Le Vent de la Chine Numéro 27 (2021)
Le triomphe modeste du champion de la mobilité Didi Chuxing (滴滴出行) lors de son entrée en bourse à New York, aurait pu mettre la puce à l’oreille…
48h après avoir levé 4,4 milliards de $ à Wall Street le 30 juin, la plateforme aux 377 millions d’utilisateurs actifs et 13 millions de chauffeurs en Chine, s’est retrouvée mise sous enquête par l’administration du cyberespace (CAC).
Deux jours plus tard, le régulateur de l’internet chinois accentuait la pression en suspendant Didi des App Stores et en imposant à l’entreprise fondée en 2012 par Cheng Wei, un ancien cadre d’Alibaba, et présidée par Liu Jean, la fille du fondateur de Lenovo, de ne plus embarquer de nouveaux passagers. Une sanction également infligée à deux autres firmes récemment cotées à New York : le site de recrutement en ligne BOSS Zhipin et le « Didi du transport routier » Full Truck Alliance.
La CAC les soupçonne, sans le dire explicitement, d’avoir partagé des données sensibles avec les autorités boursières américaines et ainsi d’avoir mis en danger la « sécurité nationale » du pays – une première.
Elle s’inquiète aussi d’une fonctionnalité de Didi qui peut révéler par inadvertance aux utilisateurs, l’emplacement et la fréquentation des ministères, des institutions gouvernementales, des prisons, des installations militaires et d’autres zones sensibles…
Même si Didi se défend d’avoir transféré la moindre donnée personnelle des usagers chinois aux États-Unis et nie avoir eu vent de sa mise sous enquête avant sa cotation, le « Uber chinois » aurait tout de même ignoré les recommandations du régulateur de repousser cette opération, pressé par ses actionnaires… Pas par hasard, l’entreprise venait de déclarer le premier bénéfice de son histoire début 2021, de 196 millions de yuans (25 millions d’euros).
Sous cette lumière, la « duplicité » de Didi qui consulte le régulateur, mais passe outre ses mises en garde en se précipitant à Wall Street à la veille du 100ème anniversaire du Parti, pourrait lui coûter cher…
Mais pourquoi la CAC n’a-t-elle tout simplement pas opposé son veto à l’entrée en bourse de Didi – à la manière de Ant en novembre 2020 dont la double cotation à Shanghai et Hong Kong avait été annulée à la dernière minute ? L’explication officielle est qu’elle n’en avait pas l’autorité. Une faille juridique que Pékin compte combler par de nouvelles règles annoncées le 6 juillet, visant à renforcer la supervision des entreprises chinoises de la tech qui envisagent de lever des fonds hors frontières, comme de celles qui sont déjà cotées à l’étranger, notamment via des « entités à détenteurs de droits variables » offshores, qui leur permettent de contourner les restrictions du gouvernement chinois. Le message de Pékin est clair : désormais, plus aucun groupe ne sonnera la cloche de Wall Street sans avoir reçu le feu vert de toutes les agences gouvernementales.
Sans surprise, ce « sabotage volontaire » de Pékin lors de l’entrée en bourse de Didi fait des mécontents aux Etats-Unis. Plusieurs investisseurs américains se rassemblent déjà pour intenter un recours collectif contre Didi, qui s’était pourtant longuement étendu sur les risques réglementaires qui pesaient sur lui avant ses débuts à Wall Street… Sautant sur l’occasion, certains élus, démocrates comme républicains, se servent de l’affaire Didi comme prétexte pour durcir le ton contre les entreprises chinoises cotées en bourse aux USA – un découplage financier qui s’aligne sur les intérêts de Pékin. En effet, depuis l’affaire Luckin Coffee, exclu du Nasdaq à l’été 2020 pour avoir falsifié son chiffre d’affaires de quelques milliards de yuans, les firmes chinoises risquent l’expulsion si elles ne se conforment pas aux standards américains en matière d’audit financier – ce que refuse catégoriquement le gouvernement chinois. Même sentence si elles ont un lien avec les activités militaires chinoises…
Pour autant, ces menaces n’ont pas dissuadé les firmes innovantes chinoises d’entrer en bourse à New York. Au contraire, anticipant une fermeture des portes de Wall Street ou une tempête antitrust venue de leur pays d’origine, pas moins de 34 entreprises chinoises y ont fait leurs débuts depuis le début de l’année, levant le montant record de 12,4 milliards de $, au grand dam de Pékin, qui aurait préféré les voir entrer sur le marché STAR de Shanghai ou le ChiNext de Shenzhen. Mais, face à Wall Street, les « Nasdaq » chinois ne font pas le poids, réputés pour leurs procédures d’entrée longues et fastidieuses, de manière à protéger les petits porteurs chinois et à ne pas déstabiliser la sacro-sainte stabilité sociale.
