A la loupe : Bo Yibo — le dernier des immortels

Dans les années ’90, on les appelait les « immortels », ou le 白头帮 baitoubang («gang aux cheveux blancs»), ces compagnons de Deng Xiaoping qui se maintenaient depuis un demi siècle au sommet.  Boutade qui exprimait l’étonnement face à leur formidable longévité, ayant survécu à toutes les purges et coups de palais, et l’agacement résigné, devant leur obstination à conserver leur ordre révolu.

Le 15 janvier, s’est tourné une page de l’histoire, avec le décès du dernier d’entre eux, Bo Yibo, 98 ans. Communiste irréductible, parfois héroïque, il avait fait la Guerre sino-japonaise et la Longue Marche de la 8ème armée, aux côtés de Mao – 8,000 km de retraite erratique, pourchassé par les forces nationalistes. Dans les années ’60, sur ordre de Jiang Qing, il était jeté 15 ans en geôle pour «révisionnisme droitier » (sa femme battue à mort) avant de se voir réhabilité au début des années ’80, puis vice 1er ministre réformiste, patron de l’économie. En 1989, il appuyait la loi martiale et l’intervention militaire place Tian An men (03-04/06/1989), avant d’oeuvrer comme faiseur de roi en 1997, de déboulonner Qiao Shi, dernier rival possible et confirmer Jiang Zemin à la tête du régime.

Le départ de Bo a été  passé sous silence pendant 24h. Simple pratique d’un système peu spontané, attendant en tel cas les consignes d’en haut. Cette mort coïncidait avec le 2d anniversaire du décès d’un autre personnage d’une toute autre stature : Zhao Ziyang, co-auteur de toutes les réformes de la Chine moderne, mais en disgrâce.

La discrétion du régime pouvait avoir une autre raison : Bo Xilai, l’actuel chef du Ministère du commerce, est le fils de Bo Yibo, ce qui maintient les rênes de  l’économie nationale dans la famil-le, de père en fils. Anglophone formé aux USA, Bo Xilai passe pour bon gestionnaire, et une étoile montante. Mais il est un exemple du népotisme éclairé chinois et de la caste des 高干子弟 gaoganzidi (« fils des hauts cadres »). Certes, le système parvient à se doter de leaders compétents, mais il les sélectionne parmi ses fils, tout en rappelant que nul, en Chine, ne survit sans un parrain ou un père : autre pratique sur laquelle le régime ne souhaite pas s’étendre !

 

 

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