Le Vent de la Chine Numéro 40 (2021)

du 13 décembre 2021 au 2 janvier 2022

Editorial : Mot d’ordre pour 2022 : « stabilité »
Mot d’ordre pour 2022 : « stabilité »

L’année 2022 s’annonce cruciale pour le leadership chinois. Après les Jeux Olympiques d’hiver en février, les « Deux Assemblées » début mars marqueront officiellement le début des préparatifs de l’évènement le plus important de la vie politique chinoise des dernières décennies : le XXème Congrès du Parti en novembre, qui devrait, selon toute vraisemblance, maintenir le Président Xi Jinping au pouvoir.

Focalisé sur cette échéance, le Parti va employer toute son énergie pour s’assurer que rien ne vienne troubler la stabilité du pays avant ce grand rendez-vous.

La dernière réunion de l’année du Politburo et la conférence centrale sur le travail économique (CEWC- 中央经济工作会议) n’en font d’ailleurs pas mystère : « la stabilité (稳 ; wěn) est la priorité n°1 pour 2022 ». 

La preuve en chiffres : le terme revient 25 fois dans le compte-rendu de ce symposium dédié à l’économie. C’est deux fois plus que l’an passé… Ce qui mène à la question suivante : à quel point la situation est-elle « instable » ?

Selon l’ex-ministre des finances Lou Jiwei, réputé pour son franc-parler, les principaux indicateurs économiques ne dévoilent pas entièrement les difficultés auxquelles la Chine fait face et qui inquiètent les dirigeants chinois.

En effet, après avoir entrepris une série de réformes structurelles et combattu « l’expansion désordonnée des capitaux » dans différents secteurs (tech, tutorat, jeux vidéo, divertissement, immobilier, énergie), les dégâts économiques sont trop importants pour être ignorés en 2022, particulièrement sous la menace constante du Covid-19, qui aggrave un peu plus la situation…

La croissance économique s’essouffle (7,9% au 2ème trimestre, 4,9% au 3ème trimestre, moins de 4% attendus au 4ème trimestre). La hausse des prix de l’énergie a provoqué une envolée des coûts de production, les prix de l’immobilier sont à la baisse dans les grandes villes, tandis que le taux de chômage des jeunes augmente suite aux différentes vagues de licenciements… 

En un rare aveu, le leadership a reconnu que l’économie chinoise fait face à des pressions sur trois fronts : contraction de la demande, choc de l’offre et prévisions à la baisse.

C’est la raison pour laquelle Pékin devrait amorcer « un retour à la normale » en assouplissant graduellement sa politique monétaire et fiscale, et en augmentant ses dépenses en infrastructures en 2022. L’objectif est d’atteindre une croissance du PIB « d’au moins 5% » l’année prochaine, contre « 6% » en 2021.

Pour la seconde fois cette année, la Banque Centrale a annoncé réduire son taux de réserves obligatoires (RRR) de 0,5%, ce qui équivaut à l’injection de 1200 milliards de yuans de liquidités à long terme dans le système interbancaire.

Pas question néanmoins de procéder à un stimulus massif comme en 2009, ni de revenir sur ses nouvelles politiques. Il s’agit plutôt de les mettre « en sourdine » de manière à consolider la croissance en 2022.

D’après le compte-rendu de la CEWC, l’économie « réelle » devra être soutenue, tout comme les PME, qui pourront bénéficier d’exemptions fiscales et de réductions d’impôts.

La supervision des capitaux sera renforcée de manière à prévenir toute « croissance sauvage ». Un système de « feux de signalisation » pour les encourager, les restreindre, et les interdire dans certains domaines, sera mis en place.

Sans abandonner ses exigences en matière de données, de cybersécurité et de règles anticoncurrentielles, Pékin devrait accorder un peu de répit aux géants de la tech, tant qu’ils alignent leurs objectifs sur ceux de l’État, au nom de la « prospérité commune » notamment.

Dans un contexte de rivalité croissante avec les États-Unis, mais également de tensions généralisées avec l’Occident, le gouvernement réitère la nécessité de tendre vers l’autosuffisance, tant sur le plan alimentaire que technologique.

Après être allé un peu vite en besogne au sujet de la neutralité carbone, ce qui a provoqué une pénurie électrique historique, le leadership reconnaît que cet objectif ne pourra pas « être accompli en une seule bataille » et que le charbon est toujours la principale source d’énergie du pays.

Si le marché immobilier est pour l’instant suspendu au sort d’Evergrande, Pékin pourrait autoriser certaines villes à assouplir leurs restrictions. « Les logements sont faits pour y vivre, pas pour spéculer », répète néanmoins le communiqué. 

