Le Vent de la Chine Numéro 28-29 (2021)

du 25 août au 31 août 2021

Editorial : La « prospérité commune » d’abord et avant tout
La « prospérité commune » d’abord et avant tout

Après le concept de « circulation duale » apparu l’été dernier, c’est au tour de celui de « prospérité commune » (共同富裕, gòngtóng fùyù) de faire son grand retour.

Si le terme remonte à l’ère maoïste, c’est son emploi par Deng Xiaoping dans les années 80 qui a marqué les esprits, autorisant certains à « devenir riches avant les autres » de manière à accéder à ce « Graal » socialiste par la suite…

Maintenant que la grande pauvreté est officiellement éradiquée, l’heure est venue de s’atteler à la « prospérité commune », à en croire les dernières déclarations de Xi Jinping (17 août), au lendemain du conclave estival de Beidaihe.

À l’issue d’une réunion de la commission centrale des affaires financières et économiques (CCFEA), le Président a promis un « ajustement des revenus excessifs » de manière à créer une structure de redistribution des richesses « en forme d’olive ». Le leader a également appelé les plus fortunés et les entreprises à « rendre davantage à la société ».

Deux mois plus tôt, la province du Zhejiang, berceau de l’entrepreneuriat privé et base de pouvoir de Xi Jinping, avait été désignée « zone modèle de la prospérité commune ». A la surprise générale, Zhou Jiangyong, le secrétaire du Parti de Hangzhou, capitale provinciale, a été mis sous enquête par les inspecteurs de l’anti-corruption 4 jours après la déclaration-choc de Xi. La rumeur voudrait qu’il ait usé de ses relations avec Jack Ma, fondateur de Alibaba, pour faire l’acquisition de parts de Ant avant son entrée (avortée) en bourse en novembre 2020, espérant ainsi en tirer des gains astronomiques… Signal que même les alliés de Xi devront se montrer irréprochables dans cette quête vers la prospérité commune…

Quoi qu’il en soit, l’annonce de Xi Jinping a semé un vent de panique sur les marchés, à l’heure où le pouvoir renforce son contrôle non seulement sur les géants de la tech mais aussi sur de larges pans de l’économie et de la société. 

En effet, la « prospérité commune » comprend également une composante morale et éthique forte, en ambitionnant de traiter divers maux de la société comme ces « jeunes qui s’allongent » faute de perspectives économiques, ou une natalité en berne. Pour y arriver, la Chine a déjà interdit le rythme de travail « 996 », et a règlementé l’industrie des cours particuliers ainsi que les conditions de travail des livreurs.

Sur les réseaux sociaux, un commentaire résumant, non sans sarcasme, l’esprit du moment, est devenu viral : « la nouvelle génération n’est pas inscrite à des cours particuliers, ne joue pas aux jeux vidéo, et n’adule pas les célébrités. Après avoir terminé leurs devoirs, les jeunes rentrent chez eux, développent leur esprit Yang, et vont se coucher tôt. Ils participent aux tâches ménagères et poussent leurs parents à concevoir un petit frère ou une petite sœur. Ils aiment uniquement le sexe opposé et ne s’engagent pas prématurément dans des relations amoureuses, mais lorsqu’ils le font, ils se marient immédiatement et font des enfants »…

Indéniablement, la montée des inégalités est prise très au sérieux par le leadership, perçue comme une menace à sa gouvernance. Un récent rapport du Crédit Suisse calcule le coefficient de Gini bien au-dessus du seuil d’alerte de 0,4 (plus il se rapproche de 1, plus les inégalités sont fortes) : après être passé de 0,599 en 2000 à 0,711 en 2015, il aurait légèrement baissé en 2019 (0,697), avant d’augmenter à nouveau en 2020 (0,704) sous l’effet de la Covid-19. Alors que la Chine est le seul pays au monde qui affiche plus de 1000 milliardaires, 600 millions de Chinois vivraient encore avec 1000 yuans par mois d’après les propos du Premier ministre Li Keqiang. Or c’est en développant sa classe moyenne (400 millions de personnes) que le gouvernement pourrait stimuler le plus efficacement sa consommation domestique (l’un des piliers de la « circulation duale »).

