Le 16/09 au soir, marqua un petit deuil pour la jeunesse chinoise. Super Girl, son émission fétiche donnait son grand final, avant de baisser le rideau pour toujours. Plus tôt, la Sarft, tutelle de l’audiovisuel (State Administration of Radio, Film and Television), avait notifié à la chaîne Hunan-TV, le retrait de la licence en 2012, pour cause de dépassement répété du temps d’antenne, de «vulgarité» de l’habillage (voire du déshabillage) et des commentaires sur scène.
Super Girl («Happy Girls» depuis 2007) était un remake d’«American Idol», concours de chant qui enflammait les foules de teenagers par les propos déjantés des candidates et des juges, et par ses éliminations avec pleurs —la Chine n’est pas coutumière de ce genre de spontanéité. En 2005, l’émission prenait le pays par surprise en retenant 400 millions de spectateurs qui pouvaient élire par téléphone portable leurs futures idoles comme Zhang Liangying.
Très vite, les censeurs ne purent plus supporter un tel engouement. Alors que le concept était copié par d’autres chaînes à travers le pays, Super Girl fut interdit de 2007 à 2008. De nouvelles règles tentèrent de limer les dents de ce type d’émissions: interdisant la tranche horaire 19:30-22:30, les limitant à 120 minutes et bannissant le vote par SMS.
Analysant la mise au ban de Super Girl, bien des observateurs ne croient pas un instant aux fautes alléguées et cherchent d’autres motifs. Tel J. Goldcorn qui relève les liens étroits entre CCTV et la Sarft et croit que l’interruption sine die de ce programme provincial à si grand succès, peut tirer d’embarras la chaîne centrale, dont les propres productions, un peu ternes, sont trop souvent boudées. Tandis que Song Shinan, du jury de Super Girl, lit dans ce sabrage un refus du ministère de la culture de perdre son propre droit de désigner les êtres, et les valeurs qu’il convient d’admirer: refus du remplacement des « ouvriers modèles » par ces idoles clinquantes à paillettes.
D’autres imaginent une raison politique de mettre fin au programme—le principe du vote, même réduit à l’enceinte d’un auditorium, donne un mauvais exemple. Enfin, l’exhibition de jeunes filles court vêtues va contre les efforts officiels contre la « marchandisation » du corps de la femme et donc, contre a libération.
Ce qui est certain et relevé par tous les experts, est qu’une nouvelle campagne de « relèvement moral » de la télévision est de nouveau en cours, du même type qu’en 2007.
A l’époque Liu Zhonde, ex-ministre de la culture tenait contre l’émission ces propos combattifs : « Super Girl est certes le choix du marché, mais nous ne pouvons pas laisser la classe ouvrière se complaire du matin au soir dans de la culture de bas niveau ».
Yin Hong, professeur de journalisme à l’université Tsinghua (Pékin) conclut sur un certain déchirement que vit la politique culturelle en ce moment: « la Chine avance, mais dans deux directions. Elle se veut internationale et moderne, mais aussi, elle a en tout temps besoin de renforcer les valeurs socialistes… En fin de compte, la campagne durera le temps que durera la patience du public ».
Sommaire N° 31