Le Vent de la Chine Numéro 37 (2020)
« 15ème plan quinquennal », « société modérément prospère », « Made in China 2025 », « une armée de classe mondiale en 2027 », « Vision 2035 », « neutralité carbone 2060 »… Que ce soit sur des années, des décennies, voire des siècles, Pékin a un goût prononcé pour la planification, outil hérité de l’ère soviétique pour assurer une bonne répartition des ressources productives et contrôler les masses. Ces grands plans reflètent aussi l’ambition chinoise de rattrapage en tout domaine, mais également le besoin du Parti de mettre en valeur ses réalisations auprès de sa population, en un effort propagandiste. Chaque nouvel objectif est ainsi perçu comme le fruit d’une intense réflexion de la part des meilleurs experts du pays qui, tels des joueurs de go, ont envisagé tous les angles et scénarios possibles. Cette projection à long terme suscite l’admiration de certaines démocraties qui ont souvent du mal à voir au-delà du prochain cycle électoral. Mais ces grands plans chinois sont-ils si méthodiquement calculés ?
Le meilleur exemple est peut-être le projet des « nouvelles routes de la soie » : lancé par le Président Xi Jinping en 2013, désireux de laisser sa marque dans l’histoire, il a été renommé « One Belt, One Road » (OBOR), puis enfin baptisé « Belt & Road Initiative » (BRI) deux ans plus tard. Ce cafouillage autour du nom du projet, parfois qualifié de « plan Marshall » chinois, n’était pas le dernier. Aujourd’hui encore, impossible de savoir véritablement quels sont les projets labellisés « BRI ». S’agit-il de tous les investissements chinois à l’étranger ou seulement ceux financés et réalisés par des firmes d’État ? S’agit-il uniquement de chantiers réalisés dans certains pays le long d’un tracé spécifique ? Sa définition restant floue, le terme « BRI » est désormais brandi tel un gage de caution politique dans presque tous les projets de coopération impliquant un partenaire étranger… Faute de critères et de standards bien définis, l’initiative BRI a été rapidement accusée d’être un « piège de la dette », une stratégie « préméditée »par la Chine pour récupérer à bon compte des actifs stratégiques dans des pays étrangers. Même si ce n’est pas nécessairement le cas, la cession à un consortia chinois pour 99 ans du port de Hambantota par Colombo (Sri Lanka), croulant sous les dettes, lui a valu très mauvaise presse et a sensiblement décrédibilisé l’initiative…
La Chine de Xi Jinping a également hérité de politiques de long terme, dont les implications ont été mal évaluées. La stricte application du planning familial, limitant les naissances à un enfant par couple pendant des décennies, a creusé un fort déséquilibre démographique qui la menace aujourd’hui. Cependant, faire marche-arrière s’avère plus difficile que prévu : les parents ne veulent plus d’un deuxième enfant.
Dans certains cas, le gouvernement chinois met abruptement un terme à ces grands principes : c’est le cas d’« un pays, deux systèmes », négocié en 1984 et entré en vigueur en 1997, qui devait garantir à Hong Kong un « certain degré d’autonomie » jusqu’en 2047. Craignant de perdre le contrôle, n’ayant pas anticipé que la jeunesse hongkongaise prenne goût aux principes démocratiques, Pékin a préféré dynamiter cet accord en imposant une loi de sécurité nationale. La formulation du dernier plan quinquennal ne laisse d’ailleurs plus aucun doute sur ses intentions, mentionnant l’exercice d’une « gouvernance complète » sur la région administrative spéciale d’ici cinq ans. « Un pays, deux systèmes » devait pourtant servir de modèle pour la réunification avec Taïwan, mais en y mettant un terme, Pékin enterre tout espoir d’un rapprochement pacifique avec Taipei. Ce faisant, la Chine s’est tiré une balle dans le pied.
