Auprès du grand public, l’annonce de la neutralité carbone dans 40 ans n’a pas suscité l’engouement attendu. Sur Weibo, la nouvelle, essentiellement relayée par les médias officiels, n’a intéressé que 1,32 million d’utilisateurs. La « Greta Thunberg » chinoise, Howey Ou (cf photo), n’a pas été impressionnée : « même si cet objectif est la première promesse chinoise sur le long terme, atteindre un pic de ses émissions avant 2030 n’est pas suffisant. Il faudrait que la Chine abandonne ses projets de construction de centrales à charbon ». Trois jours plus tard, la jeune militante de 18 ans était détenue par la police pour avoir entrepris trois heures de « résistance silencieuse » dans un quartier fréquenté de Shanghai… Le reste des internautes chinois s’est contenté de saluer l’engagement de leur patrie pour le climat. « Seule la Chine se mobilise. Les autres pays continuent de polluer comme ils l’entendent, et viendront gâcher tous nos efforts à la fin. C’est déjà un peu le cas durant cette pandémie… », commentait l’un d’entre eux. « 2060 ? Qui peut prédire ce qu’il se passera dans les 40 prochaines années ? », questionnait un autre.
Hortense Hallé-Yang, spécialiste des thématiques environnementales au sein d’un think-tank basé à Pékin, explique cet apparent désintérêt : « l’annonce de Xi Jinping à l’ONU visait une audience internationale avant tout, tandis que la communication à propos des efforts du gouvernement chinois en matière de pollution de l’air, de l’eau et des sols, sont principalement destinés à sa population ». Les statistiques du réseau social Weibo reflètent cette distinction : les sujets concernant la qualité de l’air ont été consultés 1,9 milliard de fois, contre seulement 180 millions pour le changement climatique. De la même manière, certaines ONG ont été autorisées à participer à la lutte contre la pollution de l’air, mais sont tenues à l’écart des discussions portant sur le réchauffement climatique. Si les Chinois sont bien conscients du phénomène et soutiennent l’action de leur gouvernement, le réchauffement de la planète leur est davantage présenté comme une menace mondiale, sans lien direct avec leur quotidien… Pourtant, cet été encore, la Chine a été très sévèrement touchée par les inondations, la sécheresse et d’autres fléaux liés au dérèglement climatique.
Sommaire N° 33 (2020)