Cependant, la punition de Didi a jeté un froid sur une vingtaine d’autres firmes chinoises qui ont déjà engagé des démarches auprès de la commission des opérations boursières américaine (SEC) ou qui envisageaient de le faire. Parmi elles, le spécialiste des scooters électriques en libre-service HelloBike, l’application fitness Keep, la plateforme d’e-commerce Xiaohongshu, celle de podcasts Ximalaya, la firme de services de « cloud computing » Qiniu, l’expert des solutions médicales LinkDoc Technology, voire le créateur de l’application TikTok, ByteDance.
Pour assurer leurs arrières, les grands noms de la tech, déjà cotés aux États-Unis, ont opté pour une seconde cotation en bourse de Hong Kong, sorte de compromis entre leur appétit de financements étrangers et leur devoir de loyauté envers Pékin. C’est la stratégie adoptée par Alibaba et son rival JD.com, le géant des jeux vidéo NetEase, et plus récemment par le constructeur de véhicules électriques Xpeng. D’autres pourraient leur emboîter le pas… C’est donc non sans une pointe d’ironie que l’ancienne colonie britannique, aujourd’hui sous le joug d’une loi de sécurité nationale, devrait être la grande gagnante de ce nouveau tour de vis de Pékin.
En l’espace d’une dizaine de jours entourant le centenaire du Parti le 1er juillet, ce n’est pas un, deux, mais trois centres dédiés à la « pensée de Xi Jinping » qui ont été inaugurés. L’un sur « la pensée de Xi Jinping sur la civilisation écologique » sous la houlette du ministère de l’Environnement, un autre sur « la pensée de Xi Jinping sur la gouvernance selon la loi », et un dernier sur « la pensée de Xi Jinping sur l’économie » relié à la NDRC (un énième coup dur pour les Likonomics, la doctrine du Premier ministre Li Keqiang).
Leur rôle ? Interpréter l’idéologie éponyme du Secrétaire général et trouver les meilleurs moyens de l’appliquer et de la répandre.
L’étude de la « pensée de Xi » est déjà obligatoire dans les universités, pour les journalistes et pour tous les cadres. Elle dispose même de sa propre application mobile, « la plus téléchargée du pays » d’après la presse officielle.
Élément intrigant : l’inauguration de ces centres n’a pas fait l’objet d’une couverture médiatique intense, ni d’une présence à haut niveau. Est-ce le signe d’une intensification des luttes intestines au sein du Parti ou d’un désir de profiter des célébrations liées au 100eme anniversaire du Parti pour ne pas attirer l’attention ? Cela n’a toutefois pas échappé à certains internautes : « de chaque domaine de recherche transpire le culte de la personnalité et les luttes politiques… Cela va mal finir », écrivait l’un d’entre eux.
Ces trois instituts viennent s’ajouter à deux autres : celui sur « la pensée de Xi Jinping sur une armée forte » inauguré en mai 2019 et celui sur « la pensée de Xi Jinping sur la diplomatie », lancé en juillet 2020, complété en juin par un site web recensant les discours, les citations, les voyages à l’étranger de « l’hyper-Président ». Lors de la cérémonie d’inauguration (cf photo), le ministre des Affaires étrangères Wang Yi, avait qualifié Xi Jinping de « grand stratège ».
Au total, une vingtaine de centres d’études à des niveaux inférieurs (l’Académie nationale des Sciences sociales, l’École Centrale du Parti…) et dans les provinces (au Shandong, lieu de naissance de Confucius, ou encore au Zhejiang et au Fujian, bases d’influence de Xi Jinping), ont été créés depuis le 19ème Congrès de 2017, date à laquelle « la pensée de Xi Jinping du socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère » (son nom complet) a été enchâssée dans la constitution du Parti et celle du pays. Un tour de force pour Xi Jinping, puisqu’elle contient son nom, à l’inverse de ses prédécesseurs directs, Hu Jintao et Jiang Zemin.