Dans la même idée, la « diplomatie coercitive » que pratique Pékin depuis plusieurs années lui a valu plusieurs crises majeures avec des pays tels que la France, la Norvège, la Suède, le Japon, la Corée du Sud, le Canada, les États-Unis et maintenant l’Australie. Les « loups combattants », ambassadeurs en poste l’étranger qui profèrent des menaces à peine voilées, n’arrangent rien, marquant une rupture avec la « montée en puissance discrète » que prônait Deng Xiaoping. Résultat : l’image de la Chine dans ces pays est en chute libre. Pékin peut bien prétendre n’en avoir que faire et blâmer les médias étrangers. Pourtant, les conséquences sont claires : les gouvernements étrangers à qui il restait peut-être un peu de bonne volonté se retrouvent contraints de durcir le ton afin de s’aligner avec leur opinion publique. Et les entreprises chinoises comme Huawei, que les diplomates espéraient défendre en sortant les crocs, en paient le prix… La Chine s’enferme donc dans un cycle contreproductif.
Tous ces exemples laissent à penser que si la Chine aime se projeter à long terme, ses initiatives sont souvent trop vite mises sur pied, trébuchent par mauvaise mise en œuvre, ou sont avortées prématurément pour des motifs internes. Sous cette lumière, il est particulièrement éclairant d’observer les programmes à court terme et les rétropédalages de dernière minute (comme la suspension in extremis de l’entrée en bourse d’Ant), en particulier lorsqu’ils contredisent les grands plans ou révèlent au grand jour leurs fragilités.
Hier encore chouchou du public, modèle du « self-made man », philanthrope apprécié pour son humour, Jack Ma (马云) se serait-il brulé les ailes ?
Ex-filiale du géant Alibaba, Ant Group a bouleversé la finance chinoise en l’espace de six ans, en permettant aux particuliers et petites entreprises, habituellement ignorés des grandes banques, d’obtenir des prêts personnels et à la consommation, et en leur proposant de placer leurs économies ou de souscrire des assurances – sa plateforme de paiement Alipay disposant d’une base de 731 millions utilisateurs actifs par mois.
Sa double cotation prévue le 5 novembre à Hong Kong et au marché STAR à Shanghai, qui ambitionne de devenir le « Nasdaq » chinois, était annoncée comme la plus importante de l’histoire. L’opération aurait valorisé Ant à plus de 280 milliards de $ et lui aurait permis de lever 37 milliards de $, le record en la matière étant détenu par le pétrolier saoudien Saudi Aramco (29,4 milliards de $). Pour Pékin, cette cotation devait être le couronnement de la fintech chinoise à l’international et la preuve que la Chine peut se passer de Wall Street pour financer ses champions.
72h avant son entrée en bourse, Jack Ma, fondateur et principal actionnaire de Ant, et deux autres dirigeants étaient convoqués par des représentants de la Banque Centrale, du régulateur boursier et du régulateur bancaire chinois – un entretien inhabituellement repris dans la presse officielle. Le même jour, les autorités annoncaient le durcissement de la réglementation s’appliquant aux prêteurs en ligne, à l’instar d’Ant : ils pourraient être tenus de fournir au moins 30% du financement des prêts. Actuellement, seulement 2% des prêts sont inscrits au bilan d’Ant, l’essentiel du financement provenant d’autres partenaires bancaires.
Conséquence : son introduction en bourse était suspendue, les autorités invoquant les obligations d’Ant Group en matière « d’information », puisque ces nouvelles règles vont peser sur ses résultats et réduire les profits promis à terme aux actionnaires. Selon certains analystes, Ant pourrait voir sa valorisation fondre de 25% à 50% (soit 140 milliards de $) si la firme doit aligner son ratio mesurant le rapport entre la valeur de marché des capitaux propres et leur valeur comptable sur celui des principales banques internationales. Une semaine plus tard, le 10 novembre, les autorités ont annoncé s’attaquer à la situation monopolistique des géants du numérique en Chine. Alibaba et Tencent perdaient à eux deux 290 milliards de $ en valeur boursière…
En majorité, les internautes ont félicité les régulateurs pour avoir pris les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des petits investisseurs et des clients des produits financiers de Ant, persuadés que la firme serait un requin de la microfinance et inciterait ses jeunes clients à s’endetter pour assouvir leurs achats compulsifs comme lors du 11.11, le « Black Friday » chinois. « Ant suce le sang des emprunteurs depuis trop longtemps. La sanction est amplement méritée », écrivait l’un d’entre eux. « Il ne faut pas confondre « consommation », qui aide à stimuler l’économie, et « consumérisme », qui nous faire perdre tout sens moral et tire la société vers le bas. Ne vous laissez pas avoir par la gigantesque campagne publicitaire orchestrée par Jack Ma », avertissait un autre.