Sous l’angle de la gouvernance, Pékin met en garde les autorités locales contre toute « solution uniformisée », comme la mise en place de mesures sanitaires excessives pour éviter de se faire limoger en cas de résurgence du virus… Les décideurs gardent également un œil sur l’endettement des gouvernements locaux, qui a déjà atteint un niveau inquiétant.

Craignant d’assister à une chute de la population chinoise dès 2022, les dirigeants appellent à une mise en œuvre active de la nouvelle politique du planning familial, qui autorise désormais tous les couples mariés à avoir trois enfants. Et les cadres du Parti sont priés de montrer l’exemple

Sous cette perspective, il est évident que les affaires intérieures primeront sur les relations internationales en 2022. Le repli de la Chine sur elle-même devrait donc se poursuivre l’année prochaine, réduisant un peu plus les opportunités d’engagement avec la Chine… en attendant des jours meilleurs !


Politique : Pékin vante sa démocratie « aux caractéristiques chinoises »
Pékin vante sa démocratie « aux caractéristiques chinoises »

La Chine a longtemps attendu que les pays occidentaux paraissent aussi fragiles qu’aujourd’hui, pour clamer que son modèle est « supérieur » et plus « respectueux des désirs du peuple » que les leurs. Fort de son succès contre la Covid-19, Pékin a qualifié ce moment de « fenêtre d’opportunité stratégique ».  

Pourtant, Washington a coupé l’herbe sous le pied de Pékin en réunissant virtuellement une centaine de pays* lors d’un sommet des démocraties les 9 et 10 décembre, laissant la Chine sur le carreau…

Ajoutant de l’huile sur le feu, Washington a déroulé le tapis rouge à Taïwan, qui a été représenté par son ambassadeur de facto aux États-Unis et son ministre des Affaires digitales, Audrey Tang, mais aussi à l’ex-leader d’un mouvement démocrate hongkongais Nathan Law

Cet effort fédérateur inquiète Pékin. En effet, depuis l’arrivée de Joe Biden au pouvoir, le Président a mis un terme à l’isolationnisme de son prédécesseur et organise le retour des États-Unis sur la scène internationale. Après l’annonce du pacte Aukus et la relance du QUAD, cette « grand-messe de la démocratie » représente un nouvel effort des USA pour contrer la montée en puissance de la Chine. En invitant une palette de pays aussi large, les États-Unis tentent de regagner en influence auprès des pays en voie de développement, jusqu’à présent les meilleurs alliés chinois à l’ONU.

Sans surprise, Pékin a organisé la contre-attaque. Ce sommet ne serait qu’« une farce », « un produit évident d’une mentalité de guerre froide », « une démonstration d’hypocrisie pour promouvoir l’hégémonie américaine », d’après les dirigeants chinois.

La presse officielle s’est ensuite mise à tirer à boulets rouges sur la démocratie américaine, qui ne serait qu’un « jeu dysfonctionnel géré par une élite corrompue ».

Dans un rapport publié pour l’occasion par un think-tank pékinois, les auteurs décrivent une nation gouvernée par les « fake news », au système électoral défaillant, dont les pratiques chaotiques sont responsables des émeutes au Capitole en janvier dernier, un pays où 30 000 personnes sont tuées par arme à feu chaque année et où le racisme est profondément enraciné dans la société… Surtout, le rapport ne manque pas de souligner les 392 interventions militaires américaines à l’étranger depuis 150 ans, source d’instabilité et de chaos à travers le monde.

Malgré tous ces efforts, pointer les dysfonctionnements déjà bien connus – du système américain a peu de chances de rendre le modèle chinois plus attractif ou démocratique.

C’est pourtant ce que Pékin a voulu prouver en organisant son propre forum international sur la démocratie les 4 et 5 décembre, invitant politiciens et chercheurs « de plus de 120 pays » (le nombre a toute son importance).

Dans son discours d’inauguration, Huang Kunming, le tsar de la propagande, a présenté le concept de « démocratie à processus complet » (全过程民主) mis en avant par Xi Jinping, comme « une démocratie qui fonctionne ». C’est également le titre d’un livre blanc paru le même jour, qui affirme que « l’Occident n’a pas le monopole sur la démocratie (…) qui se manifeste sous diverses formes. C’est une valeur commune de l’humanité qui a toujours été chérie par le Parti et le peuple chinois ».