La prolifération inédite dans l’histoire du PCC de ces « instituts de recherche » dédiés à l’idéologie d’un dirigeant n’est pas sans rappeler la multiplication des « groupes directeurs » depuis l’arrivée aux affaires du Président Xi, venus grignoter les attributions des administrations et organes existants afin de renforcer son pouvoir personnel.
Dans la même ligne, le déploiement de ces outils de propagande a pour objectif de consolider l’emprise idéologique de Xi sur le pays, reflétant l’ambition sans limite du leader de se hisser au panthéon de l’histoire. Ce mouvement devrait se renforcer d’ici le 20ème Congrès du Parti à l’automne 2022, durant lequel Xi Jinping est quasi certain de rafler un troisième mandat, après avoir détricoté toutes les règles de gouvernance (alternance, succession, direction collégiale…) instaurées par Deng Xiaoping et censées éviter le retour au pouvoir solitaire et le culte de la personnalité. Des dangers vers lesquels Xi Jinping se dirige à grands pas.
Indispensables à tout voyageur chinois, les nouilles instantanées sont devenues un aliment identitaire de la Chine, au même titre que la baguette de pain en France ou le hamburger aux États-Unis.
Durant les années 2000, le marché des « fāngbiàn miàn » (« nouilles pratiques » en chinois, 方便面) a connu une croissance exponentielle dans le pays, d’environ 20% chaque année.
Premier pays consommateur au monde, l’Empire du Milieu produisait 46,2 milliards de sachets de nouilles précuites par an en 2013 – un record.
À l’époque, les Chinois en engloutissaient plus de 1500 sachets par seconde ! Même les touristes à l’étranger n’oubliaient pas d’apporter cet « essentiel » dans leurs valises, suscitant l’exaspération des hôteliers aux quatre coins du monde qui ont fini par enlever les bouilloires des chambres… Face à ce tollé, le Président Xi Jinping a même dû prier ses compatriotes en 2014 de goûter davantage à la cuisine locale.
Et puis, patatras, la demande intérieure a enregistré une chute drastique de 10 millions de sachets par jour en 2014 et 2015 (cf. graphique).
Appelés à la rescousse par l’industrie interloquée, les analystes expliquèrent ce désintérêt brutal par l’urbanisation croissante du pays qui a entrainé une baisse du nombre de travailleurs migrants, grands consommateurs (avec les étudiants) de cet encas rapide et pas cher.
Autre aspect : le développement des infrastructures ferroviaires et routières qui a permis de raccourcir la durée des voyages domestiques, remettant en cause la nécessité d’emporter des nouilles instantanées dans ses bagages. À chaque progression de 1% du kilométrage du TGV chinois, la consommation desdites nouilles se contractait de 0,3%.
Dans les villes, la tendance était similaire : soucieux de manger sainement, les citadins ont fini par bouder ce plat dans lequel les nutritionnistes décelaient la présence de « calories vides » (qui n’ont aucune valeur nutritive) et une haute teneur en sel et graisses saturées.
Dernier facteur : le boom de la livraison de repas à domicile. « Pourquoi s’embêter à faire bouillir de l’eau pour manger un bol de nouilles déshydratées, alors que l’on peut se faire livrer en quelques minutes un plat cuisiné pour le même prix ? »
Mais les grands groupes agroalimentaires – les leaders taïwanais MasterKong et Uni-President, le japonais Nissin Foods, le chinois Jinmailang – n’avaient pas dit leur dernier mot.
À partir de 2016, conscients que les nouilles bon marché et pauvres en apports nutritifs n’avaient plus la cote auprès d’une clientèle urbaine plus aisée, ils ont revu leurs recettes en proposant des nouilles instantanées « riches en vitamines » pour les enfants afin de favoriser leur croissance et leurs succès scolaires, ou encore « enrichies en fibres » pour les femmes soucieuses de garder la ligne et les seniors désireux de repousser les limites de l’ostéoporose… « La qualité a un prix », rappellent certains influenceurs rémunérés par les fabricants. De fait, les nouilles les plus chères du marché peuvent aujourd’hui dépasser les 50 yuans. Le packaging a également été revu, délaissant les simples sachets pour des bols plus élaborés et tendance, qui plaisent aux jeunes actifs.