Jack Ma en prenait pour son grade, qualifié de « capitaliste cupide », de « bandit de la tech », « d’homme devenu si égoïste qu’il se croit au-dessus des lois ». Un internaute lynchait l’ancien professeur d’anglais : « qu’est-ce qui fait penser à Jack Ma qu’il a le droit de critiquer les politiques du gouvernement ? S’il est devenu riche en premier lieu, c’est en tirant avantage de ces mêmes politiques ».
Ces derniers commentaires font référence à un discours prononcé lors d’un forum à Shanghai le 24 octobre dans lequel Jack Ma a vivement critiqué le système financier chinois dominé par les banques d’État, les accusant d’avoir une « mentalité de prêteur sur gages » et les régulateurs « d’étouffer l’innovation ». Participaient également à l’événement l’ex-gouverneur de la Banque centrale Zhou Xiaochuan, son successeur Yi Gang et le vice-président Wang Qishan…
Habitué à la controverse, particulièrement lorsqu’il épouse des vues trop « capitalistes » (comme lorsqu’il défendait la culture du « 996 »), les commentaires acerbes de Jack Ma ont fait le tour de la toile, certains internautes saluant son audace. Toutefois, personne n’avait envisagé que ce discours provoquerait une telle réaction en haut lieu. Très peu savaient d’ailleurs que Jack Ma était en discussion avec les régulateurs à propos des nouvelles règles sur les prêts en ligne. Ainsi, sa virulente allocution était-elle une ultime tentative de rallier l’opinion à sa cause, un moyen de faire pression sur les décideurs afin de les convaincre de faire marche arrière ?
C’était en tout cas un mauvais calcul puisque ce discours aurait déclenché le courroux de Pékin. D’après le Wall Street Journal, le Président Xi Jinping lui-même aurait donné son accord pour stopper l’entrée en bourse d’Ant, probablement sur recommandation du vice-premier ministre Liu He, qui a la haute main en ce domaine. Ainsi, les régulateurs ont pu céder aux pressions du puissant secteur bancaire public, voyant d’un mauvais oeil l’incursion de Ant dans leur pré carré, pour que le groupe soit soumis aux mêmes règles prudentielles.
Cela pourrait expliquer que les règles annoncées soient encore plus strictes que celles qu’espérait combattre Jack Ma. L’entrepreneur de Hangzhou a donc perdu sur tous les tableaux en tentant ce coup de poker, puisque Ant sera obligé de remettre la main au pot pour répondre aux exigences de Pékin, et sa nouvelle introduction en bourse – peut-être courant 2021 – ne sera probablement pas capable de lever autant de fonds.
Ce n’était d’ailleurs qu’une question de temps avant que Jack Ma, membre du Parti mais gardant ses distances avec la politique, ne se fasse remonter les bretelles. Lorsqu’il a lancé Alipay en 2004, l’entrepreneur se déclarait prêt à finir en prison, conscient des risques de s’attaquer de trop près du secteur de la finance, autrement plus stratégique pour l’État que le e-commerce, surtout depuis que le gouvernement a élevé la lutte contre les risques financiers (spéculation, bulle, schéma de Ponzi…) au rang de priorité nationale. C’est peut-être en préparation de cette période tumultueuse que Jack Ma, 56 ans, aurait annoncé sa démission surprise en tant que PDG d’Alibaba en septembre 2019… Ce n’est en tout cas pas la première fois – et sûrement pas la dernière – qu’un milliardaire chinois est ainsi rappelé à l’ordre par Pékin. Les (anciens) patrons de Wanda, Anbang, Fosun, et de HNA en savent quelque chose… Le Parti tolère leur enrichissement, tant qu’ils s’alignent avec ses intérêts. Mais pas question de mordre la main qui les nourrit.
