· Le 7/4, Morgan Stanley s’illustre dans un domaine inattendu, l’agriculture. En s’engageant à prendre 17% (30M$ et 10% de son investissement en Chine) de Shifeng (Shandong), premier producteur et vendeur de véhicules agricoles en Chine, la banque d’affaires répond à l’appel du pouvoir, pour assister le secteur occupant la plus récente priorité du gouvernement. Avec 193,5M$ d’actifs et un profit de 60,5M$ (10% du chiffre d’ affaires), Shifeng est le groupe le plus rentable du secteur depuis 6 ans. L’injection de fonds de M.S. lui évite de devoir entrer en bourse – action que l’expérience et les contacts de MS seraient pourtant de nature à faciliter. De même, MS s’engage à éviter toute influence dans les choix de production et de R&D. La banque d’affaires US se bornera à renforcer son partenaire en matière de gestion et d’image voire (par ses contacts avec de nombreuses Cies globales), en fait de distribution à l’étranger. Morgan Stanley annonce que cette entrée directe dans une EE en bonne santé et à fort potentiel sera répétée – elle constitue une de ses stratégies de pénétration en Chine. M.S. pouvant retirer sa participation, conformément à la pratique internationale, dès que Shifeng entrera en bourse.
· Les Douanes de Tianjin s’inquiètent, et divers ministères avec elles, d’une tendance au rejet international de ses exports agro-alimentaires. De décembre à février, 2.312t de produits d’une valeur de 1.3M$, ont été retournés à l’envoyeur, et rien qu’en janvier les rejets ont dépassé de 56% ceux constatés 12 mois plus tôt. En février, les retours sont retombés à +5%, du fait d’une politique beaucoup plus prudente d’expéditions. La raison de cette désaffection tient à l’imposition, juste après l’entrée à l’OMC (et l’allégement des taxes étrangères pour les produits chinois), de barrières non tarifaires, sous forme de contrôles de qualité. Dans un domaine sensible comme l’agro-alimentaire, ce nouveau mur, très peu dans la philosophie de l’OMC, a un double sens : les pays riches veulent protéger à la fois Ê leur propre agriculture d’une concurrence imbattable, Ë et la santé de leurs concitoyens, par exemple d’agents conservateurs ou d’antibiotiques interdits sur leur sol. Pour une Chine dont les marchés extérieurs constituent une des seules chances de sauver son agriculture obsolète et aux effectifs pléthoriques, c’est un signal d’alarme, impliquant la nécessité de se mettre aux normes, à moins de devoir abandonner ses légitimes ambitions mondiales de géant vert.
· Sony saute le pas en établissant fin février, avec 2 partenaires shanghaiens (Synergy Multi Media et Jingwen) une JV musicale, Epic Music. Sa part est de 49% (invest de 30M$). Elle est la première à entrer dans ce secteur ouvert à l’étranger par l’OMC, mais le risque est fort, du fait du piratage en Chine, où les ventes de disques et cassettes ont fondu de 80% à 79,5M$ entre ’92 et 2000 – la copie illicite règne sur 95% du marché chinois. La JV a pour mandat de distribuer le répertoire Sony à travers les 30 provinces. Toutefois la production d’albums restera le privilège des partenaires chinois, titulaires de la licence de production. Sony espère atteindre l’équilibre financier sous 2 à 3 ans – le partenariat est pour 5 ans.
NB : déjà détenteur de la licence de distribution, mais apparemment plus frileux, le rival Warner ne compte pas matérialiser sa JV avant 2003.
· Jusqu’à présent les constructeurs auto et moto japonais avaient souvent misé sur une production bas de gamme, afin de réserver au made in Japan le produit cher pour l’export. Dix ans après, cette stratégie conservatrice se paie. Associé à Tianjin Auto, Toyota a perdu le marché populaire : la Xiali a vu ses ventes fondre en 2000, suite à l’ arrivée d’une marque privée, Geely (Zhejiang). Toyota exige, pour maintenir la coopération, une fusion de Tianjin avec First Auto Works (FAW) de Changchun (Jilin). Manquant d’un véhicule à bas prix, FAW, partenaire de VW, profiterait d’une telle fusion, mais refuse de reprendre les mauvaises dettes de Tianjin…
Mêmes soucis dans la moto, où Yamaha a régné 20 ans grâce à son modèle V80, produit par sa JV avec Jianshe (Chongqing), avant de se retrouver dépassé par des modèles plus accrocheurs et moins chers. Tardivement, Yamaha réagit en renflouant la JV, promettant (26 mars) d’introduire ses modèles les plus neufs et de décupler la production d’ici 2004. Honda, de même, avec ses trois JV, a plafonné avec 3% du marché chinois, puis s’est allié en septembre 2001 à Sundiro (Hainan), créant 3 filiales (Hainan, Shanghai, Tianjin) chacune sur un créneau de prix, afin de fournir, pour deux fois moins cher qu’avant, 3 à 4M de motos/an soit 1/3 du marché.
· La nouvelle chaîne TV en mandarin du groupe Murdoch, en Chine/Sud depuis début du mois, annonce sans ambiguïté la couleur par son nom: Xin Kong, «Ciel étoilé», comme la bannière de l’hymne US : c’est une TV de masse et jeune, clonant localement (à bas prix) des programmes à succès outre-Atlantique, tels «Wanted! in China » (le RV de recherche de bandits), « la femme juge » (remake de l’émission « Juge Judy »), ou «les plus hilarantes vidéo familiales ».
Avec ce petit dernier, le groupe « Star » détient en Asie 53 chaînes, 70M spectateurs quotidiens et… 1MM$ de pertes. Xin Kong ne sera pas profitable avant 2 ans, faute de recettes de pub solides d’ici là. Star vise, pour Xin Kong, une audience de 7M avant 2003, par le réseau câblé.
· Pratique très neuve en Chine, Shell China Exploration & Production, responsable d’une part de la construction du futur gazoduc Urumqi-Shanghai, commande une enquête d’impact social du projet auprès des 8 provinces riveraines, dans le but de «maximiser les bénéfices socio-économiques et de promouvoir une croissance équitable». Le sondage et les études seront menés par des consultants chinois et étrangers, publics et privés auprès de toutes les parties concernées (individus, mairies, ONG…). Au cours de ce processus, la transparence est promise – pour réaliser l’enquête, Shell recourt aux services de l’UNDP. Publiés à partir de mi-2002, les résultats serviront à définir un programme d’investissements sociaux le long des 4000km de l’ouvrage, financé par les partenaires du consortium et le gouvernement.
Par cette démarche jusqu’alors inexplorée en Chine, le groupe Shell apporte une «valeur ajoutée» au projet, en investissant dans l’image du groupe et de l’outil futur. Elle répond à un souci partagé par tous les chantiers de pointe en ce pays (barrage des trois Gorges, centrales nucléaires, futur canal Yangtzé-Fleuve Jaune) : par leur complexité et leur vulnérabilité, de tels investissements exigent un degré d’acceptation par les riverains, et donc, de réflexion concertée, sur leurs propres besoins, en rapport à ce projet!
Sommaire N° 14