Le pari a été gagnant : les ventes de ces nouilles ont repris dès 2017, portées par le segment « premium ». Et malgré la crise du Covid 19 et les problèmes logistiques qu’elle a engendrés, le volume des ventes a progressé de 0,1% tandis que son chiffre d’affaires a bondi de presque 5%. En effet, pendant la crise sanitaire, les Chinois se sont rués sur cet « aliment-réconfort » pour en faire des stocks chez eux. C’est ce qui explique que durant les premiers mois de 2020, le nombre de recherches du mot « fangbianmian » sur les plateformes de e-commerce a été multiplié par 200 ! Reste à voir si cette reprise va se confirmer à l’avenir…
240 000 tonnes d’algues vertes, connues sous le nom d’Enteromorpha prolifera, ont été retirées par près de 7000 bateaux et bulldozers des plages de Qingdao (Shandong) au 3 juillet. La prolifération de cette « laitue de mer » peut s’expliquer par une décharge massive de phosphates ou de nitrates dans l’eau, que ce soit dû à l’agriculture, aux eaux usées non traitées ou aux déchets industriels… L’ampleur de cette « marée verte » en mer Jaune est inédite depuis 2013, et la situation devrait perdurer jusqu’à mi-août selon les autorités locales. Une partie des algues récupérées est transformée en engrais naturel.
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10 000 : c’est le nombre de « petits géants » (“小巨人”企业), ces PME méconnues du grand public, mais leaders mondiaux sur un marché de niche, que la Chine ambitionne de développer d’ici 2025 afin de réduire sa dépendance vis-à-vis des spécialistes américains, japonais, ou européens. Pour y parvenir, Pékin envisage de soutenir ces « champions cachés » (selon le terme de l’économiste allemand Hermann Simon) à hauteur de 10 milliards de yuans d’ici 2025, notamment via le biais d’exemptions fiscales. Quelles sont les PME chinoises qui peuvent prétendre à ces aides ? Selon les critères du gouvernement central publiés en 2018, elles devaient afficher un chiffre d’affaires annuel de 100 à 400 millions de yuans (52 millions d’euros) et un taux de croissance d’au moins 10% chaque année, affecter plus de 15% de leurs effectifs à la R&D, et disposer d’au moins 5 brevets d’innovation.
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600 millions de bouteilles de vin, d’une valeur de 3,12 milliards de $ : c’est l’objectif de production que doit atteindre d’ici 2035 la région des montagnes Helan au Ningxia, dont la latitude est similaire à celle de Bordeaux. Cela reviendrait à quadrupler la production actuelle dans la région autonome, principalement destinée au marché chinois. Si cet objectif ambitieux est atteint, le volume serait comparable à celui de la célèbre région viticole française (522 millions de bouteilles produites en 2020), sans pour autant pouvoir rivaliser en valeur (4,16 milliards de $). En 2020, la Chine était le 6ème pays au monde en termes de consommation de vin, et 10ème en termes de production au litre. La France elle, se classe seconde dans les deux catégories.
« Vous partez au bon moment ! » dit-on souvent à l’étranger qui vient de séjourner plusieurs années dans un pays. Faut-il en dire autant à Eric Meyer qui quitte la Chine en 2019 alors que l’étau se resserre à nouveau sur des citoyens de plus en plus surveillés, des minorités mises au pas, des Hongkongais bâillonnés et des Taïwanais menacés comme jamais ? Chaque période de la Chine est passionnante à observer.
Durant 32 années passées dans l’empire rouge, Eric Meyer aura largement vécu les tournants historiques de la seconde puissance économique mondiale. L’auteur nous a déjà livré une bonne dizaine de livres bien documentés sur la Chine, qui vont des chroniques de la vie ordinaire à la découverte du Tibet, en passant par la répression de Tiananmen en juin 1989. Mais cette fois, il a choisi la BD pour raconter, avec des illustrations justes et sobres, souvent amusantes d’Aude Massot qui s’est imprégnée de vie chinoise avant d’attaquer ses dessins.
« Robinson à Pékin, journal d’un reporter en Chine » nous présente ainsi sous un aspect bon enfant, ce que furent les premières années de la vie chinoise d’Eric Meyer et de son épouse Brigitte, depuis leur arrivée en 1987 jusqu’à la répression du mouvement de la place Tiananmen, le 4 juin 1989.
Etonnant parcours que celui de ce journaliste qui commence sa carrière comme correspondant auprès des Communautés européennes à Bruxelles et qui décide de rompre avec l’ennui et la routine pour se lancer sans contacts et sans accréditations dans la couverture de la Chine.