Tous les 11 novembre, la Chine entière est prise d’une fièvre d’achats sur internet à l’occasion de la « fête des célibataires » ou « double 11», un festival du shopping en ligne créé par Alibaba en 2009. Cette édition 2020 n’était pourtant pas tout à fait comme les autres, devant être le « thermomètre » de la reprise de l’économie chinoise post-Covid-19.
Alibaba a donc débuté son festival plus tôt que d’habitude, dès le 1er novembre, avec des préventes dès le 21 octobre. Le groupe fondé par Jack Ma donnait ainsi plus de temps aux consommateurs pour faire leurs achats, aux marques de se refaire une santé, et aux livreurs d’acheminer les colis. C’était aussi l’occasion de gonfler son chiffre, brouillant la comparaison avec l’an dernier : 76 milliards de $ de ventes sur 10 jours contre 38,4 milliards de $ en 24h en 2019. Un signe ne trompe pourtant pas : en huit heures seulement, deux influenceurs parmi les plus célèbres de Chine, Austin Li, le « roi du rouge à lèvres » et Wei Ya, la « reine des KOL », vendaient pour 1 milliard de $ de 275 produits, suivis en live par 310 millions de personnes.
Le grand rival d’Alibaba, JD.com, avec qui il se dispute les droits du « Double 11 » depuis deux ans, enregistrait de son côté 41 milliards de $ de ventes.
Au grand désespoir des associations écologistes, un nombre record de 4 milliards de colis ont été envoyés en 10 jours, dont 675 millions pour la seule journée du 11 novembre.
Mais à en croire les participants, l’opération commerciale est devenue bien plus qu’une simple vente « flash » de 24h. Elle s’est transformée en une éprouvante chasse aux bonnes affaires sur plusieurs jours, mettant la détermination des consommateurs à rude épreuve. Les clients se sont plaints de la difficulté de faire des bonnes affaires cette année, entre prépaiement ou règlement du solde à une certaine heure, mini-jeux virtuels, rabais entre boutiques partenaires, montant minimum pour prétendre à une réduction, et sessions de télé-achat en live-streaming… « C’est terrible, si je n’achète pas, j’ai l’impression de perdre une occasion d’économiser de l’argent, mais si j’achète, je ne sais même pas comment faire pour bénéficier du meilleur prix. C’est devenu trop compliqué », écrit une cliente sur Weibo. Un sentiment partagé par de nombreux internautes, incapables de calculer le moment propice au meilleur « deal »… C’était sans compter sur les marchands peu scrupuleux qui augmentent leurs prix juste avant le 11.11 pour mieux prétendre le baisser lors du festival. NetEase, autre géant internet, visait juste en annonçant jeter l’éponge du « 11.11 », refusant de participer plus longtemps à ces combines promotionnelles : « ce sera les prix bas toute l’année » !
Se faire rembourser d’un achat que l’on regrette à peine quelques instants après l’avoir payé, est également devenu plus long et plus compliqué qu’avant. Alors qu’hier, les longues listes d’achats s’arboraient fièrement sur les réseaux sociaux, cette année c’est les listes de demandes de remboursement qui étaient à la mode, signe d’une prise de conscience chez certains acheteurs compulsifs, pour qui il est difficile de résister aux promotions.
