Après la publication par l’administration civile de l’aviation chinoise (CAAC) d’un premier rapport factuel autour des circonstances du crash du vol MU5735 de China Eastern advenu le 21 mars, des informations divulguées par le WSJ viennent bousculer le cours de l’enquête.
D’après une personne familière avec l’évaluation préliminaire des experts américains chargés du décodage des deux boîtes noires retrouvées sur le lieu du crash, les données de vol indiqueraient qu’une personne présente dans le cockpit aurait volontairement fait plonger l’appareil.
En réaction à ces révélations, la CAAC a affirmé au quotidien nationaliste Global Times que le bureau d’enquête américain (NTSB) lui aurait donné l’assurance que personne n’a fuité la moindre information à la presse. « Toute spéculation non officielle porte atteinte à l’enquête et nuit aux progrès de l’industrie mondiale du transport aérien », a déclaré China Eastern.
Cependant, il n’y a pas de fumée sans feu… Si ces révélations sont confirmées, cela laisse entrevoir deux hypothèses. La première est celle d’une personne tierce qui se serait introduite dans le cockpit et aurait provoqué le crash de l’avion. Cependant, ce scénario est peu plausible étant donné qu’aucun des pilotes n’a émis de signal de détresse…
La seconde hypothèse, qui alimente toutes les rumeurs depuis le crash, est celle d’une action délibérée de l’un des deux pilotes. L’attention se focalise en particulier sur Zhang Zhengping, 59 ans, aviateur chevronné sur le point de prendre sa retraite. Si ce scénario se confirme, ce serait la première fois dans l’histoire de l’aviation civile chinoise qu’un pilote se suicide ainsi.
Depuis le début de la pandémie, les conditions de travail des pilotes se sont sensiblement dégradées : ils doivent se soumettre à de longues quarantaines loin de leur famille, ce qui réduit leur temps de vol et donc leur salaire (entre 10% et 40%). Pour des personnes lourdement endettées ou psychologiquement fragilisées, les conséquences peuvent être potentiellement désastreuses…
Annoncer un tel dénouement au public chinois ne sera certainement pas une chose aisée pour les autorités, tout comme avancer une autre théorie pour expliquer les causes de l’accident. Sous cette perspective, la « fuite » au WSJ aurait peut-être pour but de forcer la main à la CAAC et l’inciter à faire preuve de davantage de transparence.
Il faut rappeler que les accidents causés par le suicide d’un pilote sont toujours particulièrement sensibles. Dans certains cas (Egypt Air en 1999 et Silk Air en 1997), les autorités du pays concerné ont disputé les conclusions du bureau (américain) chargé de l’enquête. Un tel scénario n’est donc pas totalement à exclure dans le cas du MU5735.
Sommaire N° 20 (2022)