A l’inverse des 1ers froids, le climat social est au rouge vif. A Shenyang, le 21/11, la faillite de Yilishen, a réussi à pomper en huit ans, 10 à 15MM$ de 100 à 200.000 d’épargnants. Supposé terrasser l’arthrite, son produit-phare vanté à la TV par un célèbre comique, était un tonique à base de fourmis. La chute de la firme en octobre, causa le 19/11 la manif de 6000 épargnants qui tentaient d’occuper mairie et siège du Parti — lesquels affirment n’avoir rien à voir avec Yilishen.
A Huzhou (Zhejiang), le 19/11, la mort suspecte d’un motocycliste interpellé par la police, cause l’émeute de 100aines de citadins (voitures lapidées, 20 arrestations). A Shenzhen, toute la ville s’émeut de l’exécution mystérieuse d’un chirurgien par des agents. A Chengde, la police soupçonne l’incendie d’un karaoké, ayant causé 11 morts (13/11) d’avoir une origine criminelle…
Les causes de la violence latente remontent parfois à loin. Telle la corruption : en 100 jours d’enquête, l’Etat vient de détecter 32.000 cas d’expropriation sauvage de 233.000 hectares, faisant fi de l’avertissement de Wen Jiabao devant l’ANP, le Parlement chinois, en mars. Les vrais déclencheurs sont l’insupportable hausse des prix alimentaires, + 17% depuis janvier, et l’angoisse de dizaines de millions de joueurs en bourse, face au risque d’effondrement de la bourse, qui vient de perdre 500M² en six semaines, 20% de sa valeur —et de leurs pensions.
L’Etat tente de réagir en ordonnant (21/11) aux gouvernements locaux d’améliorer le sort des140M de migrants—leur fournir écoles, dortoirs, soins médicaux et à terme, le permis de résidence. Il les enjoint de préparer pour les pauvres, abondance de logis à bas prix (70% du sol à bâtir), et des colis alimentaires. Mais ce sont promesses peu fiables, et tardives : la presse ne se gêne plus pour évoquer la presque misère, (China Daily, 21/11), « viol de la dignité humaine ». Tandis qu’apparaît un agent sociétal nouveau : comme dans l’affaire du «clou» de Chongqing (VdlC n°14), des reporters bénévoles, « faux journalistes » selon l’Etat, alimentent les blogs que le pouvoir n’a plus le temps d’effacer.
Autre nouveauté absolue : Wang Zhaojun, édile du conseil consultatif de l’Anhui (ex-soldat reconverti dans le business) écrit une lettre ouverte aux leaders, offrant des mesures très choquantes pour répondre à ces défis : libérer les prisonniers politiques, réhabiliter le Falungong et le printemps de Pékin, dépolitiser l’armée, octroyer multipartisme, libérer la presse…
Telles attentes de sensibilité occidentale, sont irrecevables, voire inapplicables. Elles expriment la naïveté et l’inexpérience de leur auteur. Mais elles démangent, venant d’une région sensible, et de l’intérieur du système. Elles expriment la demande incompressible d’une classe bourgeoise toujours plus riche et sophistiquée, envers un Etat plus tolérant -un partage du pouvoir. Pékin entend bien, mais sa réponse suffit-elle ? Dans son dernier « Livre blanc sur le système politique » (15/11), il promet, entre les lignes, plus de richesse et de libertés -pour «demain » !
Sommaire N° 38