Même si aucune mesure concrète n’a encore été annoncée, un accent spécifique a été mis sur la « troisième redistribution », potentiellement encouragée par des exemptions fiscales. Ce concept, formulé par l’économiste chinois Li Yining en 1994, désigne les donations caritatives réalisées par les entreprises et les individus à hauts revenus. Les géants de la tech et leurs fondateurs ont vite compris le message et ont créé des fonds dotés de dizaines de milliards de yuans à cet effet (Tencent, Pinduoduo, Meituan…), en plus des dons déjà envoyés au Henan suite aux graves inondations. Cependant, pour que les donations affluent librement, un assainissement du secteur caritatif sera nécessaire, plombé dans le passé par des scandales de détournement de fonds…

Néanmoins, le gouvernement a d’autres outils à sa disposition : réformer la grille de l’impôt sur le revenu (déjà de 45% sur les revenus au-delà de 960 000 yuans annuels), instaurer un impôt sur la fortune, une taxe sur les plus-values, mettre en place une taxe foncière (un projet maintes fois reporté), des droits de succession (comme le préconise Thomas Piketty), introduire un plafonnement des hauts salaires

Pour apaiser les craintes que ce nouveau plan se traduise par des politiques agressives envers les très riches et le secteur privé, plusieurs économistes ont pris la parole. « Il ne s’agit pas de voler les riches pour donner aux pauvres », a assuré Han Wenxiu, membre de la CCFEA, les donations devant s’effectuer sur la base du volontariat. « La Chine ne va pas tomber dans le piège de l’assistancialisme », a ajouté Han. « Le concept de prospérité commune ne revient pas à rendre les revenus de chacun égaux » (allusion à l’égalitarisme en vigueur sous Mao), a renchéri Li Daokui, économiste en chef à la New Development Bank. L’ancien conseiller auprès de la Banque Centrale a également précisé : « nous ne pouvons pas atteindre des résultats à court terme, sous cinq ans par exemple ». Surtout, « nous devons veiller à ce que cette campagne ne se transforme pas en un nouveau Grand Bond en avant et ne tire pas le développement économique vers le bas ou affecte la productivité », a cru bon de rappeler Li Daokui.

Car les risques sont grands : des politiques mal calibrées pourraient peser sur la croissance et l’emploi, freiner l’innovation, décourager l’entrepreneuriat, accentuer la fuite des capitaux, attiser le populisme et une perception négative des riches…

Si l’objectif de rendre la société chinoise plus égalitaire est louable, il faut que « les politiques suivent les lois économiques », plaide Qiao Jianhui, professeur à l’université Jiaotong (Shanghai), « sans quoi, nous ferons de mauvaises choses avec de bonnes intentions ».


Environnement : Inondations de Zhengzhou (Henan), l’heure des comptes
Inondations de Zhengzhou (Henan), l’heure des comptes

C’est un véritable déluge qui s’est abattu fin juillet dans les environs de Zhengzhou, capitale du Henan, province agricole située au centre-est du pays. Malgré la demi-douzaine d’alertes émises par les services météorologiques les heures précédant la catastrophe, les autorités n’ont pas pris à temps les dispositions qui s’imposaient. Habitués à essuyer des inondations plus ou moins importantes durant l’été, les 12 millions d’habitants ne se sont pas méfiés outre mesure.

Alors que la ville était victime de pluies torrentielles depuis trois jours (617mm, l’équivalent d’un an de précipitations), des centaines de résidents se sont retrouvés coincés dans des rames de métro le 20 juillet, avec de l’eau jusqu’au cou. Quatorze y ont laissé la vie. Dans les campagnes environnantes, de nombreuses digues ont cédé sous la violence des pluies, submergeant des villages entiers. Bilan des intempéries : plus de 300 morts et 14 millions d’habitants affectés, sur les 99 millions que recense le Henan. Comparé aux 4000 décès liés aux crues exceptionnelles de 1998, force est de constater que la réponse s’est sensiblement améliorée. Mais les dégâts matériels, estimés à 114 milliards de yuans, restent immenses, sans parler des 580 000 hectares de champs ravagés par les flots.

En un élan de solidarité, les géants de la tech (Alibaba, Tencent, Bytedance, Xiaomi…), victimes d’un sévère tour de vis de Pékin, ont tenté de se racheter une conduite en offrant technologies (GPS, carte interactive répertoriant les zones inondées et relayant les appels au secours…) et en réalisant de généreuses donations.

Pour leur part, les médias d’État ont « inondé » l’internet de formules d’encouragement (« Henan, soyez fort », « tenez bon »…) et de vidéos larmoyantes de certains actes d’entraides héroïques, de manière à détourner l’attention des vrais problèmes et à focaliser le discours sur des sentiments positifs. Une tactique déjà employée lors du début de l’épidémie à Wuhan en 2020.

Cela n’a pas suffi à apaiser la colère du public qui réclame des explications : pourquoi les alertes météos ont-elles été ignorées ? Pourquoi les évacuations, du métro notamment, n’ont-elles pas été ordonnées plus tôt ? Pourquoi les autorités n’ont-elles pas divulgué qu’un réservoir environnant avait relâché de l’eau ? Pourquoi le système de « ville-éponge » (海绵城市), consistant à augmenter les capacités d’absorption, de drainage, d’écoulement et de stockage des eaux de pluie, dans lequel Zhengzhou aurait investi 53 milliards de yuans (8,26 milliards de $) depuis 2016, n’a-t-il pas permis de limiter les dégâts ?