Pigiste ? Journaliste indépendant ? Le régime chinois ne connait pas ces appellations. Pour lui un journaliste, s’il est chinois, est automatiquement recommandé par le Parti. S’il est étranger il est introduit par une rédaction nationale ou au mieux par son ambassade. A force de démarches, de lettres, de coups de téléphones, de persuasion et de convictions, Eric Meyer devient ainsi le premier pigiste étranger en Chine… C’est finalement le journal « Les Dernières Nouvelles d’Alsace » qui va l’accréditer.
Quand il débarque à Pékin, la ville est bleue… C’est la couleur uniforme des vêtements de la population qui roule à bicyclette : « les voies pour voitures sont vides, celles pour vélo sont pleines » remarque-t-il. Eric Meyer adoptera ce mode de transport pour ses reportages. Il veut s’imprégner de la vie des habitants qui surprend le visiteur à chaque coin de rue : les files d’attente, les tickets de rationnement, la double monnaie, l’une réservée aux Chinois, l’autre aux étrangers (FEC). Un simple voyage en train constitue une aventure. C’est une belle occasion de rencontrer les gens, le petit peuple, une découverte de leur mode de vie et de leur comportement.
En Chine, à cette époque, tout est décidé par la Danwei, l’unité de travail qui a la main sur tous les aspects de votre vie : le boulot, les vacances. C’est la Danwei qui va décider de votre date de mariage et de la possibilité d’avoir un enfant.
Eric Meyer est suivi partout, espionné, surveillé dans tous ses reportages et ses rencontres. Le ministère des Affaires étrangères accepte finalement de l’accréditer sous pression de l’ambassade de France mais aimerait bien trouver une bonne raison de l’expulser. Il fait ainsi l’expérience d’une tentative de séduction par une femme pour le piéger. La méthode, très en vogue chez le voisin soviétique, est éculée mais bien réelle. Eric affronte les appels téléphoniques incessants d’une soi-disant admiratrice qu’il qualifie de « cougar socialiste spécialisée dans le gibier français ». Il parviendra à la décourager.
Quand la révolte de Tiananmen éclate, il est fasciné et passionné par cette jeunesse étudiante qui ose descendre dans la rue pour demander la démocratie, un véritable pouvoir au peuple et la liberté d’expression. C’est le même homme, Deng Xiaoping, l’héritier de Mao Zedong, surnommé le Petit Timonier ou le Sphynx bienveillant, qui a ouvert la Chine à l’économie de marché mais va la fermer à tout système démocratique afin de préserver l’existence du Parti. On connait la suite : l’armée et ses blindés sur la place, les tirs, les fusillades, les morts… Impossible aujourd’hui encore de donner un chiffre des victimes. Les estimations vont de cinq cents à dix mille… Les dessins d’Aude Massot racontent la scène de façon tragique mais digne et sobre.
Les auteurs nous font sentir que le message du Parti est clair : toute manifestation est désormais interdite. Pour les journalistes étrangers, l’avertissement est énoncé via les haut-parleurs accrochés sur la place : « Au titre de la loi martiale, il est interdit de communiquer à l’étranger sur les opérations de pacification en cours. »
Le ton est ainsi donné pour les années à venir. Eric Meyer en fera l’expérience dans de nombreux bras de fer avec les autorités pour obtenir le renouvellement de ses visas, accréditations, permissions, autorisations de déplacement etc. Mais plus que jamais il choisit de poursuivre la couverture de cette « Chine nouvelle » qui émerge de la répression de la place Tiananmen. Il ne renonce pas quand son épouse est contrainte de partir à Hong-Kong pour la naissance de leur premier enfant, tant les hôpitaux de Pékin ont été éprouvés par le massacre du 4 juin. On peut facilement deviner qu’il y aura une suite aux aventures de ce Robinson de Pékin.