Pour appuyer ses dires, l’Etat-Parti avance plusieurs éléments censés prouver qu’il est démocratique. Seulement, l’enfer est dans les détails…

Certes, les citoyens chinois sont invités à voter pour élire leurs représentants locaux, sauf que seuls les candidats ayant reçu l’autorisation du Parti sont en mesure de se présenter.

Certes, l’Etat tient compte dans son processus législatif des opinions de différents acteurs, dont le grand public. Il est cependant difficile d’évaluer l’impact direct qu’ont les retours de la population sur les textes de loi.

Certes, le Parti prend en compte les intérêts de différents groupes, notamment à travers des organes consultatifs, comme la Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois (CCPPC), mais ceux-ci rassemblent essentiellement d’influents hommes d’affaires et personnalités politiques…

Certes, il existe huit mini-partis politiques, mais ces derniers ne s’opposent jamais au Parti et leurs représentants n’obtiennent que très rarement des postes à haut niveau

Au final, le Parti ne tire pas tellement sa légitimité des urnes, mais plutôt de sa capacité à assurer l’ordre, la sécurité et le développement économique du pays.

Cependant, cet accent mis sur la performance n’est pas sans danger, puisque quand l’économie ralentit ou lorsque des crises surviennent, la légitimité du Parti peut rapidement être remise en cause. 

En fait, en orientant le débat sur la démocratie « aux caractéristiques chinoises », le Parti-Etat espère surtout neutraliser les critiques internationales.

En effet, le leadership est persuadé que les ambitions internationales de la Chine sont constamment contrecarrées par les critiques sur son système politique et le non-respect des droits humains. Voilà pourquoi la Chine tient tant à se présenter comme une démocratie.

Pour y arriver, elle part du principe que lorsqu’une affirmation est répétée dix mille fois, elle devient vérité. Une méthode qui sera probablement moins efficace auprès d’une audience étrangère

Il parait hautement improbable que les pays étrangers se laissent un jour convaincre que la Chine est véritablement démocratique, même parmi ses alliés…

Mais il faut reconnaitre que le modèle chinois d’un parti unique au pouvoir « au service » du développement économique, couplé à des promesses de non-ingérence, peut avoir un certain attrait auprès de quelques pays du Sud, fatigués des leçons et sanctions occidentales… C’est dans cette brèche que Pékin veut s’engouffrer.

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* La Chine n’est pas la seule à n’avoir pas été invitée. Russie, Egypte, Turquie, Hongrie, Singapour, Thaïlande, Cambodge, Laos, Birmanie, Thaïlande, Vietnam, Tunisie, Ouganda, Zimbabwe, Érythrée, Ethiopie, Soudan n’ont pas non plus été conviés… Par contre, Philippines, Malaisie, Indonésie, Pakistan, Irak, République Démocratique du Congo, ont reçu un carton d’invitation.


Chiffres de la semaine : « 22 700 cafés, 74 médicaments, 127 journalistes, 85% parleront le mandarin »
« 22 700 cafés, 74 médicaments, 127 journalistes, 85% parleront le mandarin »

22 700 nouveaux cafés ont ouvert en Chine les douze derniers mois. Ce marché qui connait une croissance moyenne annuelle de plus de 10%, pourrait atteindre les 1000 milliards de yuans d’ici à 2025.

Avec plus de 7000 établissements, Shanghai détient le record du pays, mais à l’échelle internationale, c’est Londres qui est n°1 avec 3,69 cafés pour 10 000 habitants, contre 2,85 à Shanghai et Tokyo. Parmi les 7000 cafés shanghaiens, plus d’un tiers sont des branches de chaines comme Starbucks, Tim Hortons, ou encore Costa Coffee et Manner. Sur 15 avenues et rues shanghaiennes, le passant trouvera un café tous les 100 mètres. C’est la Huaihai Zhong Lu qui détient le record du nombre de cafés avec près de 50 établissements, suivie de près par Nanjing Xi Lu (41), puis par la Wenhui Lu (37).

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74 médicaments supplémentaires ont été ajoutés à la liste des médicaments couverts par le régime général d’assurance maladie chinois, avec un prix réduit de 61,71% en moyenne. Sept d’entre eux sont destinés à traiter des maladies rares – une première.

Ces médicaments sont souvent extrêmement coûteux et fabriqués par de grands laboratoires pharmaceutiques étrangers. Par exemple, le Nusinersen, commercialisé sous le nom de Spinraza par l’américain Biogen, qui traite l’amyotrophie spinale (30 000 malades en Chine), ne coûtera plus que 33 000 yuans contre près de 700 000 yuans auparavant. La cadre qui a mené les sept sessions de négociations avec Biogen a été qualifiée de « héroïne » par le public chinois.

