (Banque Centrale, CBRIC, CSRC) seraient placés sous l’autorité d’une « commission centrale sur le travail financier » d’après le Wall Street Journal. L’objectif serait d’améliorer la prise de décision sur des dossiers relevant de diverses administrations (administration du cyberespace, régulateur du marché…). L’entrée chaotique en bourse de New York de Didi Chuxing en est un bon exemple.
Le journal hongkongais Mingpao rapporte, lui, que les ministères de la Sécurité d’état et de la Sécurité publique seraient supervisés par une nouvelle « commission centrale pour les affaires internes » directement placée sous le contrôle de Xi. Cette réforme ne serait pas étrangère aux récents mouvements des « feuilles blanches » (contre la politique « zéro Covid ») et des « cheveux blancs » (contre la réforme de l’assurance-maladie) qui auraient suscité l’inquiétude en haut lieu.
Le ministère des Sciences et des Technologies pourrait être également concerné par ce remaniement, signe de l’importance que le leadership accorde à l’innovation et à l’auto-suffisance en certains domaines-clés, comme les semi-conducteurs.
Dernier point et non des moindres : le renforcement annoncé de la présence du Parti au sein des entreprises privées. Une tendance nette depuis plusieurs années…
Une chose est sûre : alors que la Chine a besoin de davantage de « gouvernement » et de « secteur privé » pour relancer durablement son économie, le leadership lui promet l’exact opposé, à savoir davantage de « Parti » et de « secteur public ». Les résultats pourraient bien ne pas être au rendez-vous.
1 Commentaire
severy
9 mars 2023 à 17:51Très bon article