Face à ce torrent de critiques, les cadres locaux ont tenté de minimiser leurs responsabilités en qualifiant ces précipitations de « sans équivalent depuis 5000 ans » (plus exactement depuis 1951, date du début des relevés). Les experts ont également expliqué que le système de « ville-éponge » n’est pas conçu pour absorber des pluies diluviennes. Mais pas un mot pour justifier la lente réaction des autorités… Cette paralysie est d’origine systémique : les cadres craignent de prendre des initiatives de peur d’être sanctionnés, préférant attendre une décision venue d’en haut. Une passivité qui peut se révéler extrêmement dangereuse en cas d’urgence, épidémie comme catastrophe naturelle…

Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra faire mieux pour convaincre une opinion sceptique, qui s’interroge sur l’ampleur réelle de la catastrophe en voyant le bilan initial tripler dix jours plus tard, soupçonnant une tentative de dissimulation des autorités locales. Dos au mur, le Conseil d’État a annoncé le 2 août l’ouverture d’une enquête. Mais il a fallu attendre un long mois après le désastre, juste après la fin du conclave de Beidaihe, pour que le Premier ministre Li Keqiang qui connait bien le Henan puisqu’il y a été posté de 1998 à 2004 lors du scandale du sang contaminé et de trois incendies ravageurs – fasse le déplacement (cf photo), chaperonné par le secrétaire du Parti provincial Lou Yangsheng (un fidèle de Xi Jinping) et le nouveau gouverneur Wang Kai. « Ce désastre a eu un impact considérable sur la société (…) nous devons réaliser un examen approfondi (…) quiconque aura failli à ses obligations sera tenu pour responsable », a averti le 1er Ministre. Aucun doute, des têtes vont tomber…

Alors que les inondations sont devenues récurrentes dans le pays durant l’été, le calvaire des passagers du métro de Zhengzhou a profondément choqué l’opinion et déclenché un vif débat sur la manière de prévenir ces catastrophes. De mémoire, le public ne s’était plus autant intéressé au problème depuis 2012. Cet été-là, des pluies torrentielles avaient causé la mort de 77 personnes à Pékin.

Pour autant, le gouvernement a du mal à admettre un lien entre le réchauffement climatique et la fréquence croissante de ces désastres, craignant de voir certaines de ses politiques remises en cause. C’est ainsi que dans la presse officielle, le dérèglement de la planète est souvent présenté comme un problème que la Chine peut contribuer à résoudre, et qui affecte d’autres parties du monde, mais qui n’a pas d’incidence directe sur la vie des citoyens chinois. Le terme est d’ailleurs absent des rapports officiels pour « éviter de susciter des inquiétudes inutiles ». Lors des inondations de l’été 2020, tout lien entre les deux phénomènes avait été ouvertement réfuté. Cette position, à la limite du « climatoscepticisme », tranche avec les ambitions internationales du Président Xi, de faire de la Chine un leader dans la lutte contre le réchauffement global.

Pourtant, deux études récentes viennent de sonner l’alarme : la première, réalisée par Greenpeace, date de mi-juillet et avertit que le réchauffement climatique risque d’aggraver la fréquence et l’intensité des inondations comme des vagues de chaleur en Chine, particulièrement dans les grandes villes. Un second rapport gouvernemental publié mi-août affirme que les températures en Chine ont augmenté plus vite durant les dernières décennies que la moyenne mondiale. À l’avenir, les grandes régions de Pékin, Shanghai et Canton risquent de connaitre des étés plus longs (un mois de plus) et plus chauds.

Face à ces prédictions, le public et les cadres seraient, sans aucun doute, mieux en mesure de se préparer aux intempéries qui les attendent si l’urgence climatique était officiellement admise par le gouvernement central, et si un débat public sur le sujet était autorisé. Pékin y gagnerait un soutien accru à son agenda vert.


JO : A Tokyo, une pluie d’or pour la Chine
A Tokyo, une pluie d’or pour la Chine

Alors que les Jeux Paralympiques (24 août au 5 septembre) ont toutes les chances de voir triompher la Chine – qui domine la compétition depuis 2004 – , que retenir de la prestation de la délégation chinoise lors des Jeux Olympiques de Tokyo (23 juillet au 8 août) ?

Outre une excellente moisson de médailles, équivalente à celle récoltée lors des JO de Londres en 2012, ces Jeux sont venus exacerber certaines tendances existantes dans la société chinoise, à savoir le nationalismealimenté par une rivalité sino-américaine croissante et un sentiment anti-japonais persistant– le cyberharcèlement et le féminisme.