Cependant, ces prix cassés pourraient faire hésiter les compagnies pharmaceutiques étrangères à proposer leurs médicaments sur le marché chinois et à les faire inclure au schéma d’assurance maladie.

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Au moins 127 journalistes (professionnels ou non) seraient détenus à travers la Chine, dont 71 ouïgours, selon un rapport intitulé « Le Grand Bond en arrière du journalisme en Chine » publié par Reporters sans frontières (RSF) le 7 décembre.

Au moins dix d’entre eux ont été arrêtés parce qu’ils avaient couvert le début de la crise sanitaire et le confinement de Wuhan début 2020. Parmi ceux-là, Zhang Zhan, « journaliste citoyenne » condamnée en décembre 2020 à quatre ans de prison. Depuis lors, elle observe une grève de la faim, et ses jours seraient comptés, à en croire ses proches.

Toujours l’an passé, 18 reporters étrangers ont dû quitter le pays et une journaliste australienne travaillant pour la télévision chinoise, Cheng Lei, a été arrêtée pour suspicion d’espionnage.

Ainsi, la Chine se situe au 177 ème rang sur 180 du classement de la liberté de la presse de RSF en 2021. Deux places seulement devant la Corée du Nord. Hong Kong, qui occupait le 18ème rang du premier classement en 2002, a reculé au 80ème rang, sous le joug d’une loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin.

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85% de la population chinoise devra parler le mandarin (ou « pǔtōnghuà », langue commune) d’ici 2025, selon un récent document publié par le Conseil d’Etat. Cet objectif pourrait mettre en péril l’usage de dialectes, comme le cantonais, le shanghaïen ou le wenzhounais, mais aussi les langues régionales telles que Tibétain, le Mongol, et le Ouighour.

Une campagne pour promouvoir le mandarin à l’école au détriment des langues locales a suscité de vives réactions l’an dernier en Mongolie Intérieure. Les autorités ont considéré ces manifestations comme une forme de séparatisme et les ont sévèrement réprimées. Pékin estime qu’une conformité de langage est nécessaire au nom de l’unité nationale et du développement économique.

Le mandarin devrait devenir universel d’ici 2035, même dans les zones rurales et au sein des minorités ethniques.


Vocabulaire de la semaine : « Les dix expressions qui sont devenues virales en 2021 »
« Les dix expressions qui sont devenues virales en 2021 »
  1. « YYDS » : 永远的神 ; yǒnɡyuǎn de shén

Littéralement, YYDS signifie « Dieu éternel ». Cet acronyme, initialement employé par les joueurs de « e-sport », est désormais utilisé par les fans pour encenser leur idole, à la manière du YYDS en anglais, GOAT (« Greatest Of All Times ») qui désigne « le meilleur de tous les temps ».

Durant les JO de Tokyo par exemple, YYDS a été utilisé par les internautes pour célébrer la médaille d’or de la tireuse Yang Qian, les trois plongeons parfaits de la jeune athlète Quan Hongchan ou encore la performance du sprinter Su Bingtian au 100 mètres.

苏炳添无缘百米领奖台,但他依然是yyds !

Sūbǐngtiān wúyuán bǎi mǐ lǐng jiǎng tái, dàn tā yīrán shì yyds !

« Su Bingtian a raté le podium du 100m, mais il est quand même yyds ! »

Cependant, la prolifération de ce « langage internet » (网络用语 ; wǎngluò yòngyǔ) n’est pas du goût de l’agence de presse officielle Xinhua : « Si vous n’utilisez pas YYDS, serez-vous toujours capable de vous exprimer ? », titrait-elle en septembre.

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  1. « formidable, incroyable, impressionnant »: juéjué zǐ; 绝绝子

Dérivé du mot « 绝 ; jué » qui veut dire « extrême », ce néologisme a vu le jour parmi les spectateurs d’une émission de télé-réalité musicale. Cette expression est souvent utilisée par les fans pour exprimer leur admiration pour leurs stars favorites. Selon le contexte, elle peut être aussi employée sur un ton sarcastique, pour désigner quelque chose d’incroyablement mauvais ou d’effroyable.

我一直都不喜欢他,唱歌跑调,人品绝绝子

Wǒ yīzhí dōu bù xǐhuan tā,chànggē pǎodiào,rénpǐn juéjuézi

« Je ne l’ai jamais aimé, il chante faux et n’a aucune morale ».

