Editorial : L’économie chinoise toussote

L’économie chinoise toussote

Le rebond économique chinois perd de sa superbe en cette fin d’année. Lors de l’ouverture de la foire de Canton, le Premier ministre Li Keqiang a reconnu que la croissance a ralenti au 3ème trimestre (+4,9% contre 7,9% au 2nd trimestre), mais s’est montré rassurant : « les principaux indicateurs économiques restent à un niveau raisonnable (…). La Chine a les outils adéquats pour faire face aux challenges économiques auxquels le pays fait face (…) et devrait être en mesure d’atteindre un taux de croissance ‘de plus de 6%’ » (le seuil plancher qui est venu remplacer le traditionnel objectif de croissance « fixe » lors de la dernière session du Parlement).

Si les politiques mises en œuvre par le gouvernement sont en partie à l’origine de ce ralentissement économique, il est peu probable que Pékin fasse marche arrière, le leadership estimant que c’est le prix à payer à court terme pour une plus grande stabilité à long terme.

En visite dans une usine du fabricant d’appareils électroménagers Midea dans la province du Guangdong (cœur industriel et manufacturier du pays), Li Keqiang a promis que des solutions seraient apportées aux coupures électriques qui frappent une vingtaine de provinces depuis le début de l’hiver. Pour faire face à la pénurie de charbon qui a causé une envolée des prix, les autorités ont donné carte blanche aux producteurs et sollicité les fournisseurs étrangers (Russie, Mongolie en tête…). Pékin a également autorisé une plus grande fluctuation des prix de l’électricité (+20%), premier pas vers une libéralisation du marché. Pour autant, le gouvernement n’a pas l’intention de revenir sur les objectifs de réduction de la consommation énergétique imposés aux provinces, quoi qu’ils soient eux aussi responsables du rationnement électrique…

Le marché immobilier lui aussi, tire la croissance vers le bas. Depuis que Pékin a volontairement fermé le robinet du crédit aux promoteurs surendettés, le n°1 du marché, Evergrande, se retrouve au bord de la faillite. La crise de liquidité que traverse le conglomérat a fait chuter les ventes de plus de 30% dans 30 grandes villes en septembre, habituellement l’un des meilleurs mois de l’année. Dans l’expectative, les potentiels acheteurs préfèrent patienter, craignant de se retrouver propriétaires de logements inachevés à l’instar des clients d’Evergrande.

Brisant son silence le 15 octobre, la Banque Centrale a taclé le « management médiocre » d’Evergrande, qui « n’a pas su agir judicieusement face aux changements des conditions du marché et a continué à se diversifier aveuglement ». Zou Lan, directeur du département financier, a exhorté le groupe à « accélérer la cession de ses actifs » et a annoncé que « les autorités financières vont coopérer avec les gouvernements locaux pour fournir le soutien financier nécessaire à la reprise de la construction ». Cependant, le banquier a affirmé que « toute contagion au secteur financier est contrôlable » et que le cas d’Evergrande est une « exception » sur le marché de l’immobilier. Au-delà de la leçon infligée au promoteur, Pékin y voit une opportunité d’assainir le secteur, qui représentait jusqu’à présent un quart de la croissance chinoise, au profit d’autres pans de l’économie réelle.

C’est l’un des aspects du concept de « prospérité commune », ressuscité mi-août par le Président Xi Jinping. Un extrait de l’un de ses discours, publié le 16 octobre par le journal du Parti, Qiushi, en dévoile un peu plus sur le nouveau mot d’ordre qui devrait « offrir à tous l’opportunité de devenir riche », notamment grâce à « l’éducation, la formation et la migration urbaine ». Les salaires des fonctionnaires et des employés des entreprises d’État seront augmentés, les revenus « déraisonnables » encadrés, le système fiscal « réformé » et les « gains illicites » réprimés. Apparemment bien conscient des maux de la jeunesse, le Président veut éviter que les jeunes « s’allongent », mais aussi que la population ne devienne « fainéante ». Selon le leader, la « prospérité commune », qui devrait connaitre son apogée « au milieu du siècle », est le seul moyen « d’accroître la productivité globale du pays » et de « consolider les fondations d’un développement de haute qualité ». Sous ce prisme, le ralentissement économique est considéré comme un mal nécessaire pour amorcer « dès maintenant » cette transition, quoi qu’il en coûte.

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