Malgré les efforts assidus des 431 athlètes envoyés à Tokyo, la Chine n’a pas réussi à détrôner les États-Unis au tableau final, ne récoltant « que » 38 médailles d’or (dix de moins que lors de sa meilleure performance aux JO de Pékin en 2008). Après avoir dominé le classement durant 11 jours consécutifs, la Chine s’est vue dépasser le dernier jour par la « team » USA, qui a repris in extremis la tête de la compétition (39 médailles).

Même si la Chine termine également deuxième en nombre total de médailles (88, tous métaux confondus), loin derrière les USA (113), les sportifs chinois ont réalisé une véritable démonstration de force, d’agilité et d’esprit d’équipe durant ces JO.

Cette performance a été largement saluée par le public chinois qui n’a pas manqué de souligner le caractère auspicieux de ce résultat : 88 médailles le 8.8 (8 août), le chiffre 8 étant considéré comme porte-bonheur en Chine. Sur la toile, les commentaires aux relents nationalistes, ont afflué : « si l’on compte les médailles d’or de Hong Kong (1) et de Taïwan (2), on a gagné ! », s’est réjoui un internaute. « Tôt ou tard, la Chine dépassera les États-Unis », prédit un autre, rappelant que l’objectif initial était de faire mieux que le Japon, pays hôte et rival historique…

Indéniablement, les athlètes chinois se sont présentés à Tokyo dans une forme « olympique », donnant l’impression d’avoir moins souffert de la crise sanitaire que la plupart de leurs compétiteurs internationaux.

Comme à leur habitude, ils ont dominé dans de nombreuses disciplines (plongeon, tir, haltérophilie, tennis de table, badminton…), mais ont aussi remporté de belles victoires, voire établis de nouveaux records, dans des sports où ils n’étaient pas nécessairement attendus, en athlétisme, aviron et escrime par exemple.

Le secret de ces réussites ? Des entraîneurs étrangers : l’Américain Randy Huntington (ancien entraîneur du recordman Mike Powell), le Britannique Steve Redgrave (quintuple champion olympique d’aviron), et l’épéiste français Hugues Obry, dont la joie débordante lors de la victoire de sa protégée Sun Yiwen (médaille d’or), a fait le tour des réseaux sociaux chinois (cf photo). Au total, 17 associations sportives chinoises, du water-polo au rugby, ont sollicité les services de 30 coachs étrangers issus de 19 pays différents, pour ces JO de Tokyo.

Pas invincible, la Chine a également essuyé de cuisantes défaites dans des sports où elle régnait en maître jusqu’à présent.

La première grande déception est venue du tennis de table : en finale du double mixte contre les Japonais Jun Mizutani et Mima Ito, les pongistes Xu Xin et Liu Shiwen se sont inclinés, marquant la fin de la suprématie chinoise dans la discipline depuis 2004. Cette défaite a été vécue comme une véritable perte de face nationale. Sur les réseaux sociaux, une avalanche de critiques s’est abattue sur les joueurs japonais mais aussi sur l’arbitre, accusé d’avoir favorisé l’équipe locale. Même scénario lorsque le gymnaste japonais Daiki Hashimoto a raflé l’or au concours général, à quatre dixièmes de points du Chinois Xiao Ruoteng.

Autre déconvenue en volley-ball, où les championnes olympiques en titre ont été sévèrement éliminées après trois défaites successives en huitièmes de finale … Il faut rappeler que l’équipe féminine est extrêmement populaire en Chine, ayant même fait l’objet d’un film « Leap » (夺冠) en 2020. Même si leur célèbre entraîneuse Lang Ping, 61 ans, a endossé la responsabilité de cet échec et annoncé mettre un terme à sa carrière, les « guerriers du clavier » (键盘侠) s’en sont pris à la capitaine de l’équipe, l’attaquante vedette et porte-drapeau Zhu Ting, qui a annoncé avoir porté plainte contre ses détracteurs dès la fin des JO.

Autre cas de harcèlement en ligne, celui de Wang Luyao : éliminée de la sélection finale du tir à 10 m, la tireuse a reconnu « s’être dégonflée » et présenté ses excuses au public sur Weibo, accompagnées d’un selfie. Un post qui lui valut un torrent de critiques, les internautes jugeant son attitude « désinvolte », « indigne » d’une athlète d’un tel niveau…

Sa coéquipière Yang Qing, pourtant médaillée d’or, n’a pas non plus échappé aux hordes de trolls nationalistes, qui sont allés jusqu’à dénicher une vieille photo de sa collection de baskets Nike pour l’accuser de ne pas être assez patriote. « Nos marques chinoises, comme Erke, Li-ning, et Anta, ne sont-elles pas assez bien [pour toi] ? », lui asséna Liu Hao, présentateur de Beijing TV.

