En 1967 naissait l’ASEAN, association informelle d’Etats d’Asie du Sud-Est, comme rempart solidaire contre le péril rouge. 37 ans plus tard, l’ASEAN sortie de la guerre froide, élargie aux 10 Etats riverains (560 M d’habitants) et six observateurs d’Asie et Océanie s’estimait mure pour se doter d’une charte. Le 19/11 à Singapour, après deux ans de rédaction, il ne fallut que 20 minutes à ses 1ers ministres pour la signer. Et pour cause : elle était vide.
Par ce texte, l’ASEAN se définit comme «entité légale», réaffirme la souveraineté de chaque pays, son objectif des droits de l’homme et surtout, d’un grand marché uni, hors taxes pour 2015. D’où une cacophonie: quand Singapour offre la parole à l’envoyé de l’ONU, sur la Birmanie, Rangoon exige, et obtient qu’elle lui soit retirée, au nom du refus d’ingérence.
Helen Clark, pour la Nouvelle Zélande, avertit que la grande zone de libre échange projetée (1,7MM d’âmes), passe par les accords bilatéraux. L’Australie et son pays sont prêts à renoncer à 100% de leurs tarifs douaniers, à condition d’un « degré significatif de réciprocité » des 13 partenaires : à ce jour, on est loin du compte !
C’est alors qu’intervint Wen Jiabao pour mettre un peu de contenu dans cette enceinte amorphe. Il réitéra la vieille promesse de résoudre tout conflit sur le partage des hydrocarbures de la mer de Chine, et offrit à tous une coopération militaire. De la part de la 1ère puissance continentale, celle-ci pourrait s’avérer tentante, face à la contrebande, l’intégrisme islamique et les pirates de Malacca. Juste reconduit pour 5 ans dans ses fonctions, Wen Jiabao souhaitait suggérer que le moment était idéal pour régler avec lui tous conflits frontaliers —aux partenaires, de saisir l’occasion…
Wen Jiabao ouvrit aussi le seul vrai débat, sur le réchauffement climatique. Il signa avec ses 15 collègues un pacte affirmant l’objectif de « stabiliser » les émissions de gaz à effet de serre (GES), à un niveau « non dangereux». Document angélique qui évite tout objectif contraignant face au réchauffement global—l’Inde refusa une réduction d’«intensité énergétique » de 25% d’ici 2030. La Chine, elle se fixe pour but le gel au niveau d’émission de 2005. Les 16 s’alignèrent sur la position chinoise, d’une lutte à mener de front avec les pays riches, avec « but commun, et responsabilités différenciées selon les capacités respectives». Wen profita du moment pour inviter les 15 à un sommet environnemental à Pékin en 2008, histoire de faire le point, et aller de l’avant.
A quelques jours du sommet de Bali (1-14 décembre), où la Chine s’apprête à rejeter d’un ferme « non, mais! » toutes les demandes des partenaires, de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, c’était, d’un tour de passe-passe, faire passer son pays du banc des accusés à celui de leader d’un (tiers-)monde écologique !
Sommaire N° 38