Texte de Philippe Rochot
Prix : 25 €
À Xuzhou (Jiangsu), en cette douce soirée d’octobre 1990, Zhou Jiahong profitait de la vie. À la terrasse d’un boui-boui de la Huanghe Xilu, il jouait bruyamment avec des copains au Mah-jong, sur une table encombrée, en plus des pièces du jeu, d’un nombre respectable de bouteilles de bière pleines ou vides, quand soudain apparurent quatre types venus de l’échoppe voisine. Poliment, mais fermement, ils prièrent Zhou et les siens de baisser d’un ton, afin de ne pas attirer l’attention sur le commerce, pas toujours respectable une fois la nuit tombée. Mais Zhou, excité par la bière, leur conseilla de les laisser tranquilles, tout en donnant des noms d’oiseaux aux malfrats. Cette insulte donna le signal de la bagarre : les coups fusèrent. L’issue du pugilat demeurait incertaine, quand soudain, Zhou empoigna la table, envoyant voler les empilements de tuiles, et la jeta à la tempe d’un des agresseurs qui s’effondra, cependant qu’une tache de sang s’étalait au sol de terre battue…
Tandis que les agressés se précipitaient au secours du compagnon, les autres s’enfuirent. Ils étaient en tort, les jeux d’argent étant interdits. Aussi pouvaient-ils être sûrs qu’une fois la police sur place, ils écoperaient d’un châtiment sévère, aggravé en outre par le fait que leur combat serait requalifié de rixe entre bandes.
Chez lui, Zhou Jiahong passa une mauvaise nuit, incapable de trouver le sommeil. À l’aube, il alla réveiller son père, lui confessa tout. Celui-ci lui conseilla de retourner voir sans retard. Il se rendit donc au bar, rasant les murs : ce fut pour entrevoir devant l’établissement une Santana bleu et blanc, gyrophare allumé, et des silhouettes en uniforme à l’intérieur…
De retour chez ses parents, se tint une réunion d’urgence. Ce que risquait Zhou, ce n’ était rien moins que la peine de mort si, comme il semblait vraisemblable, sa victime avait succombé. Dès lors, Zhou n’avait aucune chance, sauf à prendre le large, et pour longtemps.
D’une vieille boite à biscuits, sa mère sortit ses économies : 2300 yuans. Dans un sac de sport léger, Zhou réunit quelques effets puis, après une dernière étreinte aux yeux humides, il marcha vers la gare routière par les ruelles, évitant les grandes avenues. Le premier bus partait pour Chongqing, à 16 heures de route. C’était inconfortable, mais au moins, contrairement aux trains et aux avions, les identités n’y seraient pas contrôlées.
Une fois sur place, Zhou Jiahong prit une chambre d’hôtes et se chercha un gagne-pain. Mais impossible de trouver un travail correct sans certificat d’employeur. Pour sa sécurité aussi, il devait rester en clandestinité : dans le bus, un voyageur lui avait raconté les procédures de la police face aux fugitifs, le fichier central, le taux de rattrapage moyen de 95%… Dans ces conditions, il ne lui restait plus qu’à prendre les jobs dont nul ne voulait, toujours sur le qui-vive. Et pendant tout ce temps, le taraudait le poids de sa faute, de s’être rendu assassin par pure bêtise.
Au bout de six mois, voyant dans Chongqing se profiler une opération porte à porte de contrôles d’identité, il repartit s’enterrer à Bayanhot, en Mongolie-Intérieure, à 17h de bus. Là, il put faire des remplacements dans les mines. Un jour, il fut embauché dans un four à briques. Mal lui en prit : ayant deviné sa situation de fugitif, les patrons le retinrent prisonnier, et le firent travailler sans salaire durant des années.
Souvent, sur sa couche, la nuit, Zhou Jiahong pleurait, pensant à ses parents, dont il n’avait aucune nouvelle depuis cette fameuse soirée, à ses amis, à la femme qu’il aurait pu épouser. Enfin après 20 ans de cavale, profitant d’un moment d’inattention du gardien, il réussit à s’enfuir, avec dans sa bourse juste quelques yuans, de quoi payer le bus pour Yinchuan dans le Ningxia. Là, il vivota 10 ans encore, de la collecte des déchets urbains – il triait cannettes et bouteilles de plastique et les portait au refondeur…
Enfin en octobre 2020, Zhou Jiahong fit un bilan de sa vie : après 30 ans de cette vie d’errance, il se dit que son pire ennemi, au fond, était sa conscience qui ne parvenait pas à se pardonner cette erreur de jeunesse. Cela ne pouvait plus durer ! Est-ce que par hasard, la justice des hommes n’aurait pas envers lui un peu plus de pitié ? Il se présenta pour se rendre au commissariat de Yinchuan, mais là, l’attendait la plus grande surprise de sa vie : il n’avait jamais été fiché ! Entretemps, ses parents étaient décédés, sans qu’il ait pu les revoir… Il avait manqué leurs derniers jours, pour rien !
