Décidément, le « thé au lait » ne cesse de faire parler de lui ! Devenu l’emblème d’une surprenante alliance virtuelle entre des activistes pro-démocratie hongkongais, taïwanais, thaïlandais, et plus récemment birmans, c’est au tour de son cousin, le « thé aux perles » (珍珠奶茶, zhēn
Inventé à Taïwan dans les années 80, le « bubble tea » est un thé au lait dans lequel sont plongées des boules de tapioca glutineuses noires (également appelées « bō
Plusieurs chaînes comme CoCo (都可), Yi Dian Dian (1點點), LeLeCha (乐乐茶), et Gong Cha(薡御贡茶)connaissent un succès phénoménal, facilement repérables à la longue file de clients qui se forme devant leurs boutiques ou aux livreurs qui attendent de récupérer leurs commandes. D’autres enseignes se sont également fait un nom sur ce marché, telles que TeaSure (煮叶), qui met l’accent sur la qualité du thé, ou encore Niucha (牛茶) qui propose une version « haut de gamme » à base de nid d’hirondelles. Mais les leaders de ce segment premium sont incontestablement Nayuki (奈雪, Naixue) et Heytea (喜茶). Les deux chaînes originaires du Guangdong envisagent d’ailleurs faire leur entrée en bourse de Hong Kong d’ici la fin de l’année.
L’an dernier, 480 000 points de vente étaient recensés à travers le pays, les marques rivalisant entre elles pour s’accaparer une part de ce marché estimé à 141 milliards de yuans (18 milliards d’euros). À un rythme de croissance annuelle de 24,5%, il devrait peser 340 milliards (44 milliards d’euros) d’ici 2025, selon le cabinet China Insights Consultancy. Pour la seule année 2019, l’application de livraison de repas Meituan aurait reçu 210 millions de commandes de « thé aux perles ».
Reflet de cette soif insatiable, une récente étude de CBNData révèle que près de 30% des consommateurs chinois de moins 30 ans dépenseraient au moins 400 yuans par mois dans cette boisson. Vue 130 millions de fois sur Weibo, cette statistique a choqué les internautes, révélatrice du fossé inégalitaire qui existe entre la jeunesse dorée des grandes mégalopoles, et celles des villes de second ou troisième tiers qui leur envie leur pouvoir d’achat. « J’envie ces ‘nouveaux riches’ (tǔháo ,土豪). Quand je pense que je dois réfléchir à deux fois avant d’acheter une bouteille d’eau minérale Nongfu Spring… », se désole l’un d’entre eux. « 400 yuans ?! C’est ce que je dépense pour manger pendant un mois », s’indigne un autre, « ces jeunes privilégiés ne savent pas ce que c’est de travailler dur ».
Les accros au « thé aux perles » s’en défendent, justifiant leur consommation compulsive par un rythme de travail soutenu : « si je dépense autant, c’est justement parce que je travaille en 9-9-6 (de 9h à 21h, 6 jours par semaine) », écrit l’un d’eux. « Boire un ‘bubble tea’ me permet d’échapper à mon quotidien stressant pendant quelques minutes ».
Mais le mal-être semble plus profond qu’il n’y parait. « À quoi bon épargner mon argent ? Je n’aurais jamais les moyens de m’acheter un appartement… », déplore un utilisateur de Weibo, le prix de l’immobilier dans les villes de premier tiers restant inaccessible pour la plupart des jeunes actifs.
Ainsi, ce débat autour de la frénésie des « thé aux perles », d’apparence anodin, apparaît moins comme une simple mode consumériste que l’expression des frustrations de ces jeunes cols blancs qui ne se sentent pas à la hauteur des attentes de la société (acheter un appartement, se marier, avoir des enfants…) et pour qui l’ascenseur social s’est bloqué malgré leurs efforts.
1 Commentaire
severy
25 mars 2021 à 23:43Ces boissons sont souvent très sucrées et à l’origine de nombreux cas d’obésité.