Santé : 300 millions de doses de vaccin injectées en Chine

300 millions de doses de vaccin injectées en Chine

Œufs, savons, tubes de dentifrice, parapluies, autographes de pop-star, véhicule électrique… C’est avec ces récompenses, plus ou moins attractives, que les localités chinoises espèrent convaincre leurs habitants de se faire vacciner. Pour rendre ludique la vaccination auprès des jeunes, des cadres du Shandong envisageraient même de mettre en place un code de santé « doré » pour ceux ayant reçu deux doses de vaccin.

Au 8 mai, 308 millions de doses ont été administrées à travers le pays, la Chine dépassant ainsi les États-Unis en nombre d’injections (257 millions). Rapporté au nombre d’habitants, 22 Chinois sur 100 ont reçu une dose de vaccin, c’est presque quatre fois moins qu’aux USA.

Pour le seul mois d’avril, les autorités chinoises ont administré 144 millions de doses, soit 4,8 millions chaque jour en moyenne. C’est un peu moins que les 5 millions requis pour espérer atteindre un taux de vaccination de 40% d’ici fin juin.

D’après Zheng Zhongwei, cadre chargé de la coordination de la campagne de vaccination, le rythme de production serait un frein, les labos n’arrivant pas à répondre à la demande domestique, mais aussi internationale (240 millions de doses exportées sur 500 millions promises par Pékin). « Le pays manque de doses », a admis le président du groupe Sinovac, Yin Weidong. Une situation qui devrait s’estomper « après le mois de juin ».

Autre challenge : si la Chine se contente de vacciner avec des sérums chinois, réputés moins efficaces que leurs cousins à ARN messager, la Chine devrait avoir besoin de vacciner plus que les 70% de la population recommandés pour atteindre l’immunité collective. Sous cet angle, elle aurait tout intérêt à reconnaître des vaccins étrangers de technologie innovante pour s’immuniser plus rapidement. Celui de BioNTech serait le premier approuvé par la Chine d’ici juillet. Fosun se tiendrait prêt à débuter la production de 100 millions de doses sur territoire chinois dans la foulée.

Sur le plan de la reconnaissance des vaccins chinois à l’international, la Chine vient de franchir deux étapes importantes. La première est le feu vert de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) accordé le 7 mai au vaccin de Sinopharm (dans sa version pékinoise). Réputé efficace à 78%, les experts de l’OMS notent toutefois avoir « un faible niveau de confiance » dans les données fournies par Sinopharm sur les sexagénaires (et plus) et « très peu confiance » en celles documentant les risques d’effets indésirables graves. Si les résultats fournis à l’OMS par le laboratoire Sinovac sont plus étayés, les écarts d’efficacité relevés dans différents pays (de 51% Brésil à 84% en Turquie) restent inexpliqués. L’OMS ne s’est d’ailleurs pas encore prononcée au sujet de CoronaVac. C’est pourtant le vaccin candidat de Sinovac qui a été soumis le premier à l’Agence Européenne du Médicament (AEM) le 4 mai, seconde étape importante dans la reconnaissance des vaccins chinois à l’étranger.

Malgré les doutes qui subsistent au sujet de leur efficacité, notamment au regard de la recrudescence du virus aux Seychelles (dont la population a été vaccinée aux deux tiers avec du Sinopharm), cette approbation par l’OMS signifie que les vaccins chinois pourront être distribués dans le cadre de l’initiative COVAX, véritable bouée de secours pour de nombreux pays qui n’ont pas accès aux vaccins.

Autre main tendue : celle du Président Xi Jinping au Premier ministre indien Narendra Modi, offrant le 30 avril ses condoléances et de l’aide matérielle (ventilateurs, générateurs d’oxygène…) pour faire face à ce désastre sanitaire aux portes de la Chine. En effet, le nombre de nouvelles infections en Inde a dépassé les 400 000 cas par jour et le nombre de décès, la barre des 4000.

Alors que les tensions territoriales demeurent fortes avec New Delhi, c’est le moment choisi par la Commission Centrale des Affaires Politiques et Légales du Parti, supervisant tous les organes de justice, de police et de renseignements du pays, pour publier sur son compte Weibo deux photos, l’une illustrant le lancement dans l’espace du premier module de la future station spatiale chinoise, l’autre l’incinération de corps en Inde, accompagné du message : « mise à feu en Chine, mise à feu en Inde ». Une autre publication, sur le compte du ministère de la Sécurité Publique cette fois, comparait un hôpital d’urgence construit à Wuhan en 2020, baptisé « Montagne du Dieu du Feu » (火神山) et les crémations de masse en Inde. Reprenant la même ligne, ces posts sont probablement le fruit d’une directive de propagande interne visant à discréditer l’Inde et valoriser le modèle chinois de lutte contre le virus.

Face à l’indignation massive des internautes chinois, les messages ont été rapidement supprimés, sans toutefois présenter d’excuses. Même le rédacteur en chef du quotidien nationaliste Global Times, Hu Xijin, pourtant adepte des provocations, a jugé que les comptes officiels du gouvernement doivent « faire preuve d’une morale irréprochable au nom de la société chinoise » a-t-il tweeté, tout en s’interrogeant sur les limites acceptables pour de tels comptes. Alors que Pékin persiste et signe dans sa diplomatie « combattante », cet incident va-t-il contribuer à lui faire réaliser que ces politiques peuvent être contreproductives, amenant à douter de la sincérité de la Chine lorsqu’elle affirme être « une puissance responsable et capable de compassion avec le reste de l’humanité » ?

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