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  1. une « percée » à travers les défenses de quelqu’un: pò fáng (le) : 破防 (了)

Encore un terme dérivé du monde de l’« e-sport », il désigne une personne qui est submergée par les émotions. Cette expression a également connu un pic de popularité sur les réseaux sociaux durant les JO de Tokyo, souvent employée pour commenter la remise d’une médaille d’or ou tout autre moment émouvant… Elle a également été élue « commentaire éclair de l’année » (弹幕 ; dànmù) sur la plateforme de video-streaming Bilibili.

这个动作让很多观众破防了

Zhège dòngzuò ràng hěnduō guānzhòng pòfáng le.

« Ce geste a ému de nombreux spectateurs ».

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  1. « s’allonger » : 躺平 ; tǎngpíng

Ce terme désigne les jeunes qui se contentent de faire le strict minimum dans la vie, non pas par paresse ni par manque de qualifications, mais par refus d’être broyés par cette compétition qui les oppresse depuis leur plus jeune âge. C’est une manière de se révolter silencieusement contre « l’involution » (内卷, nèi juǎn), terme sociologique qui désigne une société qui devient excessivement concurrentielle en raison de ressources limitées, qu’il s’agisse de places à l’université ou d’offres d’emploi.

躺平意味着放弃婚姻、不生孩子、不找工作和避开诸如房子或车子之类的物质需求。

Tǎng píng yìwèizhe fàngqì hūnyīn, bù shēng háizi, bù zhǎo gōngzuò hé bì kāi zhūrú fángzi huò chē zǐ zhī lèi de wùzhí xūqiú.

« S’allonger signifie renoncer au mariage, ne pas avoir d’enfants, ne pas chercher d’emploi et se détacher des besoins matériels comme [l’achat] d’une maison ou d’une voiture ».

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  1. « metaverse »: 元宇宙 ; yuán yǔ zhòu

Seul mot qui n’est pas d’origine chinoise dans le top 10 de cette année, le terme de « métaverse » (ou « métavers » en bon français) est devenu populaire lorsque le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé rebaptiser Facebook en Meta. Le terme, qui provient de la contraction des mots « meta » et « univers », désigne un monde virtuel fictif, connecté et totalement immersif, dans lequel les utilisateurs évoluent en 3D sous la forme d’un avatar.

我就报了元宇宙培训课,但听完后云里雾里的。

Wǒ jiù bàole yuán yǔzhòu péixùn kè, dàn tīng wán hòu yún lǐ wù lǐ de.

« Je me suis inscrit à un cours sur le metaverse, mais avoir après l’avoir suivi, je n’ai toujours aucune idée de ce que c’est ».

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  1. « l’essence de citron » : 柠檬精 ; níngméng jīng

Tout le monde sait que les citrons sont acides, et leur écorce amère. Ce terme fait donc référence aux personnes qui sont facilement jalouses du train de vie des autres, qui prennent plaisir à critiquer les autres, leur enviant leur succès, leur bonheur… Au fur et à mesure que la culture internet évolue, la connotation négative de l’expression s’efface pour devenir plus enjouée.

有美女发自拍,别人负责点赞,柠檬精负责酸。

Yǒu měinǚ fā zìpāi, biérén fùzé diǎn zàn, níngméng jīng fùzé suān

« Il y a de belles femmes qui publient des selfies, d’autres sont responsables des likes, et l’essence de citron est responsable de l’aigreur ».

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  1. « Je n’ai pas compris, mais j’ai été choqué » : 我看不懂,但我大受震撼 ; wǒ kàn bù dǒng, dàn wǒ dà shòu zhènhàn

C’est ainsi que le cinéaste taïwanais Ang Lee a décrit sa réaction après avoir visionné le film « La Source » (1960) du suédois Ingmar Bergman. Les internautes chinois ont rapidement repris le terme pour décrire leur confusion, leur stupéfaction ou le fait d’être totalement dépassé par une situation ou par un évènement. C’est d’ailleurs devenu un mème internet très populaire.

这时尚,我看不懂,但我大受震撼。

Zhè shíshàng, wǒ kàn bù dǒng, dàn wǒ dà shòu zhènhàn.

« Je ne comprends pas cette mode, mais j’ai été choqué », en référence au dernier gala du MET.

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  1. Versailles : 凡尔赛; Fán’ěrsài 

Ce terme fait bien sûr initialement référence au palais de Versailles, mais désigne aussi les personnes qui font preuve de fausse modestie, qui se vantent indirectement de leur train de vie luxueux ou de leurs réussites. Apparu fin 2020, il est inspiré du manga japonais « La Rose de Versailles », qui relate la vie fastueuse de la reine Marie-Antoinette au XVIIIe siècle.