Se faire livrer rapidement n’était pas non plus garanti durant ce 11.11. En effet, des milliers de livreurs manifestent depuis octobre dans le Hunan, Jiangsu, ou encore à Shanghai contre leur paie de misère ou pour récupérer leurs arriérés de salaire – avec le soutien des internautes. Car derrière tous ces records de vente qui donnent le tournis, il y a la dure réalité de ces livreurs, victimes d’une autre guerre des prix : celle des opérateurs de livraison (SF Express, ZTO, STO, YTO, Yunda…), espérant remporter la plus grosse part de marché grâce à des tarifs imbattables. Pour chaque colis livré, leurs employés gagneraient aussi peu que 0,7 yuan. En attendant, les géants du e-commerce s’en lavent les mains… Alors que le nombre de milliardaires chinois a augmenté depuis le début de la pandémie (257 de plus sur un total de 878), le revenu des plus pauvres lui, a été réduit, spécialement dans le secteur des services.
Cette édition 2020 révèle donc les limites d’un modèle qui s’essouffle : les trucs et astuces ne fonctionnent plus aussi bien d’hier auprès des consommateurs, et la main-d’œuvre corvéable sans laquelle le 11.11 n’aurait pas eu un tel succès, n’est plus prête à s’épuiser à la tâche pour quelques yuans…
La bombe démographique chinoise fait tic toc, le vieillissement de la population menaçant l’équilibre de la société. D’ici 2022, plus de 20 % des Chinois auront alors plus de 60 ans et 14 % plus de 65 ans. La Chine va donc passer d’un pays « vieillissant » à un pays « âgé » d’ici deux ans. Cette transition aura nécessité seulement 22 ans, contre 115 ans pour la France et 85 ans pour la Suisse, précise le China Daily. Cette évolution devrait se poursuivre jusqu’en 2050, échéance à laquelle les sexagénaires (et plus) seront 500 millions, soit environ le tiers de la population.
Pour répondre à ce problème, l’Etat envisage depuis plusieurs années de rehausser l’âge de départ à la retraite, fixé à 60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes fonctionnaires, et 50 ans pour les travailleuses à l’usine – une politique restée inchangée depuis 1978. A l’époque, l’espérance de vie était de 65 ans, contre 77 ans aujourd’hui.
La réticence du gouvernement à joindre l’acte à la parole s’explique par plusieurs raisons : la création d’emplois étant primordiale à la stabilité, Pékin a besoin que les plus anciens libèrent leurs postes pour les millions de jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail chaque année. Autre motif : en période de ralentissement économique, l’État peut compter sur les dépenses publiques liées à la protection sociale pour stimuler sa croissance (en réduisant les charges sociales des petites entreprises par exemple). Ce « petit » coup de boost pourrait tout de même représenter 1 point de PIB.
Mais cela devrait changer, tel qu’annoncé dans le plan « Vision 2035 », mentionnant « une réforme graduelle de l’âge de départ à la retraite ». Cette proposition aurait fait l’unanimité auprès des 364 membres du Comité Central lors du 5ème Plenum fin octobre.
Selon le China Economic Weekly, deux possibilités sont envisagées par le leadership : la première est de rendre l’âge de la retraite identique pour les hommes comme pour les femmes, puis de l’augmenter progressivement jusqu’à 65 ans ; la seconde est de l’augmenter séparément pour les deux sexes puis le rendre identique. Yang Lixiong, professeur à l’université Renmin (Pékin) penche en faveur du premier scénario, les Chinoises partant beaucoup trop tôt à la retraite selon lui.
Sans surprise, le débat a suscité la colère du public : les plus âgés craignent de ne pas vivre assez longtemps pour profiter pleinement de leur retraite, les plus jeunes redoutant que le recul de l’âge de la retraite n’impacte leurs opportunités professionnelles. « C’est déjà assez dur de trouver un emploi depuis la pandémie… Le gouvernement peut-il donner une chance aux jeunes nés dans les années 90 de survivre ? », plaide un jeune diplômé.
Les internautes ont également peur que ce recul de l’âge de la retraite réduise encore un peu plus le nombre de naissances. Les crèches faisant cruellement défaut dans le pays, c’est souvent aux grands-parents retraités qu’il revient de s’occuper de l’enfant lorsque les parents retournent au travail. « Sans cette aide précieuse, les femmes seront encore plus réticentes à avoir un enfant », affirme un utilisateur de Weibo.
