A la loupe : Mer de Chine : les vieux dragons pointent la tête

Après avoir couvé depuis des années, la tension remonte en Mer de Chine, entre la Chine et ses voisins.

Le 5/03, Manille accuse Pékin d’avoir gêné sa mission d’exploration à 250km de Palawan, puis d’avoir érigé des fortins sur pilotis sur des atolls. Le 29/05, 1000km à l’Est, Petro-Vietnam déplore que des garde-côtes aient sectionné les câbles de ses navires techniques à 200km au large de Phu Yen (Vietnam). Pékin réplique que ces pays avaient violé, ses droits (il revendique toute cette mer), et l’entente de 2002 de s’abstenir de toute provocation dans la zone contestée.

A l’analyse, ce tumulte résulte du très ostensible soutien démontré en oct.2010 par les USA aux petits riverains, au sommet de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) d’Hanoi. H. Clinton avait martelé l’«intérêt national américain à la liberté de navigation et de commerce légal»… dans la zone.

Pour le partage de cette mer, elle défendait le principe de palabres multilatérales, sur base du droit de la mer de l’ONU, sous son arbitrage : autant de camouflets à la Chine, qui prétendait négocier en bilatéral. Suite à quoi les pays voisins reprennent confiance, et leurs préparatifs d’exploitation pétrolière: ils mettent ainsi Pékin devant le fait accompli, la forçant à contre-attaquer !

La tension met aussi le doigt sur la paralysie de la diplomatie face aux besoins incompressibles de l’Asie en énergie. Depuis 2001, les réserves chinoises en pétrole auraient fondu de 40%. D’ici 2025, la demande vietnamienne en gaz triplera (selon la Banque Mondiale), et d’ici 2040, pour alléger ses imports, Manille veut gonfler ses réserves de 40%. Or, Pékin (selon l’AIE, l’ Agence Internationale de l’Energie) évalue les hydrocarbures au large du Vietnam, à 14 fois ses réserves de pétrole, x10 celles en gaz.

Le passé est tissé de rancoeur. Dès 1974, l’APL, l’armée chinoise, prenait au Vietnam l’archipel Paracelse; en 1988, elle lui coulait des garde-côtes (70 morts) puis en 1994 lui chassait une mission d’exploration. Depuis, elle arraisonne toujours plus de pêcheurs vietnamiens – 400 en 2010, qui se retrouvent dépouillés, humiliés et taxés, et reviennent dès que libérés, tant par fierté nationale que par nécessité halieutique.

L’avenir est glauque. De Hanoi et de Manille, 4 groupes pétroliers internationaux ont reçu des licences de forage en zones interdites par la Chine, qui a fait savoir qu’elle réagirait : côté vietnamien, Talisman (n°3 canadien) sur les blocs 133-134, Exxon (USA) sur le bloc 119 ; et côté philippin FEP (Royaume-Uni) et Philex (Philippines)…

Cela dit, au-delà des bravades matamores, on négocie dans les coulisses. Le 25/05, des officiers chinois étaient reçus (atterrissaient) à bord du porte-avions USS Vinson. Le chef d’état-major de l’APL Chen Bingde rend visite à son homologue aux USA, et le général min. de la défense Liang Ganglie à Singapour, Djakarta et Manille (mais pas à Hanoi!) offrant des bonnes paroles, une campagne conjointe contre la piraterie somalienne en haute mer, et deux bouées sophistiquées d’alerte anti-tsunami.

Barack Obama lui, danse sur des oeufs, réaffirmant l’intention d’«ancrer l’US Navy » dans la région mais réclamant le «soutien» de la Chine, pour une «relation stratégique renforcée».

Au sommet de Singapour (3-5/06) de sécurité de la zone Pacifique, il envoie Robert Gates, secrétaire à la défense, avec pour voeu ferme de «ne pas marginaliser» Pékin. Il veut négocier un droit de la mer acceptable pour tous. Sa position est confortable: en 18 mois, profitant de l’angoisse de l’ASEAN face à la poussée forte de la marine chinoise, il a regagné un rôle d’arbitre des mers d’Asie. A présent, il espère calmer le jeu, réconcilier, et aider au partage de cette mer stratégique et de ses richesses, condition sine qua non de la paix future…

 

 

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