Extraits choisis : « comme il n’y avait pas suffisamment de bornes de recharge pour voitures électriques dans notre ancien quartier, nous n’avons pas eu d’autre choix que de déménager dans une maison plus grande avec un garage privé pour la Tesla de mon mari » ou encore « je n’ai même pas pu choisir mon université, j’ai été directement admis à Beida, c’était si loin de chez moi, de ma famille et de mes amis ». On parle alors de « littérature de Versailles » (凡尔赛文学).

网上流行的“凡尔赛文学”应区分为两类。一类是真心炫耀。另一类则是借此调侃。

Wǎngshàng liúxíng de “fán’ěrsài wénxué” yīng qūfēn wéi liǎng lèi. Yī lèi shì zhēnxīn xuànyào. Lìng yī lèi zé shì jiè cǐ tiáokǎn.

« La littérature de Versailles, populaire sur internet, peut être divisée en deux catégories. L’une est de la pure vantardise. L’autre est de la moquerie ».

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  1. « un pays fort m’a moi » : 强国有我; qiángguó yǒu wǒ

Quoique de nombreux internautes doutent qu’il s’agisse d’un terme viral, cette phrase a été incluse dans le top 10 des expressions de l’année 2021. Elle est tirée du serment solennel prêté par 1 000 écoliers et collégiens qui ont participé aux célébrations du centenaire du Parti Communiste sur la place Tiananmen le 1er juillet. Elle est supposée refléter les aspirations, le courage et la confiance des jeunes Chinois dans le Parti et l’avenir de la nation. La phrase complète est la suivante :

请党放心,强国有我

Qǐng dǎng fàngxīn, qiángguó yǒu wǒ.

 « Parti, ne vous inquiétez pas, un pays fort m’a moi »

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  1. « double réduction »: 双减 ; shuāng jiǎn

Autre terme « parachuté » dans la liste, la « double réduction » fait référence à la politique qui consiste à réduire la masse de devoirs, ainsi que le recours à des cours particuliers pour les écoliers chinois. L’État veut à la fois réduire la pression scolaire sur les enfants, mais aussi le coût de l’éducation pour les parents, de manière à atténuer les inégalités criantes au sein de la société chinoise. Néanmoins, cette politique a provoqué la fermeture de nombreuses écoles de tutorat et a mis de nombreux professeurs au chômage… 

双减”之下,孩子们上学更积极了.

“Shuāng jiǎn” zhī xià, háizimen shàngxué gèng jījíle.

« Dans le cadre de la « double réduction », les enfants sont plus actifs à l’école ».


Photo de la semaine : Double record pour un tableau de Balthus en Chine
Double record pour un tableau de Balthus en Chine

68 millions de yuans, 75 millions, 100 millions ! Applaudissements dans la salle… Le lot 2035 sera finalement adjugé quelques minutes plus tard pour 166 millions de yuans (commission incluse), soit 23 millions d’euros !

Lors de la vente automnale organisée par la maison Beijing Yongle Auction, au moins six acheteurs ont fait grimper les enchères pour faire l’acquisition de « Chat dans le miroir III » (镜子里的猫 III ), une huile sur toile réalisée entre 1989 et 1994 par le peintre français d’origine polonaise, Balthus (巴尔蒂斯), qualifié de « plus grand peintre du XXe siècle » par Picasso.

Pour Balthus (1908-2001), c’est un double record : « Chat dans le miroir III » devient à la fois le plus cher de ses tableaux et la plus chère des œuvres de l’art contemporain occidental vendues en Chine continentale.

Comment expliquer une telle cote dans l’Empire du Milieu ?

Il se trouve que Balthasar Kłossowski, de son vrai nom, aspirait à la Chine depuis son enfance. Il s’est toujours intéressé à la civilisation chinoise et, avec le temps, il a développé une passion de plus en plus forte pour ce pays.

Il aimait dire que les grands maîtres de la tradition italienne qu’il admirait tant, peignaient avec la même splendeur que les paysagistes chinois.

En Chine, la première rétrospective de son œuvre a eu lieu en 1995. Lors du vernissage à Pékin, dans une lettre adressée aux artistes chinois, Balthus les conjura « de renier ce qui vient maintenant de l’Occident, où règne la plus terrible confusion ». Deux décennies plus tard, ce conseil n’a jamais été aussi dans l’air du temps.