Cela dit, il y a urgence : en 2035, la caisse nationale de retraite basculera dans le rouge. « Si les caisses sont réellement vides, le pays n’aura qu’à trouver l’argent nécessaire en réduisant les budgets ou en luttant contre la corruption », ironise un internaute. « Les fonctionnaires n’ont pas grand-chose à faire, ils passent leur temps à boire du thé et à regarder des films durant leurs heures de travail, bien sûr qu’ils sont prêts à « travailler » un peu plus longtemps ! Mais ce n’est pas le cas de la majorité d’entre nous, qui sommes impatients d’en finir », rajoute un autre. Pourtant, l’Etat ne pourra pas retarder l’inévitable beaucoup plus longtemps.
Durant les années qui suivirent, jamais le père et la mère ne cessèrent de se sentir coupables pour la perte de leur fille. La nuit, Guoming rêvait de sa fille maltraitée par une famille sans amour. Parfois au contraire, il retrouvait sa fille – mais elle les rejetait, lui et Fen : blessée, Mengyuan restait de glace, insensible aux bras qu’ils tendaient vers elle.
Sous de tels remords, bien des couples auraient sombré. Fen et Guoming eux, se retrouvèrent dans l’épreuve trempés comme l’acier, refusant de baisser les bras. « Je vais la retrouver », jura Guoming à sa femme.
Ils commencèrent par un geste extravagant, dont se moquèrent bien des gens : aux bureaux du planning du village, puis du district, ils déclarèrent la perte de Mengyuan. Ils n’avaient aucune chance de se la voir restituée. Au contraire, ils furent réprimandés, durent écrire une autocritique et payer une lourde amende. Mais Fen et Guoming ne doutaient pas qu’elle reviendrait ! A cet effet, Guoming déposa partout son numéro de portable– et durant 25 ans, n’éteignit plus l’appareil.
Il quitta Wuli pour travailler au loin. Partout, il allait voir les journalistes et déposait ses pamphlets. Il encollait aux murs et aux poteaux des rues des affichettes. Quand il avait le sentiment d’avoir fait le tour de la ville, il reprenait son baluchon pour la prochaine étape.
En 2005, au bout de sept ans, son corps lui signala qu’il était temps d’en finir avec sa vie d’errance – à 43 ans, sa santé le lâchait. Alors il souscrivit un emprunt et ouvrit un car wash au village. C’était un nouveau support à leur recherche : pas un chauffeur, local ou de l’extérieur, touriste ou homme d’affaires n’échappa à sa question sur Mengyuan. Certains ricanaient en retour : « si tu veux une fille, t’as qu’à te servir au temple » – le sanctuaire bouddhiste d’à côté, hébergeur notoire de ribambelles d’enfants, chiens perdus sans colliers. Le soir, Guoming retournait désemparé, mais Fen lui redonnait courage : « Y a pas de mal à chercher son gosse… allez, on continue ! »
En 2010, les affaires prospérant, le couple acquit pour 10 000 yuans de tenues 1-5 ans, qu’il remit à l’orphelinat de Jiujiang. C’était, pour ce dernier une donation-record. Aussi pour la première fois, Guoming fut admis en ses murs. Il y rencontra un médecin qui, à titre vénal, lui proposa de détourner la fiche de sa fille. Le lendemain, pour 1 000 yuans, il avait en main une photocopie, qui lui ouvrait des pistes en Amérique. Après 13 ans de quête infructueuse, c’était une première victoire !
Tous les jours, Guoming se mit à surfer parmi les forums des jeunes sino-américains adoptés recherchant le bercail natal. Il lui fallut malgré tout sept ans pour trouver dans l’Utah, Longlan Stuy, directrice d’une ONG de réunification des familles. Et celle-ci fit merveille, remontant jusqu’à Mengyuan – qui à présent s’appelait Jiangli- puis obtenant d’elle un test ADN, preuve de sa filiation biologique. On était alors en décembre 2017.