Pour mettre fin au lynchage virtuel des athlètes, Weibo a finalement fermé le compte de 33 utilisateurs, avec l’appui de la presse officielle…

Gong Lijiao, Yang Shuyu, et Hou Zhihui

Enfin, malgré le fait que les athlètes chinoises ont remporté plus de la moitié des médailles pour leur pays, certaines d’entre elles ont été la cible de commentaires sexistes de la part de journalistes. « Quand te marieras-tu ? Quand fonderas-tu une famille ? Quand redeviendras-tu une femme ? Fais-tu des bras de fer avec tes petits amis ? », se sont vu questionner Hou Zhihui, l’haltérophile jugée trop « virile » et Gong Lijiao, la lanceuse de poids trop « enrobée ».

Toutefois, de nombreuses internautes ont pris leur défense, affirmant au contraire s’identifier à ces sportives à la beauté non conventionnelle. De fait, ces JO ont eu l’effet d’une campagne « body-positive » auprès des Chinoises, incitées par la diversité des athlètes à s’accepter telles qu’elles sont. Un esprit de tolérance qui fait aussi partie de l’esprit olympique !


JO : Quan Hongchan, chouchoute du public
Quan Hongchan, chouchoute du public

Elle aime les jeux vidéo et les « lajiao » (辣条), snacks épicés. Du haut de ses 14 ans (plus jeune athlète chinoise des JO), Quan Hongchan (全红婵) a décroché l’or en réalisant trois parfaits plongeons lors de l’épreuve de haut vol à 10m aux JO de Tokyo – une performance remarquable pour sa toute première compétition internationale.

Quan a débuté le plongeon à l’âge de sept ans et a dû réaliser environ 400 plongeons par jour à l’école sportive d’élite de Zhanjiang (Guangdong) pour arriver à un tel niveau.

Surnommée affectueusement « petite sœur de la nation », sa franchise rafraichissante, confiant n’être jamais allée dans un parc d’attractions ou son rêve d’ouvrir un supermarché, a conquis les spectateurs chinois, plus habitués à des réponses « toutes faites » de la part des athlètes.

« Ma mère est malade, je ne pourrais pas dire de quelle maladie elle souffre puisque je ne sais pas prononcer ce caractère. Je veux seulement gagner de l’argent pour payer son traitement et la soigner », a-t-elle déclaré.

Lorsque le public a appris que la jeune championne était issue d’une famille pauvre, les dons se sont mis à affluer : des paquets de « lajiao », 200 000 yuans et même une maison ! Des offres que le père, producteur d’oranges, a poliment déclinées, appelant simplement les curieux à cesser de venir troubler la quiétude de son petit village du Guangdong… Depuis les JO, plus de 80 marques ont été déposées (illégalement) au nom de sa fille, victime de sa popularité éclair.

Si les fans de Quan Hongchan attendent déjà avec impatience sa participation aux JO de Paris en 2024, ils rêvent aussi d’un doublé avec sa petite soeur de 12 ans, Quan Hongtao, qui fréquente la même « fabrique à champions », l’école de Zhanjiang. Son frère cadet de 10 ans est également inscrit là-bas… Comme quoi, le plongeon chez les Quan, c’est une affaire de famille !


Agriculture : Le cannabis est d’origine chinoise !
Le cannabis est d’origine chinoise !

On a longtemps cru que le chanvre (Cannabis sativa) avait été domestiqué en Asie centrale. Faux !

En analysant des plantes de cette espèce en provenance du monde entier, des scientifiques viennent de démontrer que le chanvre a été domestiqué voici 12 000 ans en Chine.

L’étude, publiée mi-juillet, menée par une équipe internationale de chercheurs coordonnée par le Dr. Luca Fumagalli de l’Université de Lausanne, explique que, par rapport à d’autres cultures, celle du chanvre a largement été sous-étudiée, du fait des restrictions réglementaires appliquées à l’espèce par de nombreux pays.

Ces travaux ont consisté dans l’examen comparatif de 110 génomes de chanvre couvrant l’ensemble de la diversité génétique historique et moderne de l’espèce : types sauvages, à fibres, médicinaux et psychotropes, variétés cultivées et plantes férales.

Leurs analyses démontrent que tous les types actuels de cannabis dérivent d’un événement unique de domestication survenu en Asie de l’Est. D’ailleurs les chanvres sauvages que l’on trouve aujourd’hui en Chine sont les descendants les plus proches du pool génétique ancestral dont sont dérivés les types à fibres et ceux à marijuana.