Podcast : 27ème épisode des Chroniques d’Eric – « Une voiture pour la Chine »
27ème épisode des Chroniques d’Eric – « Une voiture pour la Chine »

Venez écouter le 27ème épisode des « Chroniques d’Eric », journaliste en Chine de 1987 à 2019 et fondateur du Vent de la Chine.

Il s’agit d’une simple voiture, celle qui nous a accompagné la première décennie de notre séjour chinois à partir de 1988. Mais, comme toute chose en vérité, elle porte en elle, outre sa dose de souvenirs, les stigmates de l’histoire du Céleste Empire, de ses démons et merveilles.

Elle a transporté tant de passagers, tant d’émotions et de souvenirs, face à tant de paysages grandioses, que tels les souliers de Félix Leclerc, elle est en définitive le témoin d’une époque, d’un lieu et d’une vie, la nôtre – et de bien des amis qui vont écouter cet épisode et se reconnaître, sur le siège avant droit ou arrière !

Suivez dès à présent les « Chroniques d’Eric » via le flux RSS ou sur Apple Podcast !
 
 


Petit Peuple : Shaanxi – Chen Nianxi, poète 2400m sous terre (2ème partie)
Shaanxi – Chen Nianxi, poète 2400m sous terre (2ème partie)

« Je gaspille mon second âge 2400m sous terre

J’explose les roches veine après veine,

Et ainsi, je reconstruis ma vie.

Ma famille d’en bas est bien loin du mont Shang :

Ils sont malades, corps couverts de poussière,

Tout ce que je fais, entaille mon second âge,

Et je fais tout pour prolonger leur troisième. »

Voilà un poème qu’écrivait Chen Nianxi en 2005 au réfectoire, à 11h du soir, après sa journée au fond de la mine de Qinqiang (Xinjiang). Il venait de passer deux heures à boire des bières et à fumer avec ses compagnons d’équipe, à évoquer leur journée au fond du boyau à manier pics et marteau piqueur. Puis tandis que les autres étaient partis cuver, Chen était resté à aligner ses caractères sur le verso vierge d’une page de journal, avide de remonter à l’air libre – par la création littéraire. Sa source d’inspiration était la vie des gueules noires, le monde des galeries, des roches brisées, des poussières, de la sueur solidaire. La mère Terre qu’ils violaient jour après jour, mais aussi une intimité obscure et inattendue avec cette nature qui les enveloppait de son drap minéral.

Chen préférait écrire seul, pour prévenir les questions et lazzis des camarades, pour la plupart analphabètes. Il devait leur cacher ses mots, sa rage de se raconter, cette technique salvatrice qui lui permettait de tenir le coup. La seule chose qui comptait pour eux, était la paie à la fin du mois : aller chercher autre chose dans leur quotidien banal, harassant et dangereux, aurait été pour eux une simple idiotie !

Le dimanche, jour de relâche, Chen faisait comme tous les autres sa lessive, le nettoyage de la chambrée, les corvées domestiques. C’était aussi le jour où il pouvait téléphoner sereinement à sa femme et à son fils, à des milliers de km plus à l’Est.

Chen écrivait maintenant toutes les nuits. C’était pour lui l’espace de liberté, qui lui permettait de sauver son rêve de jeunesse, celui d’être un jour reconnu comme auteur. Sa chance d’y réussir était tout à fait réelle. Le monde des mineurs, qu’il décrivait avec talent, appartenait à un imaginaire de la Chine entière, qui réclamait sur lui un projecteur. Ce pays qui s’enrichissait à rythme exponentiel, avait besoin de reconnaître les sources prolétaires de cette prospérité, et de chanter les hommes et femmes de l’ombre qui l’avaient générée. Sans le savoir, Chen était en train d’inventer un genre littéraire, évidemment sympathique au pouvoir socialiste : celui du « travailleur-écrivain », du chantre du migrant, acteur négligé et méprisé de la richesse collective.

En 2011, il rassembla une centaine de ses œuvres et commença à les poster en ligne sur un portail spécialisé, gratuit pour auteurs débutants, site très populaire fréquenté par des millions de lecteurs.

En 2014, Qin Xiaoyu, critique littéraire en vogue, vint à sa rencontre et bientôt, commenta régulièrement ses poèmes à travers la grande presse. C’était le début du succès !

En 2015, Qin l’invita au tournage du film « Lune de fer » (qu’il créait en compagnie du réalisateur Wu Feiyue). Le film obtint un vif retentissement, du fait de cette attente du public de regard sur la vie des travailleurs écrivains. Un hasard vint contribuer au succès : la vague de suicides qui bouleversait alors le personnel du groupe Foxconn (l’assembleur en Chine des iPhone), renforça l’indignation du public envers un certain capitalisme sauvage qui sévissait sur la Chine, et l’engouement pour « Lune de fer » et Chen Nianxi.