Mais alors que se dénouait près d’un quart de siècle d’obscurité, s’ensuivit chez Jiangli un troublant silence : sans aller jusqu’à rompre, elle faisait la morte. C’était pour elle trop lourd. Elle avait vécu toute sa jeune existence certaine d’avoir été rejetée de son pays et de sa famille. Elle croyait que la cause était en elle, une honteuse tare, une monstrueuse incapacité – autant de fantasmes sur lesquels elle était bien sûr incapable de mettre un nom, mais qui la rendaient coupable même si, par force, c’était à ses parents qu’elle en voulait pour l’avoir reniée. Elle en restait ainsi blessée à cœur, inhibée par une malédiction qui lui coupait les ailes avant même l’envol pour la vie d’adulte.
Mais voilà qu’à présent l’atteignait une autre petite musique, qui infirmait ses croyances de toujours : ses parents biologiques l’avaient cherchée, et retrouvée… Aussi l’a priori de toute sa vie était nul et non avenu… Il lui fallut du temps pour digérer la nouvelle. Ce ne fut qu’en mai 2018 à 23 ans, que Jiangli en pleurs appela Longlan : « est-ce bien vrai que mes parents m’ont aimé, ont passé leur vie à me chercher ? » Ça changeait tout : dès lors elle pouvait vivre, libérée de ce fardeau.
Elle reprit donc contact, mais non sans mal, avec sur son chemin de multiples ornières. Son mandarin était faible. Elle était américaine de culture, déjà au travail et avec son réseau d’amis, sans compter sa vieillissante mère d’adoption qu’elle ne pouvait envisager de quitter. Autant d’arguments qui lui interdisaient de changer de pays. Aussi le grand « happy ending » n’eut pas lieu : à ce jour, Jiangli s’est refusée à retourner à Wuli, voir ses parents biologiques.
Au début, Guoming et Fen ont été choqués. Mais le soulagement l’a vite emporté. Elle était vivante, heureuse. Apprendre qu’elle avait été aimée et recherchée, avait colmaté chez elle la blessure de la séparation, comme le fait de la retrouver l’avait fait chez eux-mêmes – c’était l’essentiel. Et il ne faudrait plus longtemps avant qu’un des deux bords n’aille vers l’autre, attiré par l’aimant irrésistible de l’instinct d’amour, franchissant les 20 000km à travers le Pacifique : « repoussant les montagnes et retournant les mers » (排山倒海, pái shān dǎohǎi) !
16-18 novembre, Shanghai : CEF – China Electronic Fair, Salon chinois de l’électronique
16-18 novembre, Shanghai : PCIM Asia, Salon international et congrès sur l’électronique de puissance, le contrôle de déplacement, les énergies renouvelables et la gestion de l’énergie
19-21 novembre, Shanghai : CHINASHOP – China Retail Trade Fair, Salon dédié aux technologies de pointe et aux nouvelles solutions pour le commerce de détail
19-21 novembre, Shanghai : PAPERWORLD, Salon professionnel des fournitures pour le bureau et pour l’école, de la papeterie et des matériaux pour les arts graphiques
19-22 novembre, Shanghai : Shanghai International Art Fair, Salon international de l’art de Shanghai
22 novembre – 1er décembre, Canton : Guangzhou International Electric Vehicles Show, Salon international de la batterie et des équipements de recharge
25-27 novembre, Shanghai : PROPAK, Salon spécialisé dans la transformation alimentaire et l’emballage
26-29 novembre, Shanghai : Design Shanghai, Salon international du design
2–5 décembre, Shanghai : Automechanika, Salon professionnel des pièces détachées et accessoires pour l’industrie automotive
3–5 décembre, Shanghai : EP Shanghai, Salon international pour la production et la distribution d’énergie
9 – 11 décembre, Canton : INMEX, Salon international de l’industrie maritime