A Xi’an en 1996, après des années de mésentente, l’ingénieur Lian, avait rompu son calamiteux mariage. Six ans après, il avait refait sa vie avec Li Zhi, veuve, gratte papier. Mais leur bonne heure ne dura pas ! Bientôt débutèrent les appels anonymes, sur son portable à elle : « Quitte Lian, vite, ou il t’en cuira ».
Trouver le corbeau n’était pas difficile : c’était Lian Hao, fils du 1er lit qui avait été élevé dans la haine du géniteur absent. Lian Hao porta bientôt sa guerre au bureau de Li Zhi,troublant sa paix, compromettant sa carrière et la menaçant de mort, si elle insistait pour «prendre la place nocturne de sa mère». Le plan maladif du fils se résumait ainsi: ou le père retournait à sa marâtre, ou c’est lui qui le condamnait à une vieillesse solitaire, en ex-piation de sa désertion.
C’est alors que surgit l’aspect résolument bizarre de ce psychodrame, inintelligible à la logique occidentale: durant ces trois ans d’épreuves, loin de discuter ou de se battre (fût-ce physiquement) avec son fils, loin de changer d’adresse ou bien de porter plainte afin de placer leur intimité sous la protection de la police, l’ingénieur Lian se cantonna dans le silence, sans jamais se départir d’ une impassibilité digne de Lao Tseu. Pas un instant il ne tenta de se défendre ! En réalité, ce stoïcisme était pétri d’amour pour son fils, de passivité atavique (l’in-certitude sur l’attitude à suivre), et d’esprit de clan.
Son inaction eut raison de lui : en septembre, il céda, quitta sa femme, en soupi-rant. Sans l’avouer à qui-conque, Lian attendait un signe du ciel qui lui per-mette de réagir, s’arra-chant à sa passivité. Le signe tomba deux mois plus tard : Li Zhi se brisa le bras. Alors, il revint vers elle, s’ accusant à grande pamoison de l’avoir laissée sans protection. Ce premier courage en induisit un autre : celui d’aller quérir la presse, lui dévoiler la «filialité sélective » de son héritier. Dès l’ affaire publiée, faisant les choux gras des tabloïds, le vaurien retourna à ses études : leur cauchemar avait atteint son terme.
Depuis, ils goûtent sans y croire leur paix retrouvée. De son fils, Lian ne parle plus guère, sauf pour déplorer la déception qu’il lui inspire – « que le fer n’ait pu devenir acier » (恨铁不成钢, hen jie bu cheng gang) !
Sommaire N° 3