La police lui paya quelques nippes pour son retour à Xuzhou, sa ville natale, et un billet de train. Une fois sur place, il retrouva un de ses vieux copains qui lui révéla que sa victime s’en était tirée, et que la bande de malfrats s’était gardée de porter plainte, craignant la police autant qu’eux-mêmes. Et s’il avait vu des agents au bar le lendemain, ç’avait été par un hasard malencontreux, s’agissant d’une ronde de routine…
Devant une telle vie gâchée, Zhou Jiahong pourrait se dire que sa vie a « germé, mais pas fleuri » (苗而不秀, miáo ér bù xiù). Et pourtant , tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! À 52 ans, dans la fleur de l’âge, il peut commencer à vivre sa seconde vie. Mais pour sûr, la leçon a porté : plus jamais, si tant est qu’il rejoue un jour au Mah-jong, il n’insultera plus quiconque !
13-15 juillet, Pékin : CIEPEC 2021, Salon chinois international et conférence sur la protection de l’environnement
15-17 juillet, Chengdu : CEF – CHINA ELECTRONIC FAIR 2021, Salon chinois de l’électronique. Composants électroniques, instruments de test et de mesure, équipements de fabrication, outils, photo électronique, ordinateurs, électronique pour la maison…
16-18 juillet, Urumqi : IME XINJIANG 2021, Salon international de l’industrie minière en Chine (Xinjiang)
20-22 juillet, Shanghai : INTERMODAL ASIA 2021, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire
21-24 jullet, Shanghai : SHANGHAI INTERNATIONAL ADVERTISING & SIGN TECHNOLOGY & EQUIPMENT EXHIBITION 2021, Salon international de Shanghai pour les équipements et les technologies de publicité
27-29 juillet, Shanghai : INTERMODAL ASIA 2021, Salon et conférence sur le transport naval et la logistique portuaire EN LIGNE
16-18 août, Canton : HOT EXPO CHINA 2021, Salon asiatique du chauffage domestique
16-18 août, Canton : POWER EXPO 2021, Salon international des équipements et technologies de l’énergie en Asie-Pacifique
16-18 août, Canton : WATER HEATING 2021, Salon des technologies de l’eau chaude et des pompes à chaleur en Asie-Pacifique
18-20 août, Shenzhen : CHINA SMART CARD AND RFID TECHNOLOGIES 2021, Salon international sur les technologies et applications de la carte à puce et à la RFID et à ses applications dans les produits et services
25-27 août, Chengdu : NEPCON SOUTH CHINA 2021, Salon international des matériaux et équipements pour semi-conducteurs
25-27 août, Shanghai : SHICAI 2021, Salon international des ingrédients culinaires
27-29 août, Pékin: CHINA HORSE FAIR 2021, Salon chinois international du cheval, sport et loisirs
31 août-2 septembre, Shanghai : SIBT, Salon professionnel chinois des technologies de construction intelligentes
1-3 septembre, Shanghai : AUTOMOTIVE TESTING EXPO, Salon du test, de l’évaluation et de l’ingénierie de la qualité dans les composants automobiles
1-3 septembre, Shanghai : MEDTEC, Salon et conférence des constructeurs chinois de matériel médical
1-3 septembre, Shenzhen : ELEXCON 2021, Salon chinois de la Hi Tech. ELEXCON présente technologies et applications innovantes concernant l’IA, la maison intelligente, l’internet des objets, les véhicules intelligents, les systèmes intelligents de l’industrie et les nouvelles énergies
3-5 septembre, Pékin : CAFE SHOW CHINA 2021, Salon international des cafés de Chine. CAFE SHOW CHINA expose café, thé, chocolat, apéritifs, desserts, alcools, vins, produits de boulangerie, glaces, matières premières, machines, équipements, instruments de cuisine, design des cafés, franchises…
8-10 septembre, Pékin : CIOF 2021, Salon international de l’optique
8-11 septembre, Xiamen : CIFIT 2021, Salon chinois international de l’investissement et du business
9-11 septembre, Canton : CHINA GLASSTEC EXPO – CGE 2021, Salon international de l’industrie du verre, des matières premières, technologies et machines dédiés à la production de produits en verre.