Elles prouvent aussi que le cannabis a été cultivé pendant des millénaires par les paysans chinois comme une plante multifonctionnelle à la fois pour ses fibres textiles, pour son grain et son huile alimentaire, ses propriétés médicinales et récréationnelles (ces dernières ayant été, très tôt, intégrées dans divers rituels religieux), et cela surtout en Chine du Nord, la Chine du Sud cultivant une autre fibre végétale indigène, la ramie (Boehmaria nivea).

Ce n’est qu’il y a environ 4000 ans que des variétés spécialisées ont été sélectionnées, soit pour une production plus importante de fibres, soit pour une teneur accrue en cannabinoïdes ; les types à fibres sont alors devenus plus hauts et peu branchus, tandis que les types utilisés comme marijuana (大麻, ) ont été orientés vers des ports plus ramassés, branchus, aux hampes florales plus riches en fleurs afin d’augmenter la production de résine.

Ces résultats sont en cohérence avec les premières traces archéologiques de chanvre découvertes à ce jour en Chine dans le site néolithique de Xiarendong daté de 8000 av. J.-C., situé dans le Jiangxi. Ils expliquent que le Shénnóng běncǎo jīng (神农本草经), le Classique de la matière médicale du Laboureur Céleste, plus ancien ouvrage chinois traitant des drogues végétales, animales et minérales attribuée au légendaire empereur Shennong (circa 2800 av. J.-C,) cite le cannabis, et que Confucius (551-479 av. J.-C.) évoque l’espèce comme une des cinq principales cultures de la Chine à son époque dans son Classique des Rites ou Liji.

Aujourd’hui, la Chine produirait la moitié du chanvre mondial. Sa culture est officiellement autorisée dans trois provinces (Yunnan, Heilongjiang et Jilin) à des fins textiles, industrielles et de papeterie. Au total, le secteur pèserait 1,5 milliard de $, majoritairement tourné vers l’export (Europe et Amérique du Nord). 

Pour le reste, le cannabis est considéré par la Chine comme un dangereux narcotique depuis 1985, et son trafic peut être puni de la peine de mort. Une tolérance zéro héritée des guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860) et des ravages causés par cette drogue au XIXème siècle.

Afin de prévenir toute attitude laxiste à l’égard des drogues chez les jeunes consommateurs chinois, mais également tout détournement de la chaîne d’approvisionnement, Pékin vient également d’interdire en juin tout dérivé du cannabis (dont le cannabidiol, CBD) dans les cosmétiques, et ce, malgré le boom des produits de beauté issus d’ingrédients naturels, en Chine et dans le reste du monde. Les huiles et crèmes à base de CBD vivent donc leurs dernières heures sur les plateformes de e-commerce (cf capture d’écran) !

Par Alain P.  Bonjean


Chiffres de la semaine : 9,83 secondes, 36 000 km2 de forêts, 20 millions de Chinois nés après 1990, 89 200 Hongkongais…
9,83 secondes, 36 000 km2 de forêts, 20 millions de Chinois nés après 1990, 89 200 Hongkongais…

36 000 km2 : c’est l’étendue de forêts que la Chine ambitionne de planter chaque année d’ici 2025, soit un peu plus que la superficie de la Belgique ! À elle seule, la capitale chinoise Pékin va planter 15 millions d’arbres tous les ans. Comme pour souligner l’importance de ce programme de reboisement dans les efforts pour atteindre la neutralité carbone en 2060, le Président Xi Jinping a réalisé sa première visite d’inspection le 23 août (cf photo) depuis le conclave balnéaire de Beidaihe, au parc de Saihanba (700 km2), « poumon vert de Pékin » situé à 450 km de la capitale.

Dans quatre ans, la surface boisée du pays devra couvrir 24,1% du territoire (contre 23% aujourd’hui), dont 18% de parcs nationaux. Si la Chine y arrive, cela signifiera qu’elle aura atteint – avec cinq ans de retard – l’un des « Objectifs d’Aichi ». Conclu en 2010, cet accord, visant à lutter contre la perte de biodiversité, ambitionnait de protéger 17% des zones terrestres du globe d’ici 2020. Mais aucun des 20 objectifs n’a été réalisé à l’échelle mondiale, ou seulement partiellement… Ce plan sera remis à jour lors de la COP15 à Kunming du 11 au 24 octobre prochain.

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(Seuls) 20 millions de Chinois nés après 1990 (sur 170 millions), sont mariés. Le taux de mariage chez les moins de 30 ans est donc d’un peu plus de 10%, deux fois moins que les générations précédentes. Ces données sont révélatrices de la pression sociale qui pèse sur les jeunes Chinois, souvent contraints de repousser leur union à plus tard, faute d’en avoir les moyens. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à abandonner l’idée de se marier et d’avoir des enfants… Un constat amer pour le gouvernement qui veut rééquilibrer sa pyramide démographique marquée par trois décennies de politique de l’enfant unique, en stimulant les naissances. Pour y arriver, Pékin vient d’officialiser en août l’assouplissement du planning familial à trois enfants.