Peu avant, notre héros avait eu les honneurs des médias, suite à un accident de mine qui lui avait causé un déplacement de vertèbre, et une opération chirurgicale, renforçant ainsi sa notoriété. Dès lors pour lui, la mine, c’était fini. Débutait une période faste, jalonnée de salons littéraires et de prix, d’interviews et de passage à la TV. Pour commencer, il reçut un « emploi » de secrétaire littéraire dans un conglomérat de tour-operators, sinécure déguisée qui lui laissait le temps d’écrire, protégé par un modeste salaire. Chen appréciait ce changement de vie, mais s’en méfiait aussi. Il craignait comme la peste le misérabilisme dans lequel des intellectuels jaloux voulaient l’enfermer, afin de le classer comme auteur mineur, ou pas un « vrai » auteur, et de le mépriser sous prétexte de pitié : « tu vois, ce que tu as écrit, ce n’est pas si mal, pour un petit comme toi » !

Pour éviter le piège, il écrivait jour et nuit, multipliant les livres et recherches en tous sens. En 2019, il publiait 拆 (« chai »), ou « Démolition », recueil de poèmes consacrés à la vague encore en cours de destruction et rasage de quartiers anciens. Il se rendait aux États-Unis et parlait devant les étudiants de Yale et de Harvard.

En même temps, il voyait sa santé décliner à rythme rapide : le corps prenait sa revanche. En 2020, était détectée sa pneumoconiose, maladie incurable due à l’action de 15 ans de respiration dans la poussière de roche. Malgré tout, Chen ne veut pas renier son passé de mineur, ni devenir un écrivain de salon.

En plus de sa santé déclinante, il vit un autre drame, lié à son fils. À sa naissance, il avait choisi pour lui le prénom de Kaige, en rappel du géant réalisateur du cinéma chinois. Plus tard, il s’était ruiné pour lui donner une bonne école, une université que lui-même n’avait jamais eue. Mais le jeune s’avère médiocre, nullement conscient des sacrifices consentis pour lui, ni avide d’études et d’élévation sociale. Chen fait peser sur lui le poids de cet échec, ayant failli à son rôle de père, mais il accuse aussi sa société, et un monde décevant :

« Tes yeux clairs pénètrent les textes et les nombres,

Mais ne peuvent toujours pas voir le monde tel que vrai.

Ce que je veux pour toi : que tu contournes tes livres pour voir la Terre

Mais je crains en même temps que tu la voies en vrai »

Enfin, contemplant à 51 ans le bilan de sa vie, Chen Nianxi peut se consoler en écrivant sans cesse, pour ne pas mourir. Il reste aussi un très bel homme, et un esprit très jeune, capable de s’émerveiller de tout : au fond, voilà un homme qui est trois fois « mineur », sous un triple aspect, comme une âme d’enfant, un travailleur des mines, et un écrivain dans un genre dit « mineur », mais en qui se reconnaissent, peut-être, des dizaines de millions de travailleurs invisibles, à qui il donne sa voix dans le débat culturel chinois !


Rendez-vous : Semaines du 13 décembre 2021 au 30 janvier 2022
Semaines du 13 décembre 2021 au 30 janvier 2022

13-15 décembre, Shanghai : AUTOMOTIVE TESTING EXPO CHINA 2021, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles.

15-17 décembre,Shanghai : CFIE 2021, Salon international des condiments et ingrédients alimentaires.

16-18 décembre, Shanghai : BIOPH CHINA 2021, Salon de la pharmacologie et des biotechnologies, rassemblant compagnies pharmaceutiques, institutions et organismes de recherche.

22-24 décembre, Shanghai : TIM EXPO SHANGHAI 2021,  Salon international du matériel d’isolation thermique, des matériaux étanches et des technologies liées à l’économie d’énergie.

27-29 décembre, Shenzhen : LEAP EXPO 2021, exposition industrielle axée sur la fabrication électronique, l’automatisation industrielle et l’industrie laser.

28-30 décembre, Pékin : ALPITEC CHINA 2021, Salon international des technologies de la montagne et des sports d’hiver.

28-30 décembre, Pékin : ISPO BEIJING 2021, Salon professionnel international des sports, de la mode et des marques de vêtements à Pékin.

15-23 janvier, Nanjing : CMT CHINA 2022, Salon du tourisme et des loisirs de plein air.