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9,83 secondes : c’est le nouveau record d’Asie réalisé à Tokyo par le sprinter chinois Su Bingtian, 32 ans, en finale du 100 m, discipline « reine » des JO. Même si l’athlète a terminé 6ème de la course, le 100m a été l’épreuve des JO la plus regardée en Chine (avec 4,8% de l’audimat total). Les autres épreuves les plus suivies sont les finales de différentes disciplines d’athlétisme et de tennis de table. Au total, la chaine CCTV-5, dédiée aux JO, a recensé 883 millions de téléspectateurs durant la période et une durée de visionnage en hausse de 44%.

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89 200 personnes : c’est le déficit migratoire qu’a enregistré Hong Kong les douze derniers mois (de juin 2020 à juin 2021). Ce chiffre est quatre fois plus élevé que celui, déjà négatif (- 20 900 personnes), recensé sur la période 2019-2020. Cette chute marque le premier déclin significatif (-1,2%) depuis 1961 de la population hongkongaise, qui totalise 7,394,700 âmes. La seule fois où l’île a enregistré une légère baisse (-0,3%) remonte à 2003, en pleine épidémie du SRAS.

L’administration hongkongaise justifie cette récente contraction par la pandémie et les restrictions aux frontières, qui ont freiné les arrivées. Elle tente de minimiser la situation, arguant que ces départs ne sont pas forcément définitifs et qu’ils pourront être remplacés par des Chinois du continent. Huang Liuquan, vice-directeur du Bureau central des Affaires hongkongaises, en visite officielle dans la « région administrative spéciale » fin août, a également affirmé que cet exode n’a rien à voir avec le passage en force de la loi de sécurité nationale en juin 2020…


Interview : « Trois questions à… Maxime Finet, de CITIC Securities »
« Trois questions à… Maxime Finet, de CITIC Securities »

Pour cette troisième édition des « French Insiders », l’équipe French Tech Beijing présidée par Jean Dominique Séval recevait Maxime Finet, qui a rejoint il y a plus de sept ans le département fusions-acquisitions de CITIC Securities, filiale spécialisée de CITIC group, le plus ancien et important groupe financier du pays. Héléna Javitte, vice-présidente de French Tech Beijing, a interrogé Maxime sur ce qu’il retenait de cette expérience rare d’un français plongé au cœur du système financier chinois.

Comment décririez-vous votre métier, tel que vous l’exercez ici à Pékin, à la lumière de votre expérience occidentale ?

Il y a en effet de nombreuses spécificités, qui m’ont beaucoup surpris au début.

Il faut garder en mémoire que le système financier chinois « de marché » a seulement trente ans d’existence, ce qui est très récent lorsqu’on le compare aux places de Paris, Londres ou New York. Ainsi, les gens qui pilotent aujourd’hui les entreprises privées, même grandes et cotées, sont encore les fondateurs, ce qui est rarement le cas à l’Ouest où les dirigeants sont des managers formés dans des MBAs et mandatés par les assemblées d’actionnaires. Cela crée une relation avec les banquiers particulière sur 2 niveaux.

D’abord, le banquier qui coordonne la cotation de l’entreprise sur le marché est l’artisan de la fortune du fondateur. Il se crée donc une proximité personnelle très forte entre l’entrepreneur et le banquier de l’IPO, qui restera le prestataire de services indétrônable pour la grande majorité des opérations financières de l‘entreprise. Aussi, les fondateurs, qui connaissent parfaitement les secteurs qu’ils ont dans un certain sens créés, attendent moins de leur banquier des conseils stratégiques qu’une aide technique pour créer les instruments financiers nécessaire à leur développement, qui plus est dans un système où la régulation est bien plus centrale et évolue bien plus vite qu’en Occident. C’est donc plus un rôle de conseiller en régulation qu’un expert de valorisation et négociation comme cela l’est en Occident.

A quels challenges personnels avez-vous été confrontés ?

Ils sont très nombreux ! Je travaille au sein d’une SOE (State-owned enterprise), directement contrôlée par l’Etat. Une des caractéristiques des SOE est un accent très fort mis sur le contrôle des risques et une bureaucratie interne polycéphale. Le travail de reporting, en langue chinoise, est donc volumineux et souvent redondant.

Si mon statut d’étranger m’a valu bien des traitements de faveurs dans les premiers temps, ceux-ci s’estompent et il faut finalement se mettre au régime local…

Mais c’est sans doute les qualités d’adaptation qui sont les plus importantes. Il ne suffit pas d’apprendre à parler mandarin, il faut également savoir décrypter les attitudes. Par exemple, concernant le style de management, on ne doit pas s’attendre à des retours constructifs sur le travail fait. Il faut comprendre par soi-même, à travers les compliments polis, les signaux envoyés par ses supérieurs et ses pairs, et être capable de s’améliorer seul.

De plus, la concurrence ne vient pas seulement de l’extérieur. Le management « à la chinoise » organise souvent une constante compétition en interne. Tous les collaborateurs sont des concurrents en puissance, ce qui est censé émuler la performance et rendre visible l’émergence des plus talentueux. Le contrepoint de ce type d’organisation est que, au-delà des slogans, la coopération s’avère difficile et ne fait pas réellement partie de la culture d’entreprise.

Enfin, quels sont les quelques conseils que vous donneriez à un nouvel arrivant en Chine ?

C’est toujours difficile de donner des conseils car chaque expérience est unique. Mais voici ce qui me semble important de mettre en pratique pour travailler le plus sereinement possible et obtenir des résultats :

-identifier ses « avantages comparatifs », c’est-à-dire trouver en soi-même ce qui vous distingue, que les collègues n’ont pas et auront du mal à imiter ;

-prendre le temps d’entretenir des relations cordiales avec les collègues, se plier aux « smalls talks » et au jeu des politesses et compliments. L’important n’est pas d’être honnête et direct, mais plutôt d’être agréable et arrangeant pour préserver l’« harmonie » ;

-essayer de comprendre comment vos collègues peuvent percevoir un problème, imaginer qu’il y a des éléments en arrière-plan dont vous n’avez pas connaissance et agir prudemment, permet d’éviter de nombreux faux pas !


Rendez-vous : Semaines du 30 août au 3 octobre
Semaines du 30 août au 3 octobre

31 août-2 septembre, Shanghai : SIBT, Salon professionnel chinois des technologies de construction intelligentes REPORTÉ au 10-12 décembre

1-3 septembre, Shanghai : AUTOMOTIVE TESTING EXPO, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles REPORTÉ au 13-15 décembre

1-3 septembre, Shanghai : MEDTEC, Salon et conférence des constructeurs chinois de matériel médical REPORTÉ au 20-22 décembre

1-3 septembre, Shenzhen : ELEXCON 2021, Salon chinois de la Hi Tech. ELEXCON présente technologies et applications innovantes concernant l’IA, la maison intelligente, l’internet des objets, les véhicules intelligents, les systèmes intelligents de l’industrie et les nouvelles énergies REPORTÉ au 27-29 septembre

2-7 septembre, Pékin: CIFTIS, Salon international du commerce des services

3-5 septembre, Pékin : CAFE SHOW CHINA 2021, Salon international des cafés de Chine. CAFE SHOW CHINA expose café, thé, chocolat, apéritifs, desserts, alcools, vins, produits de boulangerie, glaces, matières premières, machines, équipements, instruments de cuisine… REPORTÉ au 15-17 octobre

8-10 septembre, Pékin : CIOF 2021, Salon international de l’optique REPORTÉ à une date ultérieure

8-11 septembre, Xiamen : CIFIT 2021, Salon chinois international de l’investissement et du business

9-11 septembre, Canton : CHINA GLASSTEC EXPO – CGE 2021, Salon international de l’industrie du verre, des matières premières, technologies et machines dédiés à la production de produits en verre 

9-11 septembre, Shenzhen : PCIM ASIA 2021, Salon international et congrès sur l’électronique de puissance, le contrôle de déplacement, les énergies renouvelables et la gestion de l’énergie

10-12 septembre, Canton : CIPFE 2021, Salon international des aliments importés. 

10-12 septembre, Canton : HCI EXPO 2021, Salon international de l’alimentation saine et biologique en Chine

14-15 septembre, Nankin : SINO-GERMAN BIOENERGY CONFERENCE 2021, Conférence sino-allemande sur les bioénergies

15-17 septembre, Canton: IE EXPO GUANGZHOU 2021, Salon professionnel international de la gestion et traitement de l’eau, du recyclage, du contrôle de la pollution atmosphérique et des économies d’énergie

17-20 septembre, Chongqing : CIMAMOTOR 2021, Salon chinois international du deux-roues. Le plus grand salon de la moto en Chine

23-25 septembre, Shenzhen : CIEFAIR – CHINA INTERNATIONAL INTERNET & E-COMMERCE 2021, Salon international de l’internet et du e-commerce

24-26 septembre, Canton : FRUIT EXPO 2021, Salon mondial de l’industrie des fruits et conférence mondiale de l’industrie des fruits

24-26 septembre, Canton  : IHE – INTER HEALTH EXPO 2021, Salon international de l’alimentation et des produits issus de l’agriculture biologiques